L’absence d’infirmières dans des CHSLD de la région inquiète

SANTÉ. Le manque d’infirmières de soir et de nuit dans des CHSLD de la région suscite des interrogations alors que le CISSS -Chaudière-Appalaches expérimenterait un « modèle de garde infirmière mobile » dans le cadre d’un projet-pilote qui s’échelonnerait sur l’ensemble de la période estivale.

Le Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches (SPSCA-FIQ) signale que la situation a déjà été expérimentée dans plusieurs établissements, notamment à Saint-Isidore, Sainte-Hénédine, Saint-Anselme, Saint-Gervais et Saint-Prosper.

« Ça fait longtemps que l’on conteste, mais c’était supposément sporadique. Le problème maintenant est que les nouveaux qui entrent sont immédiatement envoyés dans les centres hospitaliers. Les CHSLD sont devenus les parents pauvres de notre système de santé, malgré tout ce qui s’est passé », dénonce Laurier Ouellet, président du syndicat.

Ce dernier signale que les Ordre professionnels des infirmières et infirmiers et des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec sont en désaccord avec ces pratiques, estimant que des irrégularités pourraient survenir. « Si des décès surviennent, ce sera la faute de la COVID, de l’infirmière auxiliaire sur le plancher ou du manque de main-d’œuvre, jamais du CISSS. Les infirmières auxiliaires sont très compétentes, mais dans leur champ d’expertise. Elles n’ont pas le droit de poser certains gestes qu’on leur demande. Elles sont automatiquement en danger. »

Il observe que le phénomène tend à devenir la norme. « Ça a été présenté comme un projet-pilote, sauf que c’est dénoncé partout et ça ne respecte pas la loi. C’était un projet-pilote au départ, et là c’est à cause de la COVID. Un instant. »

De son côté, le CISSS Chaudière-Appalaches affirme que la situation n’a aucun lien avec un projet pilote ou une pratique souhaitée au sein de notre région, mais qu’il s’agit d’une mesure d’exception balisée afin d’assurer une sécurité et une qualité de soins dans un contexte de grande pénurie d’infirmière. « il y a toujours présence d’infirmière auxiliaire. Toutefois dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, il arrive qu’il soit plus difficile d’avoir une infirmière bachelière 24 h sur 24. Cette garde infirmière est donc mise en place uniquement lorsque les conditions cliniques ne mettent pas à risque nos usagers vulnérables, c’est une situation de dernier recours. C’est une gestion en continue et un défi constant, particulièrement dans les CHLSD plus éloignés des villes centres », indique Mireille Gaudreau, du Service des communications du CISSS.

Une fausse pénurie

M. Ouellet ajoute qu’il est faux de prétendre qu’il y a actuellement pénurie d’infirmiers et d’infirmières dans le réseau. « On peut récupérer plein de monde et combler des trous. Il y a toutefois une guerre entre les CHSLD et la direction des soins infirmiers pour obtenir le plus de personnel possible. La Direction des soins infirmiers est là, en principe, pour s’assurer que des services soient donnés. À l’heure actuelle, ce qu’elle fait, c’est de gérer un budget, alors que ce n’est pas son rôle. »

Le phénomène de la paperasse dans le système de santé monopolise beaucoup d’énergie, observe-t-il, ce qui a pour conséquence que trop de personnel se retrouve à certains endroits et pas suffisamment à d’autres. « Pourquoi une infirmière doit faire six heures de paperasse plutôt que de donner des soins. On inscrit maintenant nos données que l’on a recueillies auprès des patients à trois ou quatre endroits. Il y a toujours quelqu’un qui arrive avec un nouveau formulaire, possiblement pour entretenir des emplois de gestion ou protéger quelqu’un. Des cadres sont venus chercher 28 infirmières en une journée pour qu’elles deviennent chefs d’unité. C’est du non-sens. La machine est devenue tellement grosse. »

La COVID, un prétexte

Laurier Ouellet affirme que la COVID est devenue un prétexte ayant plusieurs tentacules. « Il n’y a plus de cas de COVID en Chaudière-Appalaches. Pourquoi j’ai une centaine d’infirmières et infirmières auxiliaires assignées au traçage ? Ramenez-les sur le plancher ! C’est une tâche qui pourrait être faite par d’autres. »

Sur ce sujet, le CISSS avait déjà réagi la semaine dernière, indiquant que la majorité des infirmières qui sont encore attitrées aux enquêtes, au traçage des contacts et aux suivis des cas font également d’autres tâches, comme de la mise à jour de carnet vaccinal chez les jeunes du secondaire, de la vaccination des 4-6 ans ou des enquêtes sur des réactions post-vaccinales.

Une structure grandissante

Pourtant des signaux avant-coureurs existent depuis des années indiquant les difficultés vécues dans le système de santé, indique M. Ouellet. Des suggestions ont été faites par les syndicats, sauf que celles-ci sont demeurées sur les tablettes. « On leur dit de se préparer depuis des années à ce qui arrive en CHSLD. Quelle est la rétention qu’ils font ? Ils déplacent des gens qui ont 15 ou 20 ans d’ancienneté n’importe où, pour ensuite donner des temps complets de jour et sur semaine à des nouveaux venus. Pas surprenant que les gens ne restent pas dans le réseau. Ils sont tannés de se faire barouetter un peu partout. »

M. Ouellet croit distinguer dans le jeu des dirigeants du CISSS la volonté de devenir éventuellement un CIUSSS pour obtenir tous les avantages qu’amènerait un changement de dénomination. « C’est du prestige et de l’argent pour des recherches, davantage de médecins ou autres. Il manque d’argent pour des ambulanciers à des endroits, mais on veut devenir un CIUSSS. Avant ça, il faudrait que le CISSS fonctionne, ce qui est loin d’être le cas. »

Il revient sur l’affirmation que bien des gestes posés par les gestionnaires du CISSS n’ont pour objectif que de protéger la structure. « On dirait qu’ils ne veulent que des applaudissements. Il n’y a pas d’imputabilité chez les gestionnaires. Il y a un cadre pour trois infirmières. Ça n’a pas de sens. Il en faudra possiblement plus dans le futur, car il y a un CIUSSS qui s’en vient. »