Les organismes communautaires sur les dents

SOCIÉTÉ. Souhaitant rappeler leur impact dans le milieu, les organismes communautaires de la région s’inquiètent de la réorganisation des institutions et de la révision des programmes actuellement en cours au gouvernement du Québec.

L’abandon des Conférences régionales des élus, jumelé à l’incertitude entourant l’avenir de certains CLD et d’autres organismes de développement régional soulèvent beaucoup de questions au sein de plusieurs entités. Certains s’interrogent sur leur représentativité régionale, alors que d’autres se questionnent sur leur mission et leur avenir proprement dit.

Membre du conseil d’administration du CLD de Bellechasse et directrice générale de la Corporation de développement communautaire (CDC) de Bellechasse, Guylaine Aubin est de celles et ceux qui insistent pour que le milieu fasse partie des discussions et des solutions. Une disparition des CLD pourrait poser problème selon elle. «Que la MRC gère les fonds et qu’une équipe d’experts mettent en pratique les principes de développement, il n’y pas de problèmes. La crainte se trouve plutôt au niveau de la représentation socio-économique future des entreprises d’économie sociale, traditionnelles et autres qui sont actuellement bien présentes au CLD», précise Mme Aubin.

Sur l’abolition des CRÉ, elle tient un peu le même discours. «Le conseil d’administration de la CRÉ n’était pas uniquement composé d’élus, c’était beaucoup plus large que cela. Sans renier leurs compétences, ils ne peuvent connaitre l’ensemble des secteurs d’activité d’un territoire. On n’entend actuellement parler que de développement économique, mais on ne dit rien sur le développement social. La CRÉ était une institution qui parlait beaucoup de cette réalité», fait-elle valoir.

Serge Kirouac de la Table régionale d’économie sociale de Chaudière-Appalaches craint que les réflexions chez les décideurs ne deviennent émotives. «Les CLD sont souvent impliqués directement dans le milieu coopératif et il faudra voir la suite des choses. Dans les MRC, on rencontre des maires qui parlent pour leur municipalité et c’est leur rôle. Un CLD pouvait être détaché de cette philosophie. On est vraiment dans une période d’incertitude incroyable parce qu’on parle toujours de la remise en question des programmes et nous sommes directement touchés par ça», convient-il.

Céline Laflamme d’Alpha Bellechasse remarque que le financement de base est généralement bon, mais n’a pas été indexé depuis longtemps en éducation par exemple. «On se sent bousculés. Ça nous oblige à être plus créatifs et à chercher d’autres moyens d’autofinancement. À l’immigration, nous avons une entente depuis 2009 et le financement a toujours été à la hausse. Cependant, celui-ci est en baisse depuis juillet. Il y a aussi l’entente spécifique en immigration, regroupant plusieurs partenaires, qui n’a pas été officialisée. Actuellement, le ministère est le seul qui nous soutient. Notre budget est passé de 40 000 $ à 24 000 $.»

Revenir à leur mission d’origine

Lorsque questionnée sur le chevauchement des missions dénoncé par plusieurs, Guylaine Aubin se fait plus incisive. «La notion de chevauchement des missions et des dédoublements appartient au domaine des préjugés et des légendes urbaines. Je connais bien le réseau et il n’y a pas de chevauchement, on n’a pas les moyens d’avoir de chevauchement. Il est certain que si je prends le Groupe d’entraide en santé mentale qui fait des cuisines collectives tout comme les Frigos Pleins, l’outil de travail est le même, mais la clientèle visée et la façon de faire diffèrent.»

Selon elle, le financement accordé aux organismes communautaires ou aux coopératives fait en sorte qu’il n’y en a pas. «Nos contributeurs ne financent pas de chevauchement. Chacun a une mission dédiée à une clientèle ou une problématique. Il y a tellement de travail de concertation sur le territoire que je trouve ça dérangeant d’entendre encore parler de chevauchement car s’il y a un réseau qui est habitué de travailler ensemble, c’est celui du communautaire. Qui nous parle de travail en silo ? C’est le réseau public avec sa structure, son mode de fonctionnement et sa taille démesurée», poursuit Mme Aubin qui admet tout de même que certains ont peut-être élargi leur champ d’action avec le temps, tout en rejetant qu’il puisse s’agir de chevauchement.

Guylaine Aubin estime, par ailleurs, qu’il y a de grandes différences entre les milieux rural et urbain. Rejoindre des jeunes dispersés sur un territoire donné en ruralité, c’est un défi différent que de rejoindre ceux vivant en ville. «Le milieu communautaire a une façon différente de travailler. Les moyens nouveaux et différents appartiennent au communautaire. Qu’un CJE ait des projets intéressants, particuliers ou novateurs en lien avec des incitatifs de retour aux études des jeunes, ce n’est pas surprenant. Les CJE ne travaillent pas comme les Centres locaux d’emplois par exemple et n’utilisent pas les méthodes plus traditionnelles», remarque-t-elle.

Une chose demeure, les milieux communautaire et coopératif discutent de dédoublement et de chevauchement et cherchent des solutions permettant d’éviter que de telles situations se produisent. La situation d’Alpha Bellechasse illustre bien cette réalité. «On a tenu un lac-à-l’épaule afin de mieux définir notre mission officielle et réévaluer nos actions, nos projets ainsi que nos services. L’objectif derrière cela était de se coller davantage à notre mission éducative et amener les gens vers une plus grande autonomie», conclut Céline Laflamme.