La productivité : une question de gestion

CHAUDIÈRE-APPALACHES. Si le principe de « lean manufacturing » (élimination du gaspillage) n’a plus de secret pour les gens d’affaires de la Chaudière-Appalaches, pour plusieurs, celui de « lean office » demeure un mystère.

La Chaudière-Appalaches, berceau de l’entrepreneuriat, a connu l’une des plus fortes croissances de productivité au Québec ces 10 dernières années. Malgré ce tour de force, une dernière béquille empêche les entreprises d’atteindre leur plein potentiel : les procédures administratives. Le « lean office » a justement pour objectif d’optimiser les processus administratifs afin d’éliminer les tâches inutiles et d’optimiser les autres.

« Il y a de l’efficacité dans les usines, mais les bureaux ne suivent pas. Les gestionnaires ont besoin d’outils et de vision. Pour les avoir, il faut que la direction embarque », a commenté Mylène Pigeon, directrice Innovation, productivité et services aux clients chez Développement PME Chaudière-Appalaches, sachant que modifier les façons de faire est souvent difficile à envisager.

À la Conférence régionale des élus (CRÉ) de Chaudière-Appalaches, le directeur général Patrick Hamelin ajoute qu’il sait pertinemment que dans les petites entreprises, la gestion et la production sont souvent l’affaire des mêmes individus. « J’ai le sentiment que beaucoup d’efforts ont été investis pour augmenter la productivité des entreprises, surtout dans notre contexte économique difficile, mais les gestionnaires ont besoin d’outils supplémentaires », a-t-il prononcé.

Main-d’œuvre

En effet, le criant besoin de main-d’œuvre a forcé les gens d’affaires à user d’ingéniosité pour conserver leur position concurrentielle. De la constance, un bon entourage, des améliorations technologiques. Les entreprises de la région ont d’ores et déjà expérimenté bien des stratégies.

Mme Pigeon a notamment confirmé que le nombre de cercles d’échanges concernant la productivité est passé d’un à une quinzaine en sept ans. « Les gens ont de plus en plus tendance à parler entre eux. Ils ont besoin de s’inspirer des leaders, de voir ce qui se fait ailleurs », a-t-elle commenté.

Alexandre Thivierge, commissaire industriel au CLD Robert-Cliche, a rappelé que des 30 M$ investis par 128 entreprises manufacturières en 2013, 28 M$ visaient directement l’augmentation de leur productivité. « La plupart des entreprises présentes sur le territoire et qui sont dans un marché "Hors-Local" sont conscientes qu’il est nécessaire d’augmenter sa productivité pour survivre dans un contexte de mondialisation des marchés », a-t-il affirmé, en ajoutant que la pénurie de main-d’œuvre est de plus en plus importante sur le territoire de la MRC Robert-Cliche, comme dans bien des secteurs de Chaudière-Appalaches.

En ce qui a trait au problème de gestion, M. Thivierge refuse cependant de généraliser la situation. « La plupart des entreprises sont conscientes qu’il est important d’augmenter la productivité de leur production et qu’il est tout aussi important d’augmenter la productivité de leur personnel administratif », a-t-il nuancé, convenant toutefois qu’il reste davantage de sensibilisation à faire dans ce sens, et ce, particulièrement dans les entreprises de moins de 50 employés.

Statistiques peu surprenantes

La hausse de la productivité de la main-d’œuvre en Chaudière-Appalaches ne surprend guère le directeur général du CLD des Etchemins, Yvon Levesque.

« La problématique de recrutement de main-d’œuvre vécue par plusieurs de nos entreprises a obligé celles-ci à investir davantage dans l’acquisition d’équipements performants nécessitant une main-d’œuvre qualifiée, certes, mais moins nombreuse », souligne-t-il d’emblée.

M. Levesque rappelle qu’il y a plusieurs années, la productivité de la main-d’œuvre dans des régions comme Les Etchemins ou la Beauce était moindre du fait qu’on y trouvait plusieurs entreprises œuvrant dans des domaines plus traditionnels qui offraient des conditions salariales moindres, ce qui obligeait les propriétaires à embaucher davantage de personnel pour effectuer le travail.

« Ces entreprises ont disparu du paysage, pour la plupart. Nos entrepreneurs se sont tournés vers des secteurs d’activités offrant des meilleures conditions de travail et vers la transformation de produits à valeur ajoutée, requérant à la fois une main-d’œuvre qualifiée et des équipements performants », poursuit le dirigeant.

Pour sa part, le directeur général du CLD de Bellechasse, Alain Vallières, se dit partisan d’une démarche de « lean office » actuellement en cours dans le milieu des affaires.

« Les structures existantes se nourrissent entre elles. On perd un temps fou à remplir des documents et effectuer différentes démarches dans un même dossier. Sans dire qu’elles sont inutiles, elles ne bonifient en rien ce que l’on souhaite atteindre comme objectif. On a un minimum à faire, c’est évident, sauf que les normes et les règles auxquelles on doit se soumettre alourdissent la tâche inutilement dans bien des cas. »

En collaboration avec Serge Lamontagne et Éric Gourde, La Voix du Sud