Acheter une résidence pour aînés à 23 ans: le parcours atypique de Nicolas Pelletier

ENTREPRENEURIAT. À la fin-juin 2021, Nicolas Pelletier faisait l’acquisition de la résidence pour aînés appartenant à Jeanne-d’Arc Fillion de Saint-Nazaire, cette dernière ayant décidé de profiter d’une retraite pleinement méritée.

Outre le fait que cette transaction ait eu lieu en pleine pandémie, celle-ci se démarque du fait que le nouveau propriétaire n’avait que 23 ans à ce moment !

Originaire de Saint-Anselme, le jeune entrepreneur reconnaît que son parcours n’a rien d’ordinaire. « J’arrive de loin. Quand j’étais jeune, je fréquentais l’école secondaire Saint-Anselme où je me foutais un peu de tout et où je n’avais pas toujours très bonne réputation », avoue-t-il en rappelant qu’il est un ancien toxicomane ayant transité par les Centres jeunesse « où on a fini par me mettre dehors, car on trouvait que ce n’était pas ma place. »

À sa sortie du Centre jeunesse, il a terminé son diplôme d’études secondaires avant de compléter un DEP en électromécanique. « Après mon passage au Centre jeunesse, mon père m’a dit de terminer mon -DES et de faire un DEP, ce que j’ai finalement fait. Il a trouvé un cours en électromécanique à Québec et même si j’y allais un peu de reculons au départ, je dois avouer que c’était la meilleure solution pour moi, même si je ne le savais pas à ce moment », mentionne-t-il en indiquant qu’après son -DES, il a quitté Saint-Anselme pour s’installer chez son père à Cap-Rouge.

Après avoir obtenu son DEP en début d’année 2016, sa vie a changé du tout au tout, par la suite. « J’ai décroché mon premier emploi, puis mon père est décédé du cancer du poumon à l’été. Il est entré à l’hôpital en août et 11 jours plus tard, c’était terminé. Tout ça m’est rentré dedans », souligne le jeune homme qui, avec sa sœur, se retrouvait propriétaire d’une maison à Cap-Rouge, avec le terrain et toutes les responsabilités qui en incombent.

« J’étais triste, je voulais en prendre soin pour mon père, mais j’ai finalement vendu, car à 19 ans, je ne pouvais pas acheter la part de ma sœur, payer les 8 000 $ de taxes par année sans oublier les paiements et les assurances », poursuit-il en ajoutant qu’il s’est installé en appartement par la suite.

Un emploi déterminant

Peu de temps après les funérailles de son père, une autre tuile s’abat sur la tête de -Nicolas qui perdait son emploi. Rapidement toutefois, il s’est retrouvé chez UgoWork, fabricant de batteries de chariots élévateurs au lithium où il a travaillé pendant 5 ans. Cet emploi lui a permis de grandir et surtout de passer à une nouvelle étape de sa vie.

« J’ai travaillé pour des gars très humains, des fonceurs et des visionnaires qui m’ont donné plein de mandats et de défis. Ils s’étaient donné comme objectif de faire progresser leurs employés et j’en ai profité pleinement », précise-t-il en ajoutant que c’est en voulant acheter une maison, sur la Rive-Sud de Québec, qu’il est finalement revenu dans Bellechasse et a abouti à Saint-Nazaire.

Nicolas Pelletier en compagnie de sa belle-mère, Pascale Fillion, qui s’occupe des opérations quotidiennes à l’intérieur de la résidence.

« Ma blonde (Kassandra Tanguay) est originaire de Saint-Nazaire et j’ai toujours aimé ce village. Je cherchais une petite maison pas trop chère et pour laquelle je ne me casserais pas la tête. C’est par hasard qu’on a appris que la résidence de Mme Fillion était à vendre. Je disais à ma blonde, un peu à la blague au départ, qu’on devait l’acheter et démarrer un projet de résidence pour aînés », souligne-t-il en ajoutant qu’à force de recevoir des encouragements de ses proches et amis, ce projet s’est finalement concrétisé.

« J’ai pris le temps de réfléchir à tout cela, je suis allé la rencontrer et elle m’a fait visiter les lieux, en plus de m’expliquer ce que ça impliquait. Le courant passait entre nous deux et elle m’a donné de bons conseils. Elle a eu la bâtisse pendant presque dix ans et je peux dire que si j’ai la capacité de réaliser d’autres projets en parallèle, c’est grâce à elle », indique le jeune homme qui ajoute que le bâtiment a été entièrement rénové au fil des ans.

Projet familial

Nicolas Pelletier souligne que l’acquisition de l’établissement, maintenant connu sous l’appellation de Résidence Aux ailes bleues, a permis de jeter les assises d’un projet familial impliquant également sa conjointe et ses beaux-parents.

Une fois la transaction conclue, il a conservé son poste à Québec pendant un mois avant de démissionner et de se lancer à 100 % dans ce projet, lui qui devait développer des compétences en gestion et obtenir sa certification de catégorie 3, ce qui s’est concrétisé en décembre dernier.

Si Nicolas est responsable de la gestion administrative de la résidence, tout en occupant un emploi d’électromécanicien de jour chez CDL à Sainte-Claire, sa belle-mère, Pascale Fillion, est responsable des soins aux résidents, de la cuisine et du ménage. « C’est mon petit ange aux soins de tout le monde », précise-t-il en ajoutant qu’il a aussi une employée qui est sur place le dimanche.

Nicolas Pelletier dit avoir profité du soutien de différentes ressources, dont Développement économique et la SADC Bellechasse-Etchemins, dans la concrétisation de ce projet d’affaires.

Soulignons que Nicolas est propriétaire de la résidence et que ses beaux-parents y vivent en permanence. Kassandra, pour sa part, a acheté la maison familiale où le jeune couple réside et attend, d’ailleurs, la venue de la cigogne en avril prochain.

Vers l’autosuffisance

La Résidence Aux ailes bleues, qui est située dans l’ancien presbytère de -Saint-Nazaire, peut accueillir neuf résidents. Actuellement, six de ces neuf places sont occupées, les résidents ayant entre 55 et 95 ans.

« Pour moi, c’était parfait. Avec un établissement de neuf places, dont six sont présentement occupées, on a su mettre en place l’équivalent d’une bulle familiale. Le CISSS et la santé publique nous aident beaucoup dans la gestion de la pandémie et c’est un plus pour nous autres, surtout dans les circonstances actuelles », précise-t-il en ajoutant que si la résidence a été frappée par des cas positifs récemment, tout est réglé de ce côté et que ce ne sont pas les projets qui manquent pour le futur.

L’été prochain, le jeune propriétaire entend construire une serre qui permettra à ses résidents de jardiner. « C’est une activité qu’ils aiment et je vais profiter de leur expertise pour développer mes connaissances -là-dedans. On va produire plein de légumes biologiques que nous allons consommer sur place et cela permettra possiblement de réduire les loyers avec les économies que nous ferons sur la facture d’épicerie », mentionne celui qui vise l’autosuffisance à plusieurs niveaux.

S’il reconnait que tout le processus qui a mené à l’acquisition de la résidence s’accompagnait d’un beau stress, Nicolas Pelletier n’écarte pas la possibilité d’acheter d’autres résidences de la même taille dans le futur.