Faire connaître le miel brut: la mission de Claude Dufour

LAC-ETCHEMIN. Depuis des décennies, les consommateurs québécois et canadiens achètent du miel liquide qui est pasteurisé ou non pasteurisé, selon le cas. Propriétaire de Douceurs des Appalaches de Lac-Etchemin, l’apicultrice Claude Dufour va à l’encontre des conventions en produisant un miel brut qui, contrairement au miel liquide, n’est pas chauffé et conserve l’ensemble de ses propriétés.

« Que ce soit dans ma boutique ou dans les marchés publics, les gens sont surpris d’apprendre ce qu’est le miel brut. Il y a clairement un manque de connaissance sur ce produit niché et quand on en parle, ils sont intéressés à en savoir davantage, à y goûter et à profiter de ses vertus », indique-t-elle.

Au début du mois de décembre, à l’invitation de la MRC des Etchemins et de la Caisse des Etchemins, Mme Dufour offrait une conférence sur le sujet devant un parterre de gens d’affaires réunis au Manoir Lac-Etchemin.

« Les personnes présentes étaient elles aussi surprises de ce que je fais et semblaient heureuses d’en entendre parler, ne connaissant pas cela non plus. Le miel est le plus vieux sucre au monde et c’est un élément important de notre alimentation », rappelle-t-elle en ajoutant qu’elle s’était donné comme mission de faire connaître ce produit à la population et qu’elle profitait de toutes les tribunes qui lui sont offertes pour le faire.

Miel liquide

Claude Dufour mentionne qu’on retrouve traditionnellement et à la fois du miel pasteurisé et non pasteurisé, apparaissant sous forme liquide, dans nos épiceries. Cela s’explique par le fait que le miel est chauffé avant d’être embouteillé et vendu au public.

Le premier, offert principalement par d’importants grossistes ontariens et d’ailleurs au pays, est chauffé à 70 degrés et devient, par le fait même souligne-t-elle, un simple élément sucrant que les gens utilisent principalement en cuisine, « ce qui est bien correct, car il va cuire pareil dans le four. »

Quant au miel non pasteurisé, qui est produit par l’ensemble des apiculteurs québécois, il se distingue du premier du fait qu’il n’est pas chauffé à une température aussi élevée que le miel pasteurisé, normalement à un maximum de 60 degrés.

« Même si ce n’est pas très différent du miel pasteurisé, ce ne sont pas tous les éléments nutritifs et les vertus, que l’on retrouve dans le miel brut, qui sont éliminés », précise-t-elle en ajoutant que dès qu’un processus de chauffage a lieu, le miel conserve son côté clair, ce que l’on voit dans les tablettes de nos magasins.

Mais pourquoi chauffe-t-on le miel, direz-vous ? Claude Dufour mentionne que ceux qui empruntent cette avenue, soit la majorité, le font pour que le processus de traitement et de conditionnement soit le plus facile, le plus rapide et le moins coûteux possible. « On le chauffe pour le garder liquide et au fil du temps, on a habitué les gens à ce produit qui est offert en magasin. C’est beau quand c’est translucide », poursuit-elle en ajoutant que pour plusieurs, du miel cristallisé sur les tablettes, ça ne paraît pas bien.

Miel brut

Claude Dufour mentionne que le miel brut, comme celui qu’elle produit, est liquide quand il sort de la ruche. Une fois traité, elle le met en pot, toujours sous forme liquide, et celui-ci se transforme tranquillement par la suite.

« Il devient plus opaque et c’est à ce moment que je le vends. Il y a bien des gens pensent que c’est infect alors que cela n’est pas le cas. Il n’y a à peu près juste en Amérique du Nord où le producteur fait chauffer son miel avant de le vendre », précise l’apicultrice qui rappelle que c’est depuis l’après-guerre que le miel liquide est produit au Québec et au Canada.

« En Europe et ailleurs dans le monde, il n’y a pas de procédés industriels comme ici et le miel que l’on retrouve sur le marché est comme le mien. Les Européens disent que si leur miel est liquide, c’est qu’il n’est pas bon. C’est à l’envers du spectre. Il faut faire beaucoup d’éducation et bien expliquer cela aux gens », poursuit-elle en ajoutant que dès qu’elle avait décidé de se lancer dans la production de miel, tous les distributeurs voulaient lui vendre des équipements chauffants, car c’était de base.

Processus de cristallisation

Claude Dufour rappelle aux gens que le miel pasteurisé ou non pasteurisé finira, lui aussi, par se cristalliser, le processus étant plus long que le miel brut. « Quand on ouvre le pot de miel liquide à la maison et qu’on commence à l’utiliser, ça lance le processus de cristallisation. Si un miel demeure sous forme liquide à l’année, c’est qu’il a été traité de façon artificielle. » Mme Dufour ajoute qu’un miel qui a cristallisé dans l’armoire le fait de façon différente, surtout s’il a été chauffé. « On voit de gros cristaux secs et de gros blocs de sucre apparaître et souvent, ce n’est pas chic. »

Elle ajoute que le miel brut se cristallise de façon différente et offre, par le fait même, une texture différente. « Quand le miel brut se cristallise, il peut sembler dur quand on ouvre le pot, mais dès qu’on le brasse un peu, il redevient mou, comme du caramel. Tu peux le tartiner et même l’assouplir de façon à en faire des vinaigrettes. »

Les vertus du miel brut

Claude Dufour mentionne que le miel brut se distingue du fait qu’il est un miel vivant, rempli d’enzymes et de vertus différentes, ce qui est rarement le cas du miel liquide du fait qu’il a été chauffé. Les arômes et le goût diffèrent même d’un miel brut à un autre et ce produit est parfait, souligne-t-elle, pour les personnes qui sont sensibles à l’alimentation vivante du fait qu’il est rempli d’enzymes aidant à la digestion, notamment l’invertase qui disparaît quand le miel est chauffé.

« Celui-ci offre aussi des vertus thérapeutiques et aide à la guérison des blessures, tout comme le miel non pasteurisé en raison de son acidité et de sa concentration en sucre », explique Mme Dufour.

« Tu l’appliques directement sur la plaie et ça aide à la cicatrisation. On retrouve aussi des pansements au miel qui sont utilisés dans les hôpitaux, notamment dans le traitement des grands brûlés, ainsi qu’en médecine vétérinaire, surtout chez les grands animaux. Ou utilise aussi le pollen pour la nutrition, car c’est très riche en protéines et en antioxydants », poursuit-elle.

Avoir le choix

Claude Dufour souligne enfin qu’elle et d’autres producteurs de miel brut souhaitent briser le moule du miel liquide non pas pour qu’il ne soit plus consommé, car ça reste un bon produit selon elle, mais pour que les gens sachent qu’il existe un choix.

« Le miel non pasteurisé, ça reste un produit pur et naturel, un sucre de haute qualité qui est prédigéré par les abeilles. Ce que je souhaite, c’est que ceux qui font du miel brut obtiennent la reconnaissance qui va avec ce qu’ils font, que les gens puissent connaître ce qu’est le miel brut et le demander s’ils le veulent. »