Une famille au bout du rouleau

AGRICULTURE. Une famille de Saint-Philémon est au bout du rouleau, ayant beaucoup de difficultés à lancer une exploitation laitière, sur la route 216 à Buckland.

David Brochu travaille sur la ferme en compagnie de sa conjointe et de sa mère, Diane Roy. Son frère Maxime a longtemps mis la main à la pâte, sauf qu’il a décidé de prendre une pause des activités de la ferme, découragé de l’évolution des choses.

En plus d’une érablière de 15 000 entailles, la famille Roy-Brochu s’est lancée dans l’exploitation d’une ferme laitière il y a deux ans. Leur aventure se complique toutefois avec l’imposition de plusieurs amendes émises à la suite d’infractions constatées par différentes organisations. La ferme est en opération depuis quelques mois et implique un troupeau de 85 vaches laitières acheté d’un producteur de Saint-Lazare qui souhaitait s’en départir.

La MRC de Bellechasse leur a toutefois signifié que du déboisement et du drainage avaient été faits sans certificat d’autorisation. Ils prétendent néanmoins que l’ancienne propriétaire des lieux avait déjà fait valoir que leurs initiatives étaient légales. «La documentation a été envoyée à la MRC à l’effet que ce clos-là existait déjà et avait été exploité dans le passé. On nous reproche maintenant d’avoir déboisé alors que nous avions le droit. Nous avons fait ça pour pouvoir nourrir les animaux, c’est tout. Nous avons aussi creusé un fossé pour que l’eau se draine convenablement, plutôt que de se retrouver sous le bâtiment principal de la ferme. On nous avait dit que nous n’avions pas besoin de permis, puisqu’il n’y avait pas de ruisseau à proximité.»

Relativement au déboisement effectué, David indique qu’il n’y avait pas d’essence de bois de grande valeur, puisque cette partie de la propriété avait déjà servi de pâturage dans le passé. «On nous avait prévenus que nous aurions une amende pour le déboisement. On ne s’attendait pas à recevoir une série de contraventions totalisant plus de 17 000 $. Disons que ne s’y attendait pas.»

Le ministère des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) aurait aussi acheminé une contravention pour avoir laissé des animaux à l’extérieur sur une trop longue période. «On a reçu 15 000 $ d’amende parce que les animaux sont restés dehors le temps que l’on fasse des rénovations au bâtiment. Ils étaient dans un endroit restreint et n’ont jamais manqué de nourriture. J’ai écuré les taures à la brouette pendant ce temps-là», ajoute David.

Difficultés et lourdeurs

La famille éprouve beaucoup de difficultés à répondre à toutes les exigences pour démarrer l’entreprise agricole.

Sommairement, la famille reproche la lourdeur administrative qu’implique le démarrage d’une nouvelle entreprise agricole et le peu d’appui de certaines instances. David convient toutefois qu’il aurait dû s’informer davantage sur certains aspects du dossier. «Il y a des endroits où l’information a été difficile à obtenir par exemple. On ne se sent pas vraiment soutenu non plus. Partir à zéro demande beaucoup d’investissement, d’énergie et de temps. On n’a pas les moyens de payer toutes ces amendes. Tu travailles des heures et des heures pour te faire écraser après. Ce n’est pas facile.»

David ajoute qu’ils étaient en mesure de maintenir les activités financières de la ferme à flot un certain temps, sauf que lui et son frère Maxime ont dû travailler chez d’autres agriculteurs pour subvenir à leurs propres besoins. «On travaille jusqu’à 11 h le soir et on recommence à 5 h le matin. On allait faire des trains ailleurs et on revenait ici ensuite. Il fallait le faire. Nous commençons à zéro. On ne vit pas dans le luxe, alors on travaille à bras, à la mitaine pour prendre l’expression populaire.»

David et sa mère Diane espèrent avoir un peu d’appui dans le lancement de leur entreprise, plutôt que de voir les embûches se multiplier. «On a déjà eu la visite des pompiers ici, alors qu’on avait fait un petit feu à l’arrière de la propriété et fait des guimauves pour les enfants. On dirait qu’il y a des gens du voisinage qui ne veulent pas qu’on réussisse. On a tellement travaillé dur. C’est notre passion, notre rêve. On a tout mis notre énergie et notre argent là-dedans. Depuis que nous sommes tout jeunes mon frère et moi, c’est ce que l’on veut faire. S’il fallait devoir tout perdre, ce ne serait pas drôle», rappelle David en terminant.

Respecter les règles et demander de l’aide au besoin

Si les exploitants de la ferme Érablière Brochu de Buckland se retrouvent avec une série de contraventions, c’est parce qu’ils n’ont pas mené à terme certaines démarches, expliquent certains responsables de secteurs à la MRC de Bellechasse.

Des inspecteurs venant de différents services de la MRC, qu’il s’agisse de la réglementation forestière, des cours d’eau ou des bâtiments, se sont rendus sur les lieux afin de sensibiliser les occupants sur différents aspects, nous dit-on à la MRC. «Nous leur avons donné la chance de se conformer, mais nous n’avons jamais eu de demande de permis. Il y a eu des contraventions d’émises et un jugement en cour nous donne raison.»

Nos intervenants confient que des directives incitant les occupants de la ferme à entamer et compléter des démarches administratives ont été transmises de vive voix dans le passé, mais sans succès. Répondre aux exigences en place est maintenant plus que nécessaire. «Ce sont des gens hyper travaillants, cela ne fait aucun doute. Il y a toujours le recours de se conformer et de demander les permis adéquats, mais ils ne le font pas. La réglementation est là pour tout le monde et il faut respecter les règles et les procédures.»

James Allen est le président de l’UPA en Chaudière-Appalaches

Ce n’est pas de gaieté de cœur que nos intervenants ont transmis des constats d’infractions. Ils estiment toutefois devoir jouer leur rôle. «95 % de notre travail en est un de sensibilisation et c’est ce que nous avons fait au départ avec eux. Un coup que la forêt a repris ses droits, il faut respecter le règlement sur les exploitations agricoles (REA).»

L’UPA mise au fait du dossier

Le président de l’Union des producteurs agricoles de Chaudière-Appalaches (UPA),  James Allen, confirme que des intervenants de son organisation sont déjà informés de certains détails de l’affaire. Des ressources pourraient bientôt se rendre sur place pour en apprendre davantage. «Je comprends que quelqu’un qui est moins fortuné et qui démarre, d’hésiter à entreprendre quelques démarches. On va tenter de déterminer où nous pouvons être utiles», confie-t-il.

M. Allen remarque que les lourdeurs administratives sont une chose. Les instances responsables devraient collaborer davantage à son avis. «On travaille toujours en silo, on fait chacun nos choses de notre côté. Pas seulement en agriculture, en société également. Si toutes les parties ayant un lien avec cette affaire unissaient leurs forces, bien des choses semblables se règleraient. C’est difficile également pour les gens moins familiers avec le système de s’y retrouver.»

Il espère maintenant que les entités responsables sauront faire la part des choses. Il suggère une certaine modulation des règles. «Ces gens-là se sont installés à Buckland. Ce n’est pas l’endroit où l’agriculture est la plus dynamique, comparativement au littoral, par exemple. Ils sont rares les gens qui choisissent de se lancer en agriculture dans le haut du comté. La MRC mettra-t-elle de l’eau dans son vin? Le monde municipal a peut-être aussi son rôle à jouer pour accompagner les gens. Elle n’est pas seulement là pour délivrer des permis, que ce soit en agriculture ou dans d’autres domaines.»