Saint-Lazare: obligée de démolir une résidence

SOCIÉTÉ. Une dame de Saint-Lazare a récemment dû démolir une résidence sur l’une de ses propriétés en raison des règles en cours au niveau municipal et au chapitre de la loi sur la protection du territoire agricole.

La résidence en question, qui était inhabitée et devenue vétuste avec le temps, a finalement été démolie le 26 juillet dernier. Lorraine Aubin en veut énormément aux législations actuelles qui l’ont empêché de conserver certains droits acquis, ce qui lui aurait ensuite permis de construire une autre résidence à proximité. Celle-ci aurait été dédiée à l’une de ses filles, dont les études supérieures se termineront d’ici deux ans, et qui aurait pu assurer la relève. Elle faisait également partie du patrimoine de la famille.

Dans ses récriminations, elle vise surtout l’attitude et les irritants législatifs de plusieurs paliers: le municipal, la MRC, l’UPA et la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ). «Il fallait que je démolisse à tout prix. Pourtant, il y a des cas semblables autour et ça semble différent.»

La résidence a finalement été démolie le 26 juillet dernier.

Mme Aubin indique que la maison a régulièrement été la cible de vandales dans le passé, raison pour laquelle elle ne souhaitait plus la rénover. «On va sûrement vous dire que la maison a été vandalisée parce qu’elle était inhabitée afin de rejeter le blâme sur moi, mais en réalité, elle était inhabitée parce qu’elle était constamment vandalisée. Ils préfèrent mettre ça sur le compte de la négligence d’une propriétaire, comme si la voir éventrée n’avait aucun impact sur moi.»

La forêt, l’éternelle négligée

Productrice forestière, elle doit se soumettre à la Loi sur la protection du territoire agricole, maintenant que la maison est démolie. Cette loi représente carrément, à ses yeux, un frein au développement des petites communautés. «Selon eux, pour avoir le droit de bâtir, il aurait fallu que je rénove, faire des démarches, démolir et rebâtir à côté.  J’aurais dû rénover avant de démolir. C’est insensé.»

Elle ajoute qu’un producteur forestier n’est pas un producteur agricole. Il ne fait pas de coupe importante de bois chaque année et doit respecter des rapports de gestion et les règlements municipaux. Sa propriété compte 60 hectares de bois sur 74 hectares au total. «On m’a expliqué que si je faisais une autre activité, comme produire des petits fruits par exemple, on pourrait faire une autre analyse. Les 14 hectares restants permettent à un agriculteur d’y étendre son fumier et de ramasser le foin. Toute ma terre est utilisée à quelque chose. Rien n’est en friche.»

Cette absence de revenus annuels lui cause préjudice, indique-t-elle. «J’ai fait faire une grosse coupe de bois en 2016. Je n’en ferai pas comme ça chaque année. La ressource n’est pas monnayable annuellement, ce n’est pas comme l’agriculture traditionnelle. En fait, on paye certaines années pour être producteur forestier et nous n’avons pas de reconnaissance même si on fait partie de loi de l’agriculture.»

Lorraine Aubin estime que la Loi sur la protection du territoire agricole devra être revue parce qu’elle ne correspond pas à la protection du territoire, elle le condamne. «On essaie d’être de bons gestionnaires de territoire. Nous sommes censés être des partenaires dans cette gestion, et nous sommes l’un contre l’autre. Ce n’est pas tout le monde qui prend ou a le temps et est outillé pour faire face à ces institutions.»

Mme Aubin explique que sa terre est majoritairement composée de forêt, ce qui l’empêche d’avoir un revenu stable annuellement, ce qui est peu ou pas considéré dans les lois actuelles.

Selon elle, certaines institutions municipales doivent aussi se ressaisir. Il en va de l’avenir de certaines productions agricoles et forestières. «Ils vont déchirer leur chemise pour le lait ou le sirop d’érable, mais pour le bois ou la forêt, non. Ils préfèrent ne pas avoir d’activités, pas de payeurs de taxes et montrer aux jeunes qu’ils ne sont pas les bienvenus. Il y a plus de règlements absurdes, stériles et inutiles qu’il y a de possibilités. Heureusement, les anciens ne sont plus là pour voir ça, ils ne pourraient accepter l’ampleur de la désolation. On dit non à tout, on n’a plus le droit de ne rien faire, tout est passible d’amendes et on s’adresse à nous comme si on était des criminels. On paye nos taxes et on nous fouette avec.»

Mme Aubin a commencé à partager son histoire avec certaines personnes et entend continuer dans l’espoir que d’autres réagissent face à certaines situations. «Plusieurs m’ont mentionné l’arrogance et le mépris de nos institutions. On devra marteler le message qu’on les paie ces institutions et que si les choses sont possibles, c’est parce que nous sommes là, parfois depuis longtemps et souvent, bien avant eux».