Le passeport vaccinal affecte les bars et restos
COMMERCES. Les bars et restaurants de la région vivaient déjà des difficultés en raison de la pénurie de main-d’œuvre. L’arrivée du passeport vaccinal dans ces établissements vient maintenant compliquer davantage les choses pour plusieurs.
Les constats sont aussi nombreux que variés. À titre d’exemple, Annabelle, serveuse au Café Notre-Dame de Sainte-Marie, remarque une forte baisse de son achalandage depuis les trois dernières semaines. « Ça a un impact sur nos revenus, c’est évident. D’autres serveuses, ailleurs, me disent que leur clientèle a énormément diminué aussi. La baisse est du 3/4 environ chez nous. Le jour, nous avons des réguliers. Le soir, c’est plus difficile. On n’a même pas besoin de remplir les frigidaires certaines journées. »
Serveuse depuis une dizaine d’années, elle avoue que cette période est difficile pour le commerce. « C’est la première fois de ma vie que je vois des périodes aussi tranquilles. Quand la pandémie est arrivée, tout a fermé, ce qui était normal. Les gens ont ensuite eu le goût de sortir et ont compris qu’il y avait quelques règles, dont le masque et le lavage des mains, des plexiglas et autres. L’arrivée du passeport vaccinal a tout changé. On refuse des groupes de personnes parce qu’il y en a un qui n’est pas vacciné. »
Détentrice d’un diplôme de préposée aux bénéficiaires, Annabelle a enfilé son uniforme pendant plusieurs mois lors de la fermeture des bars. Elle a fait une croix sur ce métier depuis leur réouverture. « Le milieu de la santé m’a écœuré et épuisé à faire ce -travail-là. J’aime mieux gagner moins et me plaire dans ce que je fais, même si je ne gagne pas -grand-chose depuis quelques semaines. »
Mesures et pénurie de main-d’œuvre
Joannie Dion du restaurant-bar le Parasol de Saint-Malachie n’en revient tout simplement pas de la série de mesures avec lesquelles elle a dû et doit encore composer pour que son commerce demeure ouvert. « Ils nous ont fermé un certain temps et à quelques reprises, on a investi pour l’achat de plexiglas et autres, on s’est renouvelé en proposant le take-out. À travers tout ça, il y a la difficulté de recruter de la main-d’œuvre et les problèmes qu’ont les distributeurs alimentaires. Avec le passeport vaccinal, ils ajoutent une autre mesure qui nous enlève de la clientèle et des revenus », déplore-t-elle.
Selon Mme Dion, la baisse de fréquentation risque de perdurer et rendre son commerce viable est de plus en plus difficile, surtout qu’elle a dû réduire ses heures d’opération en raison du manque de main-d’œuvre. « Manque de personnel veut dire heures d’ouverture et service réduit. Manque de clients veut aussi dire que le travail devient moins attrayant pour les travailleurs à pourboire. Le passeport nous enlève aussi des clients qui venaient à peine de recommencer à venir nous voir. Tout ça a un effet domino et on le voit ailleurs aussi. »
Été tranquille
Nicole Duchesne, propriétaire de la Base de plein air Vallée-Jonction, estime que le dernier été a été le pire qu’elle a vécu, en raison des nombreuses mesures à adopter. « Le soir, nous n’avons jamais vu ça aussi tranquille. Certains soirs les week-ends, on pouvait atteindre des ventes de 3 500 $ à 4 000 $. Le week-end dernier, un quart de travail s’est terminé avec des ventes de 140 $. Nous sommes chanceux, car nous n’avons pas de dettes avec le commerce. »
S’il y a eu une inévitable baisse des revenus, les dépenses de fonctionnement ont quant à elles augmenté. « On a dû engager un agent de sécurité pour faire une certaine surveillance. Les gens devaient demeurer assis aux tables à -pique-nique, dehors, ou porter le masque lorsqu’ils se rendaient aux toilettes, par exemple. Nous avons dû doubler notre personnel pour assurer un service adéquat pour les repas, car seulement les serveurs et serveuses pouvaient distribuer les assiettes. »
En plus de toutes les annulations de mariages, de spectacles et de location de chapiteau, le commerce a dû se limiter en termes de clientèle. « Nous aurions pu accueillir jusqu’à 250 personnes, puisque le tout était extérieur. On a fait le choix de se limiter à 100 personnes, car nous étions tellement stressés à cause de la -Santé publique et tout le reste. »
Propriétaire du casse-croûte d’Amours à Saint-Raphaël, Patrice Guillemette constate lui aussi une certaine baisse de fréquentation dans son commerce, particulièrement au niveau des déjeuners, son commerce étant le point de mire des gens en début de journée. « Nous avons perdu près d’une dizaine de réguliers qui ne sont pas vaccinés, surtout pour les déjeuners. C’est notre première année d’opération uniquement ici, alors on ne peut comparer vraiment. Si on compare avec l’endroit précédent, il y a une baisse évidente en raison du passeport », mentionne-t-il.
« Il y a plus de monde non vacciné que l’on pense. J’ai aussi rencontré des gens de l’extérieur, ici, qui disaient être vaccinés, mais ne voulaient pas être scannés, tout simplement, ou ne voulant pas partager leurs informations personnelles. Quand on additionne tout cela, c’est évident que notre clientèle a baissé. »
Profiter de la situation malgré tout
Au club de motoneige et de VTT à Saint-Bernard, on semble profiter de la fermeture des casse-croûtes des municipalités autour qui n’étaient ouverts que pour la période estivale. Si le volet bar est en baisse, le côté restauration fonctionne à plein régime, explique la gérante de l’établissement, Caroline Larochelle. « Le restaurant va vraiment bien. C’est surprenant. J’avais peur que ça paraisse davantage. Est-ce que ça a sécurisé la clientèle vaccinée ? Je ne sais pas. Nous avons dû refuser une dizaine de personnes au cours du dernier mois, mais la plupart ont leur code de vaccination prêt à leur arrivée, ce qui nous fait sauver du temps. Les gens sont coopératifs, heureusement. »
Comme certains n’ont pas encore ouvert leur salle, l’endroit devient l’un des seuls services de restauration dans le secteur, constate Mme Larochelle. « La fermeture des -casse-croûtes nous donne un élan, c’est sûr. Quelques villages autour n’ont plus de restaurant. Il est vrai que des jeunes au bar, on n’en voit plus, mais notre take-out est demeuré très fort », résume-t-elle de son côté.