Le projet d’oléoduc de Transcanada Pipeline décrié
SAINT-RAPHAËL. Le fondateur de l’organisme Équiterre, Steven Guilbeault, était de passage à Saint-Raphaël jeudi dernier à l’invitation de propriétaires qui pourraient être touchés par le passage de l’oléoduc Énergie-Est de Transcanada Pipeline.
Rappelons que le projet consiste à convertir un gazoduc existant reliant l’Alberta à l’Ontario et à construire un nouveau pipeline jusqu’à St-John au Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec, afin d’acheminer des barils de pétrole provenant des sables bitumineux de l’Ouest canadien. Le tracé passerait par plusieurs villes et villages en Chaudière-Appalaches.
Cette conférence a permis de réunir plus d’une soixantaine de personnes qui ont pu entendre l’environnementaliste étaler les raisons pour lesquelles son organisation est contre le projet. « Nos inquiétudes sont à deux niveaux, a débuté M. Guilbeault. D’abord, en rapport à ce qu’il y aura dans ce pipeline, c’est-à-dire le pétrole des sables bitumineux, un des plus polluants sur la planète. On ne croit pas que les Québécois devraient contribuer à cette catastrophe environnementale. Et l’autre enjeu, c’est au niveau local, avec les problèmes reliés à ces pipelines. »
M. Guilbeault estime que les événements survenus à Lac-Mégantic ont rappelé et fait prendre conscience à quel point le gouvernement fédéral avait donné les clés en matière de sécurité aux entreprises et certaines d’entre-elles étaient devenues plutôt négligentes en la matière.
La compagnie va donner sa version de l’histoire estime Steven Guilbeault: « les gens auront à se prononcer individuellement, à titre de propriétaires terriens, ou soit à titre collectif comme l’ont fait certaines municipalités et MRC. La MRC de L’Islet s’est prononcée contre le projet et certaines collectivités ont demandé au gouvernement du Québec d’ordonner la tenue d’un Bureau d’audiences publiques (BAPE) sur le projet. »
Transcanada donne une version de l’histoire selon lui et ce n’est pas toute l’histoire. Il y a une volonté de l’entreprise à aller chercher une acceptabilité sociale face au projet remarque-t-il. « Ils reviendront sûrement rencontrer les gens. Pour l’entreprise, c’est essentiel. Ils travaillent très fort dans ce sens-là. Personnellement, je n’en ai pas contre Transcanada nécessairement. Cela étant, ils donnent beaucoup d’information, mais celle qui fait leur affaire. Posez-leur des questions dans ces rencontres publiques sur les déversements, sur les quantités de matières déversées lors de ces incidents et sur la quantité de déversements que les entreprises détectent versus ceux qu’ils ne détectent pas. Leur dossier n’est pas très spectaculaire. Encore là, ce n’est pas Transcanada autant que les risques et le projet présenté qui est au cœur des discussions. »
La faute au fédéral
L’environnementaliste dirige quelques flèches vers Ottawa qui, selon lui, est responsable de toute la méfiance entourant la venue de projets énergétiques au pays. « Si le gouvernement fédéral n’avait pas aboli 30 ans de lois et de règlementation en environnement au Canada, autant complexifié et réduit la portée des consultations publiques sur des projets comme celui-là, je pense que des entreprises comme Transcanada auraient moins de problèmes. Mais là, il y a une telle méfiance, avec raison, envers le processus fédéral et l’Office national de l’énergie qui est devenue un faire-valoir de l’industrie, il y a peu d’éléments critiques dans les rapports, des conditions sont imposées aux entreprises, mais ces conditions-là sont souvent une farce, alors nous on est très méfiant envers le processus fédéral. En voulant aider ces entreprises, le gouvernement fédéral leur nuit plus qu’autre chose, car il y a tellement de levées de boucliers. Avant, les gens avaient confiance en nos institutions et cette confiance a fondu comme neige au soleil. »
Gaz naturel: oui ou non?
Mis au fait de la création d’une coalition favorisant la venue du gaz naturel dans Bellechasse, Steven Guilbeault a dit souhaiter que le milieu fasse ses devoirs au préalable. « Avant de se lancer dans ces projets-là, il faut évaluer quels sont nos besoins énergétiques. Si on n’utilise pas le gaz naturel, qu’est-ce qu’on utilise. Gaz Métro a un projet par exemple sur la Côte-Nord. Plusieurs entreprises là-bas utilisent du mazout lourd qui est excessivement polluant, beaucoup plus que le gaz naturel et plus dispendieux. Ça peut devenir intéressant de faire un remplacement comme celui-là. »
Ne se disant pas contre tout projet, Guilbeault souhaite plutôt apporter un œil critique sur certains dossiers. « On est pas nécessairement contre les pipelines en soi. Le projet d’acheminer l’essence raffinée de Saint-Romuald vers Montréal par pipeline plutôt que par train, ce n’est pas un mauvais projet, on notait plusieurs déraillements par année. On pense qu’il faut réduire notre dépendance au pétrole. On a un peu le réflexe de faire ce que l’on faisait il y a 20 ou 30 ans et il faut en développer de nouveau », dit-il en terminant.