L’inflation pourrait changer la donne

PROPRIÉTÉ. Le marché immobilier devrait demeurer dynamique encore un certain temps dans la région, malgré les risques d’inflation et le contexte géopolitique actuel, estime l’économiste principal de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), Charles -Brant. Toutefois, certains ménages pourraient avoir des difficultés à composer avec certaines tendances.

L’APCIQ observe que le marché est particulièrement actif en Chaudière-Appalaches, principalement à Lévis, mais les régions qui sont plus éloignées de la ville vivent le même phénomène et les hausses de prix s’accélèrent. Certains veulent s’éloigner de la ville, mais l’avènement du télétravail a aussi amené ses nouvelles réalités.

« Les gens cherchent des opportunités dans des marchés qui sont encore attrayants. La Covid a amené une nouvelle variable, celle que les gens sont moins attachés au fait de demeurer près de leur lieu de travail. Ils ont davantage de liberté pour choisir des propriétés qui offrent une qualité de vie à des prix moindres, car elles sont éloignées. Cette tendance fait que les prix augmentent partout et il y a un rattrapage qui se fait », remarque M. Brant.

L’inflation pourrait toutefois jouer les trouble-fêtes, selon lui. Il indique que les prévisions en début d’année penchaient vers une hausse des taux d’intérêt, sauf que d’autres variables se sont ajoutées. « Nos scénarios prévoyaient une hausse pas substantielle, mais quand même notable des taux d’intérêt. Ça aura un impact et fera une différence. Ça devrait calmer les marchés, car les prix et hypothèques sont à des niveaux élevés. Il y a eu une hausse de 20 % en 2021 et elle était de 10 % en 2020, alors ça a rendu les choses difficiles pour les premiers acheteurs avec des mises de fonds plus élevées. »

Cette situation risque d’avoir moins d’impact dans notre région qu’autour de Montréal, par exemple, et ailleurs au Canada. « À Montréal, 39 % des revenus mensuels sont grugés par le logement, tandis qu’à Québec ou en Chaudière-Appalaches, c’est de l’ordre de 23 à 25 % des revenus qui sont consacrés aux mensualités hypothécaires. Le prix des résidences devrait toutefois continuer de grimper. »

Moins de liquidités

La crise en Ukraine et le choc énergétique vont entraîner une augmentation de l’inflation et attaquer le portefeuille des ménages, à son avis. Les gens qui se sont éloignés de leur travail pourraient devoir dépenser davantage pour se déplacer, selon leurs conditions d’emploi. « Tout ça va porter atteinte au pouvoir d’achat des gens et sur la croissance économique, qui sera moins forte que prévue, avec une inflation plus rapide qu’anticipée. C’est un scénario délicat dans un contexte où l’économie pourrait ralentir. Une hausse trop rapide des taux pourrait avoir un effet sur le marché immobilier. »

Il y a même un risque, selon lui, que des ménages soient déjà trop endettés pour conserver certains acquis. « On pourrait effectivement voir des gens retourner sur le marché, parce qu’ils ne sont pas capables de joindre les deux bouts. Le taux d’endettement des ménages par les hypothèques a évidemment augmenté. Dans un contexte où nous n’avions pas de guerre ni de choc pétrolier en vue, les taux d’intérêt ne devaient pas augmenter rapidement. Il faudra voir la stratégie des banques centrales. »

Il se pourrait même, selon lui, que l’on voit un phénomène inverse des deux dernières années et voir les gens choisir de nouveau de s’approcher de leur lieu de travail. « On l’avait déjà prévu, mais ça pourrait s’accélérer. Le contexte économique et géopolitique mondial a changé drastiquement et ça aura un impact sur le marché en 2022 de manière inégale, selon les régions. Certaines pourraient mieux compenser que d’autres. Payer le double, chez certains ménages, uniquement pour se déplacer pourrait faire une différence. »

En terminant, M. Brant prévoit que les prix ne chuteront pas dans la région, mais plutôt se stabiliseront. « Les prix en Chaudière-Appalaches sont particulièrement en retrait d’autres régions de la province et donc, ça assure une certaine stabilité, au pire. À court terme à tout le moins. »