Ferme du Dolmen à Armagh: l’agrotourisme en mode Covid

AGROALIMENTAIRE. Amélie Plaisance et Stéphane Corriveau de la Ferme du Dolmen à Armagh n’ont pas mis de temps à s’ajuster en vue de l’été 2020, tenant compte que leur saison estivale serait possiblement chamboulé en raison de la pandémie.

Elle, femme de théâtre, et lui, chef cuisinier, le modèle d’affaires de leur entreprise est généralement basé sur une cuisine du terroir issue de leurs propres élevages ainsi que des produits de la ferme à emporter. Un certain virage a été nécessaire. «Nous avions des  réservations cet été, dont des mariages, des événements champêtres et un festival de yoga, Tout est annulé finalement, sinon reporté à l’an prochain», indique Amélie. «Les ventes de paniers de viandes ont été populaires pendant la pandémie. On a décidé d’arrêter, car nous étions en train d’amputer notre inventaire d’été», ajoute Stéphane.

Leur entreprise n’étant vieille que de trois ans et les tables champêtres faisant partie intégrante de leurs activités, le couple a dû user d’imagination. «On a un côté épicurien, c’est la fête chez-nous, mais on fait ça dans la simplicité et l’authenticité. On aime la visite. On reçoit ces gens-là chez-nous après tout. Nous sommes créatifs, on aime ça avoir des idées, On aime organiser des événements festifs et faire plaisir aux gens. Sauf qu’il n’y aura pas de table champêtre cet été, on a décidé de se concentrer sur notre kiosque et les commandes pour emporter le dimanche soir», indique Amélie, sereine malgré tout.

Stéphane ajoute que la livraison de produits a permis d’assurer un certain revenu le printemps dernier. «Pendant la Covid, nous avons vendu beaucoup de viandes sous forme de panier. Nous avons eu de la demande pour des plats cuisinés aussi. Pendant le cocooning des gens, plusieurs ont pris beaucoup de temps pour cuisiner des choses qu’ils ne faisaient pas avant.»

Voulant se préparer adéquatement, il ajoute avoir troqué son couteau de cuisine pour le marteau pendant cette période. «Nous avons maintenant le droit de produire 300 volailles plutôt que 100, à la suite d’une permission de l’UPA. On prend la balle au bond avec ça, car le potentiel est bon. J’avais un poulailler de 100 places que j’ai agrandi. Nous avons choisi d’essayer le côté «sur le grill» à l’extérieur, avec l’installation d’un four à pain et d’un fumoir. Nous allons essayer d’en faire une spécialité.»

Amélie croit que la formule pourrait plaire. «Nous allons essayer de profiter de la mode ici dans Bellechasse qui dit que le dimanche soir, on ne cuisine pas, avec les commandes à emporter. On le voit avec les casse-croûtes et l’offre n’est pas très large dans le coin, surtout avec le fait que le Parc des chutes n’est pas encore ouvert.»

Cuisinier un jour, cuisinier toujours

Chef cuisiner de formation et ayant travaillé en Europe, dans les grands centres et plus récemment chez Appalaches Lodge Spa de Saint-Paul-de-Montminy et pour la Congrégation des religieuses à Saint-Damien, Stéphane Corriveau cherche constamment à parfaire son art. Ce ne sont pas les idées qui manquent.

«Quand je me suis établi dans la région, il y a 17 ans, L’idée de base était d’être autosuffisants. Je voulais être capable de produire la nourriture, les légumes etc. pour ma famille et mon entourage. Des amis achetaient mes choses et suite à l’incendie de la maison en 2012, pour la reconstruction, j’ai eu l’idée s’une salle à manger que je voyais beaucoup pour pratiquer mon art, mais surtout ma nourriture, ma matière première.»

On le sent, la cuisine est une véritable passion pour lui et il cherche constamment la nouveauté, puis à partager son savoir. «Je fais beaucoup d’exploration et l’une des choses que je travaille est la cuisine au feu de bois. Le fumoir, c’est un peu pour les mêmes raisons. Je veux même essayer la cuisson sous terre, ça se fait ailleurs dans le monde et ça peut aussi plaire aux gens qui aime le mystère et voir un spectacle de cuisine, un peu comme quand je fais des méchouis.»

Sa prochaine idée pourrait être de trouver le produit, le plat ou la recette qui identifierait Bellechasse sur l’échiquier du tourisme gourmand. «J’ai commencé à réfléchir sur une assiette typique de Bellechasse, un peu l’équivalent de la tourtière du Lac-St-Jean. Quand je suis arrivé de Montréal il y a 17 ans, le nom Bellechasse symbolisait beaucoup la chasse, le gibier etc. Après cela, un agronome me disait que la terre ici était parfaite pour les petits fruits en raison de l’acidité présente. C’est une bonne base pour débuter.»

Amélie et Stéphane ne semble pas s’inquiéter des effets négatifs que pourrait avoir la pandémie sur l’agrotourisme. La tendance est suffisamment forte pour demeurer, selon elle. La mode de l’achat local et du terroir est en hausse. Elle encourage celles et ceux qui ont choisi d’en profiter pour faire leur propre jardin cet été.

«C’est bien de se réapproprier l’alimentation. C’est ce que l’on met dans notre corps après tout. Ça peut être un art de vivre. Ça fait revivre la vibe. Les gens sont de plus en plus intéressés à avoir leur propre jardin, quelques poules, se produire eux-mêmes. Peut-être que les jeunes d’aujourd’hui voudront redécouvrir la terre, comme le faisaient les générations d’avant.»

Ils estiment aussi que la Covid a eu certains effets bénéfiques, notamment au chapitre de la ruralité. Eux aussi croit qu’un tourisme gourmand plus local est possiblement à prévoir pour les prochaines semaines. «Des gens de la ville recherchent ça et font des excursions, malgré le contexte que l’on vit. On voit aussi que des gens de la région, qui reçoivent de la visite, ont le goût de faire découvrir leur coin à leurs visiteurs. Souvent, c’est une sorte de fierté pour les gens d’ici de montrer ce qui existe chez-nous.»

Bien que légèrement modifié par l’arrivée du Covid, l’agenda semble déjà bien défini pour la suite des choses. «De septembre à décembre, on voudrait être dans les tables champêtres, C’est logique, car c’est la saison des récoltes. L’hiver, on se repose un peu et on reprend à la saison des sucres pour enchainer avec les événements de l’été», précise Amélie.

Satisfait de la progression de son commerce, Stéphane Corriveau garde le cap sur le modèle d’entreprise qu’il voyait au départ, malgré la pandémie. «La ferme du Dolmen ne sera jamais quelquechose de gigantesque, ce sera toujours un homme qui fabrique quelquechose et qui le transforme, avant de le proposer par la cuisine. J’adore l’agneau notamment, le lapin aussi, le cidre de pomme et autres. Je réfléchissais à ça avant que ça devienne tendance et c’est toujours ça que nous avons en tête.», dit-il en terminant.