Construire une Culture d’Empathie

À la suite à l’assassinat de six personnes à la Grande Mosquée de Québec, les nombreux blessés et des familles décimées, nous sommes à un point tournant, nous avons l’opportunité d’examiner et transformer notre façon de vivre ensemble à Québec, au Québec et plus largement, dans le monde. Avant de continuer, je souhaite offrir mes plus sincères condoléances aux familles des défunts et j’espère que ce texte vous sera en support.

Étant moi-même originaire de Québec et vivant encore dans la région, j’observe depuis de nombreuses années un courant de pensée axé vers le jugement et le blâme dans les espaces médiatiques et politiques. Nommons les faits, depuis de nombreuses années, je suis témoin de différents médias qui font de leur marque de commerce, le jugement, le blâme, la critique acerbe de ce qui ne correspond pas à leurs valeurs, à leur point de vue. Et plusieurs leur rendent la pareille. Je veux être bien clair, mon but n’est pas de critiquer, ni les individus ou les idéologies politiques, mais bien de NOMMER cette façon de parler et d’être dans le monde qui amène la division et la haine. Ça s’appelle « être dans le blâme et le jugement », en d’autres mots la dualité, il y en a toujours un qui a raison et l’autre tort. Et nous le faisons tous comme individus à différents moments, ça fait partie de l’expérience humaine. Quand on expose la population à ceci jour après jour après jour on crée une culture du blâme, une culture de « chercher le fauteur », une culture des bons et des méchants. Nous créons une culture du jugement. Et ceci n’est rien de nouveau, c’est l’histoire d’un cycle de violence qui existe depuis des millénaires. Malheureusement, en ce moment, c’est la normalité culturelle de notre ville, province et planète.

Il faut faire attention cependant de ne pas retomber dans le piège, en parlant de l’attentat à la Mosquée certains disent : « les stations radios de Québec ont du sang sur leurs mains ». Encore une fois, on est en train encore une fois de blâmer ceux-ci pour ce qui est arrivé à la Mosquée… et on reste dans ce jeu du blâme interminable, dans une spirale de violence qui ne mène à rien. En ce moment, il est peut-être tentant de :

·       blâmer les radio de Québec

·       blâmer des journalistes à l’écrit

·       blâmer les gens de pensée « libérale »

·       blâmer l’État Islamique

·       blâmer Alexandre Bissonnette

·       blâmer les peace and love

·       blâmer les gens de droite… 

Blâmer est une façon de penser qui n’a pas de fin, qui escalade sans cesse et n’amène jamais la paix. Elle empoisonne nos pensées et nous garde loin de nos cœurs et de que nous ressentons vraiment. Elle est la source de disputes, de divorces, de guerres et de tous les conflits. Rappelons-nous le proverbe de Marshall Rosenberg:  » Dans la vie on peut avoir raison ou être heureux « .


Richard Martineau dans le Journal de Québec du 1er février dit : « les commentateurs utilisent ce massacre révoltant pour essayer de faire fermer la gueule aux gens qui ont la mauvaise habitude de ne pas penser comme eux ». Je suis entièrement pour la liberté d’expression et la diversité d’opinion, et la considération de l’impact de nos paroles sur les autres. Martineau et ses adversaires d’opinions ont exactement la même manière de penser et de faire : Chercher le coupable, critiquer, blâmer quelqu’un, argumenter, trouver le méchant, et le méchant il est toujours différent selon le point de vue dans cette manière de penser. Cette façon de penser atteint ses limites. Cette manière de voir le monde crée de la division au lieu de la compréhension et du rapprochement. Il est temps de se rendre compte qu’aucun mur ne pourra nous protéger contre l’autre,  la vraie sécurité vient de la connexion et la curiosité envers l’autre.

Sortons du blâme. Brisons le cycle de violence.

Et voici comment : S’EXPRIMER et ÉCOUTER avec l’intention de créer des ponts

Dire clairement sa vérité, ce qui est important pour nous, se permettre d’être vulnérable et oser dire ce que l’on sent. 

Parler de soi sans blâmer les autres, tout en gardant une curiosité envers l’autre. 

S’exprimer et écouter avec l’intention profonde d’être en lien et contribuer au bien de tous. C’est la base de la philosophie de la Non-Violence qui a déjà prouvée sa valeur.



Bien sûr, je suis dégoûté par le geste inacceptable de A. Bissonnette. Après le choc initial, mon regard se transforme lentement pour mieux comprendre. Pour travailler à changer les variables qui ont rendu ceci possible. Je me dis : «  Que se passait-t-il pour lui, pour qu’il se rende là ? ».  Peut-être était-il si seul, enfermé et souffrant, avec un tel besoin d’être important ou être vu, que cette souffrance s’est canalisée vers l’extérieur… blâmer et haïr les musulmans et malheureusement passer à l’action de façon dramatique. Je ne sais pas ceci pour certain, c’est une supposition, j’essaye de deviner, pour me rapprocher de cet humain perdu et pour ne jamais que ceci se répète avec un autre jeune homme de Québec et pour des familles innocentes. Ma colère initiale envers cet homme se transforme lentement en tristesse et compassion.

M. Benabdallah, membre fondateur du Centre Islamique de Québec a dit 2 jours après l’attentat : « C’est un être humain qui s’est trompé ». Il n’a pas blâmé, jugé, critiqué cet homme qui venait de bouleverser sa vie, il a réussi à offrir sa compassion, offrir un regard empathique. Et je félicite la communauté musulmane de Québec qui a répondu à cette tragédie avec compassion et ouverture. Ils ont invité la famille à Alexandre Bissonnette à venir marcher avec eux à Québec en support des familles des défunts.  Ça c’est une « game » complètement différente que celle qu’on est habitué à voir dans le monde médiatique et politique de Québec. Et j’espère que ceci changera, nous en avons grandement besoin. Sinon, nous stagnerons comme citoyens et comme peuple, dans des paroles qui ne mènent à rien et une culture qui nage dans le négativisme.

La clé pour sortir de ce cercle vicieux de violence: L’empathie.

Ma curiosité et empathie se tourne vers les médias et politiciens de Québec. J’imagine que dans le fond de votre cœur vous voulez vraiment le bien de votre ville, de votre communauté, de la planète.  J’ai aucun doute à ce sujet. J’imagine que vous avez tous des familles à nourrir, des amis à supporter, des rêves, des passions à partager. J’imagine que faire partie d’une équipe de gens dynamiques, drôles et intelligents est vraiment valorisant et stimulant. Peut-être que je me trompe complètement et j’aimerais le savoir. Mais ce paradigme du blâme, cette culture du jugement ne m’intéresse plus, il ne nous sert plus et je n’accepterai plus de rester silencieux s’il continue à créer des dommages dans notre tissu social.


Plutôt, j’invite tous et toutes dans un nouveau paradigme, pas celui où il n’y plus de problèmes, celui-là n’existe pas ! Mais plutôt dans un paradigme où l’on se parle pour de vrai, au-delà des frontières ou des croyances ! Où l’on tente de comprendre avec curiosité ceux que l’on ne comprend pas au lieu de créer des murs toujours plus hauts et épais entre nous. Je vous invite dans un monde où l’on porte même notre curiosité et empathie vers un A. Bissonnette ou un autre être ou groupe ayant fait un geste comparable. POURQUOI ? Pas parce qu’on est rose ou pacifique ou de gauche (ça c’est encore le paradigme de jugement).

Mais parce qu’on ne veut plus jamais que ce genre d’événement se produise, et c’est la seule manière d’y parvenir. Et c’est aussi la plus courageuse. Car là on se fait vraiment face. Et je serai heureux de venir à l’aide de quiconque devient la cible de critique et de blâme, je viendrai avec curiosité et pour aider à la compréhension de tous peu importe qui vous êtes. Et je ne supporterai pas des stratégies et façons de faire qui continuent à créer la division et la haine, peu importe qui l’utilise.

Vous serez peut-être surpris, mais Sylvain Bouchard du FM 93 est en train de d’ouvrir ce chemin. Il dit se demander ce qu’il aurait pu faire en lien avec l’attentat : « pas comme un gars qui se sent coupable » mais «  comme un gars qui fait partie d’une communauté et qui doit se remettre en question » « On aurait dû tendre des perches » en parlant de la communauté musulmane, « c’est dans le dialogue, c’est en parlant au monde, c’est là qu’on s’aperçoit qu’on est pas si loin ». On peut créer un monde où l’on va vers l’autre au lieu de toujours créer plus de séparation… dans son entrevue Sylvain Bouchard exprime ceci. Il parle de curiosité, d’aller parler direct à l’autre, au lieu de parler de l’autre, il parle de questionner l’autre, d’être curieux au lieu de simplement propager des opinions et des croyances qui à long terme crée une culture de séparation et de méfiance.

Questionnons-nous sur notre manière d’être dans le monde:

·       Comment parlons-nous aux autres ?

·       Allons-nous vers les autres, ceux qui sont différents?

·       Sommes-nous curieux?

·       Qu’avons-nous fait ou pas fait qui a contribué à la culture ambiante à Québec depuis quelques années ? 

·       Comment aurions-nous pu contribuer à éviter ce triste événement ?

·       Quelle vie voulons-nous pour Québec et ses habitants, pour le monde ?

·       Quel paradigme allons-nous choisir ?

Nous sommes tous des acteurs, les grands et petits gestes comptent.

Je vous invite à marcher avec moi avec courage, dans l’empathie et l’ouverture à l’autre.

J’offre ma protection et mon aide à tous ceux en ayant besoin

 Colin Perreault
courriel : culturedempathie@gmail.com
blog: culturedempathie.blogspot.ca