L’électrification hors de prix pour les petits transporteurs, selon Robert Paré

HONFLEUR. Propriétaire d’une flotte de six autobus scolaires qui desservent la municipalité de Honfleur et d’autres lignes en sous-traitance, Robert Paré de l’entreprise Autobus Jules Paré & Fils trouve difficile, lui aussi, cette transition forcée vers les autobus scolaires électriques, ajoutant que les investissements sont majeurs pour de petits transporteurs comme lui.

« Je ne suis pas un gros transporteur. L’investissement pour des entreprises comme la mienne est considérable, car un véhicule au diesel coûte normalement aux alentours de 100 000 $. Je viens d’acheter un minibus électrique et en enlevant la subvention, la facture approche les 180 000 $ », indique-t-il en mentionnant que cela inclut une subvention supplémentaire de 10 500 $ offerte par le Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud pour les véhicules électriques.

« Un minibus 29 passagers comme celui que je viens d’acheter, c’est presque le même prix qu’un autobus régulier de 72 places. C’est sérieux », poursuit-il en ajoutant, tout comme Normand Lapointe de Sainte-Justine, qu’il est assurément plus difficile d’opérer des autobus scolaires en région en raison des distances.

« Les rangs sont longs et il ne faut pas oublier tout ce qui peut survenir l’hiver avec le froid, les changements de parcours, les accidents de la route et tout cela. Il peut arriver que tu sois en attente et si on manque de courant, il ne fera pas chaud dans l’autobus », image-t-il en rappelant que l’hiver, l’autonomie de la batterie est coupée de 40 à 50 %.

Soulignons que M. Paré avait initialement prévu d’acheter deux minibus électriques, d’où l’annonce gouvernementale pour deux subventions de 125 000 $, mais il a dû annuler le deuxième achat pour des raisons techniques.

« J’avais commandé un minibus avec une rampe pour le transport adapté, mais comme celui-ci doit faire un plus long parcours (de Saint-Damien à Saint-Charles), ce qui est bien au-delà des 100 km par jour, j’ai dû annuler celle-ci pour le moment. Peu importe les scénarios que l’on faisait, ça ne tenait pas la route en raison de l’autonomie de la batterie », indique-t-il en ajoutant que même le constructeur du véhicule en question était d’accord avec cette décision.

Soulignons que le minibus utilisé actuellement par M. Paré est un Blue Bird/Girardin ayant une autonomie de 150 km. Comme le fabricant ne prévoit pas pouvoir hausser cette autonomie à court terme, le transporteur indique que l’entreprise Lion essaierait, de son côté, de développer un modèle de minibus avec un nez plat ayant 200 km d’autonomie, ce qui répondrait à son besoin. Celui-ci ne serait toutefois pas encore à point.

Dans un mur

Tout comme Normand Lapointe, Robert Paré est d’avis que le gouvernement risque de frapper un mur avec sa volonté d’électrifier le transport scolaire.

« Le prix des autobus ne cesse d’augmenter alors que les subventions diminuent d’année en année et ce sera difficile pour nous tant qu’ils n’augmenteront pas l’autonomie de ces véhicules. On parle de 140 ou 150 km dans les meilleures conditions et en hiver, ce sera deux fois moins », poursuit-il en ajoutant, comme son collègue de Sainte-Justine, que cette électrification est plus facile à réaliser en ville où les distances sont souvent moindres pour chaque ligne d’autobus.

« Est-ce que les stations de recharge, comme celle que souhaite implanter mon ami Normand Lapointe, seront toujours financées à 75 %, on ne le sait pas. Il faut que le monde se réveille, car il y a beaucoup de changements à venir dans le domaine, notamment avec la hausse des salaires que la plupart des transporteurs devront accorder à leurs chauffeurs dans un futur. Quand tu regardes cela, avec un autobus qui coûte entre 200 et 300 000 $ une fois les subventions appliquées, la hausse des salaires et des contrats annuels entre 65 et 70 000 $ par année, pas besoin d’avoir un bon comptable pour voir que ça ne marche pas quelque part. »

Investissements à venir

Robert Paré mentionne que s’il a une flotte assez récente pour le moment, il devra assurément changer deux de ses véhicules réguliers pour des autobus électriques d’ici les deux ou trois prochaines années, soit un deuxième minibus et un autobus régulier de 72 places. Il soutient que plusieurs transporteurs ont acheté des autobus neufs à essence avant l’entrée en vigueur de la règlementation. « Ceux-ci auront 12 ans de grâce, mais après cela il n’y en aura plus. Ça va prendre du courant. »

Des autobus hybrides, la solution ?

Faisant écho aux propos de Caroline Lapointe de Transport Lapointe de Sainte-Justine, Robert Paré se demande pourquoi le gouvernement n’y est pas allé avec des autobus scolaires hybrides au lieu de forcer dès maintenant l’achat de véhicules neufs.

« Ça serait plus logique, surtout pour les 5 à 8 prochaines années, car la majorité des lignes que nous faisons auraient pu se faire avec cela. Quand tu arrives à l’école le matin et que tu dois ensuite aller en Beauce ou à Québec, tu te mets en mode essence une fois que l’autonomie de la batterie est terminée. Pas besoin de se creuser la tête avec de potentielles pannes de courant, les tempêtes de neige et le froid l’hiver. Et cela aurait fait moins peur aux transporteurs, car il n’y en a pas beaucoup qui veulent embarquer là-dedans », soutient-il en rappelant que la venue de tous ces autobus électriques fera à la fois vieillir le parc d’autobus et diminuer la valeur des entreprises.

« J’ai toujours été acheteur, mais plus pour le moment. J’avais la ligne de Saint-Zacharie que j’ai vendue à Normand Lapointe. Tant que ça ne se stabilisera pas au niveau de l’autonomie, les transactions entre entreprises de transport scolaire ne reprendront pas. Avant, avec des contrats fixes et des autobus à coût raisonnable, les gens étaient plus intéressés. »

Rober Paré mentionne enfin que des entreprises comme la sienne auront toujours besoin d’au moins un véhicule à essence (ou mazout) pour les transports nolisé. Sinon, cela prendra des autobus électriques ayant une autonomie de 400 à 500 km.