Le barbier de Saint-Anselme à la retraite
SAINT-ANSELME. Pratiquer le même métier pendant près 60 ans, au même endroit de surcroît, n’est pas monnaie courante. C’est pourtant ce qu’a réalisé le barbier et coiffeur Denis Nadeau de Saint-Anselme qui a récemment annoncé sa retraite.
M. Nadeau a officiellement accompli sa dernière journée de travail le 5 août dernier après une carrière de 63 ans, dont 59 ans à Saint-Anselme. Aujourd’hui âgé de 79 ans, il avoue qu’il n’était pas prêt à s’arrêter. « Je ne suis pas encore prêt, car je m’amuse encore à faire ça. C’est le corps qui me donne des signaux. Mal à une épaule et régulièrement debout pendant de longues heures, c’est de plus en plus difficile physiquement. »
Sachant fort bien qu’il lui est difficile de dire non, il déménagera bientôt à Lévis, question d’éviter d’avoir à succomber à la tentation de poursuivre. Depuis sa fermeture, il a d’ailleurs accepté de faire certains clients qui n’étaient pas au courant qu’il prenait sa retraite. Visiblement ébranlé et émotif par moment lors de notre entretien, M. Nadeau avoue avoir eu beaucoup de plaisir à pratiquer son métier. « Mes clients, c’était mes amis. On se racontait toutes sortes d’histoire. On parlait de leur famille, leur travail, les semences, ce qui allait bien et l’inverse, on se remontait le moral. Je les encourageais et je sentais que ça fait du bien. On se contait quasiment notre vie. Ce qui se disait au salon restait au salon aussi. De toute façon, j’oubliais vite ce qu’on me racontait. »
Fidèle à sa clientèle
Denis Nadeau a toujours été disponible pour sa clientèle et son assiduité était sans pareil. « J’ai travaillé jusqu’à six jours par semaine. J’ai baissé à cinq, ensuite à quatre et finalement à trois jours par semaine, de 6 h le matin à 6 h le soir. J’avais quelques clients qui venaient avant de se rendre au travail. »
Victime des nombreuses mesures de confinement, comme tous les autres barbiers ou coiffeuses, il avoue avoir lui aussi trouvé cette période très difficile. « C’est ce qui m’a magané le plus. Ferme le commerce, rouvre le commerce, dire non aux gens pendant le confinement. J’ai été en contact avec quelqu’un qui avait attrapé la Covid et j’ai dû m’isoler 14 jours. Ça a été un bout difficile à passer, surtout que deux jours avant que je puisse rouvrir, ils ont tout refermé pendant deux mois. »
Malgré son âge, M. Nadeau souhaitait chaque fois reprendre un peu de retard et accommoder sa clientèle. « J’ai fait du cinq jours de 6 h à 6 h le soir. Ça a été difficile physiquement. »
Denis Nadeau a toujours travaillé seul dans son salon, mais disposait d’une salle d’attente assez vaste où quelques-uns pouvaient se divertir en attendant leur tour. « À une certaine époque, j’avais mis une table à carte au milieu de la pièce et quelques chaises. Les gens arrivaient tôt pour pouvoir jouer et certaines personnes jouaient en attendant la personne qu’ils accompagnaient. »
Plusieurs générations
Sa clientèle était composée de gens des localités environnantes et souvent, de père en fils. « Il y en a à qui j’ai commencé à couper les cheveux à deux ou trois ans et plus tard, c’était leurs enfants. Dans certains cas, ça a été l’arrière-grand-père, le grand-père, le fils, le petit-fils. J’ai touché à cinq générations dans certains cas. »
Déjà des gens souhaitent avoir recours à ses services là où il déménagera bientôt en compagnie de son épouse. Sera-t-il disponible ? « Je ne le sais pas. Je pense que je vais m’ennuyer à mort. C’était le plaisir de voir du monde, de jaser, de partager des expériences. J’ai bien gagné ma vie, je me suis amusé à le faire. Ce n’était pas une corvée. »
Bouquet de fleurs, bon d’achat et panier de petits fruits sont au nombre des cadeaux qu’il a reçus de sa clientèle depuis l’annonce de son départ. M. Nadeau salue au passage la tolérance de son épouse qui a accepté les nombreuses heures qu’il consacrait à sa clientèle dans une semaine. « Elle ne pouvait jamais se fier sur le moment où je prendrais mon dîner. Elle a été une bonne partenaire dans tout ça. »
Comme il ne sait pas dire non, M. Nadeau acceptait de recevoir un client, alors que notre rencontre venait à peine de se terminer. À propos M. Nadeau, merci pour toutes ces années…. Et la bouteille de shampooing.