Saint-Henri dit non

ÉDUCATION. La récente proposition de regrouper trois commissions scolaires de Chaudière-Appalaches en une seule ne plait guère aux parents de Saint-Henri.

Selon ce projet véhiculé par le ministre Yves Bolduc, les jeunes du secondaire de la municipalité fréquenteraient, dans un avenir rapproché, l’école secondaire de Saint-Anselme, sur le territoire de la Commission scolaire Côte-du-Sud (CSCS), plutôt que des écoles de la Commission scolaire des Navigateurs à Lévis (CSDN). Les écoles Belleau et Gagnon de Saint-Henri comptent 439 élèves au primaire et selon les estimations, ce nombre pourrait grimper à 600 d’ici les cinq prochaines années.

Lors d’une rencontre avec le journal, des parents ont dit souhaiter le statut quo. Ceux-ci estiment que des perturbations pourraient survenir chez les enfants, menant ainsi à une augmentation du taux de décrochage et une diminution du nombre de jeunes diplômés au secondaire. Des craintes ont aussi été soulevées relativement au personnel des deux écoles primaires de la municipalité en raison de la présence de deux syndicats distincts chez les professeurs des deux commissions scolaires.

«Nous sommes dans l’inconnu à plusieurs égards. Au niveau des professeurs, c’est une donnée que l’on n’a pas. Il y a un danger que l’on perde nos professeurs et notre équipe-école. Nous avons déjà perdu de bons professeurs, car certains ont eu peur de perdre leur emploi ou d’être «bumpés» par d’autres. C’est déjà arrivé dans le passé par crainte d’un changement de territoire», ont fait valoir les personnes rencontrées.

«En ce qui a trait aux élèves en difficulté, les programmes du primaire en lecture, mathématiques et anglais ont été instaurés avec des conseillers pédagogiques de la CSDN. Ces élèves-là, en changeant de commission scolaire, pourraient perdre des choses déjà instaurées comme ces programmes, ou encore le sentiment d’appartenance ou le réseau social», craint l’une des mères rencontrées, Sabrina Ouellet.

Le groupe a aussi émis des réserves pour les élèves qui obtiennent du succès. «C’est la même chose pour nos élèves très performants. Pour ceux qui excellent dans une discipline sportive, en sciences, en linguistique, en musique ou en théâtre se retrouveraient, en 2016, obligés de quitter un programme comme ça, car il n’y aurait plus de transport scolaire gratuit», fait-elle valoir, ajoutant qu’elle ne souhaite pas que ses enfants soient les cobayes d’une nouvelle commission scolaire regroupée.

Le groupe a aussi émis la crainte que de déplacer les jeunes vers des pôles ruraux puisse créer un choc chez ces derniers et amener certains élèves à vivre ou adopter des comportements réactionnels.

Formation professionnelle

Une autre crainte émise par certains intervenants concerne le centre de formation professionnelle en montage de lignes situé à Saint-Henri, mais supporté par la CSDN. «La Commission scolaire des Navigateurs tente de conserver le centre sur son territoire et a entamé des démarches en ce sens», indique l’homme d’affaires Serge Léveillé. «Si nous allons dans Bellechasse, la commission scolaire fera la demande de conserver le programme. Ils ont déjà commencé à déplacer certains aspects de celui-ci à Lévis.»

Lévis ou Bellechasse?

M. Léveillé émet également des regrets relativement à l’adhésion de Saint-Henri à la MRC de Bellechasse. «C’est aussi l’économie de Saint-Henri qui entre en ligne de compte. Est-ce que cela va faire comme avec les autres produits de Bellechasse, où nous sommes toujours le plus gros payeur? On aime bien les gens de Bellechasse, mais il y a des limites. Ils commencent à nous faire douter de la possible fusion avec Lévis à l’époque. Il faudra qu’un jour ils disent oui, on veut Saint-Henri, peut-être que l’on pourrait alléger certaines choses comme la facture de la Sûreté du Québec ou autres.»

D’autres font valoir qu’un boom démographique s’est produit à Saint-Henri depuis l’an 2000, moment où Saint-Henri a choisi d’adhérer à Bellechasse. «C’est du monde urbain que l’on est allé chercher. Une grosse partie de la population n’était pas là quand on a fait ce choix et on l’a fait pour conserver notre identité.»

Bellechassois urbains

Pour les parents rencontrés, il est évident que les habitudes de vie des citoyens de Saint-Henri se rapprochent en tout point avec la vie en zone urbaine. Dans la trentaine, Sabrina Ouellet confirme cette pensée. «On a toujours été à Lévis. Nos écoles, notre parascolaire, nos activités, notre hôpital, notre centre commercial sont à Lévis. De perdre ça, je crois que des jeunes familles songeront à retourner à Lévis plutôt que s’établir à Saint-Henri. »

«Pour les plus vieux, notre cœur est dans Bellechasse, mais notre physique est à Lévis», entonne l’un des intervenants. «J’ai choisi de rester à Saint-Henri, car j’aime le bien-être que j’ai. Donc j’aime la tranquillité et l’esprit de famille que Bellechasse m’apporte. Cependant, mes activités et ma vie, ainsi que mon portrait socioéconomique ressemblent peut-être plus à Lévis», précise une autre. «Nous avons décidé de quitter Lévis lorsqu’on était un jeune couple pour la tranquillité, mais ma vie est à Lévis», observe pour sa part Caroline Michaud. «Ça fait trois ans que l’on demeure ici et quand nous nous sommes établis à Saint-Henri, on s’était d’abord assuré de voir à ce que nos enfants aient accès aux programmes de la Commission scolaire des Navigateurs avant de faire notre choix de maison», précise Isabelle Tardif. «Notre choix était la Commission scolaire des Navigateurs. Lors de nos recherches, on cherchait un endroit tranquille et c’était le plus loin que l’on pouvait aller», fait remarquer une autre.

Tous s’entendent pour dire qu’il n’est nullement question de menacer une quelconque fusion avec la Ville de Lévis, qu’il est seulement question de conserver certains acquis. «On comprend la réflexion du ministre Bolduc, mais elle ne reflète pas notre réalité sociale. On veut seulement illustrer que c’était sain dans les dernières années de faire à la fois partie de la MRC de Bellechasse tout en permettant à nos enfants d’avoir accès à la Commission scolaire des Navigateurs, c’est tout. Les deux ne sont pas obligatoirement liés ensemble», ont-ils tenu à résumer.

Le groupe travaille actuellement sur quelques initiatives visant à illustrer la position de la population, dont une pétition qui serait adressée au ministre Yves Bolduc et une consultation auprès de toute la population de Saint-Henri dans le but de chiffrer sa position. Le conseil municipal de Saint-Henri devrait adopter, lors de sa séance de lundi prochain, une résolution visant à appuyer les parents qui souhaitent demeurer au sein de la Commission scolaire des Navigateurs.