Armes à feu: le registre ne passe pas

CHASSE. La décision du gouvernement Legault de conserver le nouveau registre québécois des armes à feu, tel qu’adopté par l’ancien gouvernement Couillard le 29 janvier 2018, est loin de plaire aux chasseurs et propriétaires d’armes non restreintes qui, en grandes majorité, n’ont pas encore inscrit leurs armes et encourent des amendes à partir de la date-butoir du 29 janvier prochain.

Dans la région, certains intervenants rencontrés par La Voix du Sud continuent de clamer leur opposition à ce nouveau registre, arguant que celui-ci ne règlera rien et n’empêchera jamais ceux qui souhaitent commettre des délits, à l’aide d’une arme, de le faire.

Propriétaire de l’entreprise Dan-Chasse de Saint-Camille, Daniel Blanchette dit conserver l’espoir que le gouvernement Legault changera un jour d’idée et abolira ce registre. «C’est sûr qu’ils laissent entrevoir son maintien, mais je crois voir une certaine ouverture de leur part. De plus en plus de gens en parlent dans les médias. Ce registre ne servira à rien, car c’est un leurre et une fausse idée de sécurité. Ce ne sont pas toutes les armes qui sont enregistrées et leurs propriétaires ne les enregistreront pas non plus», soutient M. Blanchette qui est lui-même chasseur et l’un des plus importants détaillants d’armes au Québec.

M. Blanchette est d’avis que plusieurs chasseurs et propriétaires d’armes de chasse ont dans leur tête de ne pas les enregistrer et ne changeront pas d’idée. Quant aux nouveaux ou futurs propriétaires, ils peuvent selon lui acheter leurs armes n’importe où au Canada et quand ils le font, ils ne sont pas tenus de les enregistrer. «Si tu fais venir une arme de Toronto et que tu décides de ne pas l’enregistrer, personne ne va le savoir. Est-ce qu’ils vont entrer dans chaque maison pour enregistrer cela et pogner le monde, c’est impossible d’après moi.»

Daniel Blanchette de l’entreprise Dan-Chasse de Saint-Camille est d’avis que le gouvernement caquiste jette son argent par les fenêtres en maintenant le nouveau registre des armes à feu du Québec implanté par l’ancien gouvernement Couillard.

M. Blanchette ajoute qu’au lieu de gaspiller des dizaines de millions de dollars dans la création et le maintien d’un registre qui, soutient-il, ne donnera rien et ne sauvera pas de vies, le gouvernement devrait investir davantage dans la prévention, comme il le fait pour l’alcool et les textos au volant, ainsi qu’en santé mentale. «Quand quelqu’un appelle pour avoir un rendez-vous avec un psychiatre, ça peut prendre jusqu’à six mois pour en avoir un et c’est inacceptable. Si je suis malade et que j’ai besoin d’aide psychologique, que mes armes soient enregistrées ou non, est-ce que cela va m’empêcher de causer l’irréparable ? Je ne pense pas», se désole-t-il en ajoutant qu’en plus d’investir davantage en prévention et en santé mentale, le gouvernement devrait être plus sévère avec les personnes qui sont prises avec des armes et n’ont pas de permis de possession-acquisition, ainsi qu’avec les criminels qui se font prendre avec des armes volées ou commettent un crime avec des armes.

D’autres critiques

Copropriétaire du magasin Fauchon Sports de Sainte-Claire, Terry O’Farrell soutient les propos de Daniel Blanchette concernant ce registre. «On répète un peu l’erreur qui a été faite au fédéral. Ce n’est pas l’idéal de copier ce qui n’avait pas marché avant. Les chasseurs ont déjà l’obligation, avec la GRC, d’avoir en leur possession un permis d’acquisition-possession qui est renouvelable aux cinq ans et une vérification est faite à ce moment pour voir s’il n’y a pas de eu de contraintes, entretemps, pour permettre l’achat d’une arme. Il y a donc suffisamment d’éléments pour assurer un certain contrôle.»

Terry O’Farrell de Fauchon Sports de Sainte-Claire soutient que Québec répète les erreurs d’Ottawa en ce qui a trait au registre.

Selon lui, celui qui voudra commettre un crime le fera généralement avec une arme non enregistrée. «Chaque fois qu’un policier doit faire une intervention, il s’attend à la possibilité que la personne puisse avoir une arme, que ce soit un fusil, un couteau ou une arbalète non enregistrée», poursuit-il.

Le gouvernement gouverne peut-être un peu trop en fonction des lobbys de toute sorte, estime également Terry O’Farrell. «Chaque fois qu’un événement malheureux survient impliquant une arme à feu, des personnes s’en serviront pour véhiculer une cause, un peu comme cela se produit souvent dans d’autres dossiers.»

Lui-même chasseur, M. O’Farrell estime que plusieurs personnes se départiront simplement de leurs armes pour différentes raisons. «Certains ne veulent pas répéter inutilement les démarches faites il y a quelques années. Plusieurs gardaient des armes seulement pour aller chasser le petit gibier occasionnellement sur leur propriété, par exemple. Dans d’autres cas, ils possèdent des armes parce que cela s’est transmis dans la famille alors que pour d’autres, ce sont des objets de collection simplement.»

Il évalue à une personne sur deux les gens qui se présentent dans son commerce depuis quelques semaines uniquement en raison du registre. «Très souvent, les gens viennent pour obtenir de l’information ou de la documentation. Le désaccord avec la loi est très palpable et unanime.»

La vente d’équipements de chasse représente, pour Terry O’Farrell, la part la plus importante du chiffre d’affaires de son magasin. «Ce n’est pas avec les armes que l’on fait des profits, mais surtout avec l’habillement et les accessoires. En 2019-2020, on s’attend à une forte baisse pour différentes raisons. Il y aura beaucoup plus d’usagé sur le marché, puisque plusieurs se départiront de leurs fusils. Cela viendra affecter le prix à la baisse et le neuf sera en forte diminution.»

Les chasseurs pas consultés

Selon Daniel Blanchette, propriétaire de l’entreprise Dan-Chasse de Saint-Camille, les chasseurs et propriétaires d’armes non restreintes n’ont pas été consultés par l’ancien gouvernement libéral de Philippe Couillard.

«Ils disent qu’ils nous ont consultés, mais ce n’est pas vrai. Personnellement j’ai essayé de parler avec Mme Vien (Dominique) alors qu’elle était en poste, mais elle ne voulait rien savoir. Elle disait que c’était la ligne de parti et qu’il fallait qu’elle vote pour. Les Libéraux n’ont pas écouté la population et sont allés voir ceux que ça faisait leur affaire, pour avoir la réponse qu’ils voulaient.»

Il soutient que la création de ce nouveau registre explique, en partie, la défaite des Libéraux lors de la dernière élection provinciale. «À part que dans les grands centres comme Montréal, les gens ont tous voté pour quelqu’un d’autre que les Libéraux. Mme Vien n’a pas été une mauvaise députée pour le comté, mais les gens ont lancé un message clair. Son devoir était d’écouter les gens de son comté qui est formé en grande partie de chasseurs et de tireurs sportifs. Il y a plein de monde qui a des choses à dire à ce sujet.»

M. Blanchette dit avoir rencontré l’attachée politique de la nouvelle députée Stéphanie Lachance, au cours des derniers jours, et que celle-ci semblait avoir eu une bonne compréhension du dossier. «Elle nous a dit qu’elle allait transmettre le contenu de nos discussions à la députée, mais m’a rappelé que les décisions se prennent en caucus», a-t-il précisé en prévenant toutefois l’actuel gouvernement que les chasseurs accepteront très mal l’imposition d’éventuelles amendes, à compter de février.

«Je suis à l’écoute des préoccupations de mes concitoyens concernant le registre des armes à feu. Je prends le temps de bien comprendre leur point de vue et de le partager avec mes collègues», a simplement indiqué la députée de Bellechasse, Stéphanie Lachance, lors d’un courriel acheminé en fin de journée vendredi dernier.

Le maire de Saint-Camille, Adélard Couture, n’est pas tendre envers le nouveau registre québécois des armes à feu.

Une bêtise

Maire de Saint-Camille, dont la municipalité est située en plein cœur d’une région consacrée à la chasse, Adélard Couture n’a pas hésité à qualifier de «bêtise» la mise en place de ce nouveau registre. «Si j’avais envie de faire un massacre de masse,  je ne partirai pas avec mon 12 à un coup ou ma 22», indique le maire qui est un chasseur très occasionnel, à ses heures.

Contrairement à une douzaine de municipalités ailleurs au Québec qui ont adopté une résolution pour s’opposer au registre, M. Couture a mentionné que les élus de Saint-Camille n’avaient jamais abordé ce sujet en séance de conseil et qu’aucune autre localité n’avait fait de même dans Les Etchemins.

Il dit toutefois s’interroger sur la position du gouvernement caquiste vis-à-vis ce registre, d’autant plus que plusieurs députés de la CAQ avaient voté contre l’adoption de ce nouveau registre, l’an passé. Il est d’avis lui aussi que si une personne avait malheureusement l’envie de commettre un geste irréparable, il n’attendra pas pour voir si l’arme est enregistrée ou non.

M. Couture, qui possède quelques armes de chasse, avoue qu’il hésite encore à les enregistrer. Il sait toutefois qu’il n’entend pas s’en départir, ajoutant que certaines sont des souvenirs de famille qui se transmettent de génération en génération. «J’ai des 22 qui n’ont pas tiré un coup depuis 20 ans et j’ai un vieux 16 à un coup que j’ai eu quand j’avais 14 ou 15 ans et que je n’ai pas utilisé depuis une vingtaine d’années également», mentionne-t-il.

Bureaucratie inutile

Propriétaire d’une pourvoirie de chasse privée à Sainte-Sabine, Simon Tanguay souligne qu’il n’y a pas grand chasseur qui apprécie ce registre qu’il qualifie d’inutile. «Déjà, nous avons un permis de port d’armes du fédéral, qui dit qu’on a des armes à la maison. À quoi ça sert que le gouvernement sache si j’ai une 12, une 22 ou autre ? Quand un policier entre chez nous pour telle ou telle raison, il sait déjà si nous avons des armes ou pas. Ce n’est que de la bureaucratite aiguë> qui vise à donner du travail et de l’emploi à des fonctionnaires», mentionne le jeune entrepreneur-chasseur.

«Quand on voit les tueries dans les écoles ou ailleurs, ce n’est pas parce qu’une arme est enregistrée que le débile qui est derrière va s’empêcher de s’en servir. Des études et reportages ont prouvé que la plupart des personnes derrière ces tueries utilisent des armes semi-automatiques et des mitraillettes qui ont été achetées sur le marché noir et qui ne sont pas enregistrées», poursuit-il.

M. Tanguay rappelle qu’un tel registre est de compétence fédérale et n’a pas l’intention, lui non plus, d’enregistrer ses armes. Il préconise plutôt un investissement en santé mentale. «Ce n’est pas l’arme à feu qui va aller tuer quelqu’un, c’est la personne qui l’utilise. Qu’ils contrôlent les armes automatiques comme ils le font déjà, c’est bien correct. Mais les armes de chasse, je ne comprends pas l’idée.»

Avec la collaboration d’Éric Gourde