Alex Veilleux: de Lac-Etchemin… au Lac-aux-Canards

LA DURANTAYE. Comme plusieurs étudiants de son âge, Alex Veilleux a quitté son Lac-Etchemin natal alors qu’il avait à peine 15 ans. Les 25 années qui ont suivi lui ont toutefois permis de parcourir le monde grâce à son métier.

Il a d’ailleurs passé le mois de décembre dernier en Afrique du Sud. Janvier, il a fait San Francisco et Las Vegas et ensuite Zurich en Suisse. Au cours des derniers mois, il a donné des conférences à Londres, Amsterdam et Montréal, vu des clients à Boston, rencontré des investisseurs à Cape Cod et assisté à une conférence à Chicago.

La région de San Francisco, huit ans, en Inde pendant un an et New York pendant plus de six ans ont été ses lieux de résidence des dernières années. Il demeure maintenant à La Durantaye depuis trois ans, ayant une propriété au Lac-aux-Canards.

Une année en Inde a permis à Alex Veilleux de voir d’autres facettes de la vie

Détenteur d’un baccalauréat en informatique à l’École Polytechnique de Montréal, il a eu à 19 ans l’opportunité de suivre un stage pour la prestigieuse entreprise Hewlett Packard à Palo Alto en Californie, au cœur de la fameuse Silicon Valley, au sud de San Francisco.

Son mandat était simple, travailler sur un projet qui permettait d’appliquer la technologie à la science et à la santé. «C’est ce qui m’a parachuté là-bas. J’ai dû faire de quoi de bien, car on a voulu me garder. On m’a fait une belle offre, alors je suis revenu huit mois à Montréal pour terminer mes choses avant d’y retourner. J’y ai passé huit ans de ma vie. Mes clients étaient les grands de ce monde, les Pfizer, Novartis, GSK etc.»

En plus de cette opportunité, son cheminement en Californie lui a permis de croiser des gens qui lui ont fait confiance et bien dirigé dans son évolution selon son appréciation. «Les gens en informatique sont souvent dans leur bulle. Moi, j’ai eu de bons mentors qui m’ont appris que j’avais un sens des affaires et comment gérer un client. J’étais aussi capable d’inventer de nouveaux produits, pas seulement rester dans mon cubicule à coder.»

Dans ses valises

Il y a travaillé surtout en bio-informatique alors que son expertise servait la cause de chercheurs en médecine. «L’un d’entre eux m’a demandé d’implanter l’une de mes idées, puis m’a ensuite envoyé à Genève travailler avec Serono, une compagnie pharmaceutique, ce qui a lancé ma carrière et d’être capable de faire le pont entre les besoins d’un client et d’identifier le besoin technologique pour y arriver.»

Œuvrer dans un domaine en ébullition comme l’informatique, il y 30 ans, amène son lot d’opportunité, mais aussi certains irritants. «De 24 à 29 ans, j’ai passé ma vie dans les aéroports. Le cliché du gars qui se rase dans une salle de bain et enfile sa cravate parce qu’il a un meeting dans une heure, j’ai fait ça pendant des années.»

Au milieu des années 2000, alors que la mondialisation des marchés devenait incontournable, c’est en Inde que son agenda allait l’amener. «En 2008, il y avait beaucoup d’ébullition dans ce que l’on appelle le «offshoring» débutait. Tout le monde envoyait tout en Inde ou ailleurs parce que c’était moins cher. L’entreprise n’obtenait pas les résultats qu’elle souhaitait et ne comprenait pas pourquoi. Les gens sont hyper diplômés, mais des raisons possiblement culturelles faisaient que ça ne marchait pas. J’ai remis ça droit en structurant différemment la façon que ce genre de projet se faisait. J’ai eu d’autres contrats similaires par la suite.»

Maintenant actif en affaires, Alex Veilleux, au centre de ses partenaires, Kevin Moore, originaire de Saint-Anselme, et Martin Langlais de Lévis.

Ce passage obligé de plusieurs mois a eu un effet positif chez lui, particulièrement au niveau humain puisqu’il a pu expérimenter des choses bien différentes que ce qu’il connaissait déjà. «Faut pas se le cacher. Je suis un petit gars natif d’un village, très proche de mes valeurs, mais quand tu atterris à 19 ans dans la bulle de l’internet (Silicon Valley) où tout le monde est millionnaire et tu te retrouves en Inde où la pauvreté est omniprésente, la surpopulation, mais où les valeurs familiales sont très grandes. Ça m’a frappé fort, mais positivement.»

Après l’Inde, ce fut New York où il a résidé près de sept ans. «Je voulais me rapprocher de chez nous. J’ai toujours tripé sur New York et j’ai toujours dit que je demeurerais là un jour.  J’ai failli revenir à Montréal à ce moment-là, mais je n’étais pas prêt. C’est à New York que j’ai travaillé sur des plateformes bancaires et en télémédecine. C’est aussi là que je me suis fait les dents sur le monde des affaires.»

À la maison

À 35 ans, il revient au Québec il y a cinq ans, une chose qu’il jugeait impensable il y a une quinzaine d’années à peine. «À 25 ans, avec le style de vie que j’avais là-bas, je n’aurais jamais pensé. Une journée on surfait, le lendemain on faisait du ski à Squaw Valley, mes amis avaient des avions. Encore aujourd’hui, je vais à San Francisco régulièrement et c’est mon monde. Les valeurs américaines et celles de chez nous sont toutefois différentes. Aussi, j’ai quitté la maison à 15 ans pour le Collège de Lévis et ensuite Polytechnique puis la Silicone Valley. Mes parents, j’ai été de la visite toute ma vie. Je suis chanceux, ils sont encore en bonne santé alors revenir et prendre du temps allait de soi.»

L’arrivée de l’internet 2.0 et du premier iPhone ont coïncidé avec son passage à la petite entreprise. L’occasion était bonne pour explorer d’autres domaines. «L’innovation était lente dans le domaine pharmaceutique, alors j’avais le goût de changer de dynamique. Aujourd’hui, ça peut paraitre anodin, mais il y a douze ans, la télémédecine pour les enfants n’existait à peu près pas. On a bâti plusieurs applications mobiles et même influencé le gouvernement américain qui ne permettait pas de visites médicales sur un écran à l’époque.»

L’opportunité de travailler à nouveau pour une grande entreprise s’est présentée à son retour au Québec. «Je suis revenu pas de plan de match en termes de carrière. J’ai eu la chance d’un mandat de consultation pour Desjardins et à travers ça, l’équipe de direction m’a demandé de regarder s’ils étaient prêts à faire face aux nouvelles réalités digitales qui s’en venaient. La réponse était non. C’est là que l’on a lancé Ajusto, une stratégie mobile pour Desjardins Assurances.  J’ai adoré ça.»

D’employé à dirigeant

Alex Veilleux est aujourd’hui copropriétaire, puis chef de l’innovation et stratège de produits chez Vooban à Québec. Autre coup de chance, une rencontre avec ses partenaires d’affaires, Kevin Moore, originaire de Saint-Anselme, et Martin Langlais, originaire de Lévis, mais dont le père est de Beaumont. «Les deux ont fait l’École d’entrepreneurship de Beauce et ça parait. Ils ont des réflexes d’entrepreneurs. Ils étaient tannés des grosses usines comme Fujitsu et autres. Ils étaient consultants sauf que quand j’ai décidé de faire le saut et quitter Desjardins, je voulais continuer d’aider des entreprises à accélérer leur transformation digitale. Je cherchais le top des talents à Québec et c’est là que j’ai rencontré Kevin et Martin, puis leur équipe. Ça a cliqué.»

Vooban est une boîte d’innovation digitale et de développement de logiciels selon sa description. «On souhaite aider les compagnies à se projeter vers l’avant, toujours via la technologie, en trouvant ce dont elles ont besoin pour faire face à la compétition ou développer de nouveaux marchés. Nous avons une quarantaine de développeurs informatiques.»

Il convient toutefois que le Québec accuse un certain retard sur les Américains en matière d’avancées technologiques.  «On commence à faire du magasinage sur nos mobiles. Avant que je revienne, je faisais mon épicerie sur mon téléphone depuis longtemps.»

Alex Veilleux, entre deux séances de travail à son domicile, près du lac.

Une partie de son rôle consiste à se promener à travers le monde et observer ce qui se fait ailleurs pour ensuite voir la possibilité de l’amener au Québec. «Je peux le ramener et le faire faire par le talent d’ici qui est extrêmement fort. Avant, ce n’était pas pour tourner le dos au Québec, mais je ne le connaissais pas. Je suis parti jeune et j’ai toujours été dans l’ébullition de la Silicone Valley. À mon retour, j’ai reconnu ce talent qui existe aussi ici.»

Il espère maintenant que les jeunes friands d’informatique et de nouvelles technologies demeureront, alors que de plus en plus d’entreprises pourront les embaucher. «Quand j’ai gradué, rien ne m’était proposé qui m’allumait. Ma vision est que si tu es un jeune et que tu tripes techno, viens chez-nous, ce sera comme si tu étais n’importe où dans le monde et les projets qui sont d’avant-garde en intelligence artificielle, en objet connecté ou en blockchain, on va les amener au bureau et les faire ici.»

Il donne en exemple un projet actuellement en cours avec deux entreprises des régions de Québec et Montréal. «On aide de grandes entreprises manufacturière d’ici a emboîter le pas de l’intelligence artificielle et d’optimiser leur opérations pour mieux compétitioner sur les marches mondiaux. C’est très «cutting edge».»

Un autre projet en cours est en collaboration avec un chercheur de New York qui souhaite breveter une nouvelle façon de détecter le cancer du sein. «Plutôt qu’une traditionnelle mammographie, c’est gros comme une souris d’ordinateur, ça nécessite quatre photos, ça prend cinq minutes et le dépistage est fait.»

C’est possiblement pourquoi Alex Veilleux parle de son métier et de son vécu avec passion. Il a toujours eu des projets stimulants sur sa table… et son laptop.