Mets hybrides pour « manger avec les mains » au CISSS Chaudière-Appalaches
LAC-ETCHEMIN. Après la mise en place des mets hachés ou texturés il y a quelques années, les cuisines du CISSS de Chaudière-Appalaches, à Lac-Etchemin, sont depuis quelques mois le théâtre d’un nouveau projet alimentaire qui pourrait faire exemple dans l’ensemble de la province.
Ce projet, qui fait appel à la cuisine moléculaire, vise le développement de mets hybrides présentés sous forme de cubes que de nombreux usagers vivant en CHSLD pourront déguster avec des ustensiles ou carrément avec leurs doigts.
Depuis six mois, une équipe sous la direction de Christophe Kapy, chef de service de l’équipe en amélioration continue – recherche et développement alimentation au CISSS, travaille à la mise en place de ces mets qui pourront être servis chauds comme froids, selon le cas, à une clientèle qui ne peut plus prendre un repas régulier par elle-même, ou encore qui n’est pas au stade des repas hachés ou texturés, communément appelé le « manger mou ».
Directrice adjointe à la logistique au CISSS, Julie Perron rappelle que la déclinaison du manger-main répond aux besoins des différentes clientèles. « Selon le niveau cognitif de la personne, certains ne savent plus comment se servir d’un ustensile, alors ça répond vraiment à un besoin », indique-t-elle en ajoutant que dans plusieurs cas, les usagers pourront renouer avec des aliments qu’ils ne peuvent plus consommer depuis longtemps comme le sirop d’érable, des sandwichs ou autres.
« L’objectif est de pouvoir réunir, autour d’une même table, des personnes qui souffrent de maux différents et qu’ils soient capables de manger la même assiette. Tout est pensé en fonction des différents troubles dysphagiques, que ce soit un trouble de déglutition, peu importe l’aliment, ou encore un trouble de déglutition liquide. Tout est pensé pour que ce ne soit pas trop liquide en bouche », insiste Christophe Kapy qui rappelle l’équipe en développement culinaire basée à Lac-Etchemin œuvre sous la direction de Kathleen Vachon, cuisinière et recherche et développement.
« Pour nous, l’alimentation reste un soin, un besoin pour tous et à peu près le dernier plaisir qui reste à nos usagers. Le fait de pouvoir leur offrir cela, de pouvoir à nouveau manger des sandwichs, mettre à leur bouche du sirop d’érable et de manger n’importe quelle pâtisserie ou n’importe quel fruit, car beaucoup ne savent plus ce qu’est un bleuet, par exemple, c’est plaisant. »
Tests en cours
Julie Perron précise que grâce au travail conjoint d’une cuisinière à Lac-Etchemin et d’un autre à Beauceville, le CISSS profite d’activités-loisir pour faire déguster ces aliments nouveau-genre à différents usagers, ce qui permet d’aller chercher le niveau de satisfaction de chacun et ainsi mieux diriger ;e travail des équipes de production.
« La préparation d’un seul mets requiert entre 15 et 20 essais avant de trouver le bon équilibre entre texture, valeur nutritive et goût. L’objectif est de travailler avec notre équipe de développement et d’offrir un support de formation et d’accompagnement dans nos différentes équipes de service alimentaire qui sont réparties dans l’ensemble du territoire de Chaudière-Appalaches. Ce n’est pas seulement d’offrir le produit dans nos activités de loisirs, mais que ce soit toujours en menu dans l’ensemble de nos établissements dans le futur », indique Mme Perron.
Christophe Kapy ajoute que si les recettes froides sont bien développées pour l’instant, des essais sont déjà en cours afin de développer des mets chauds comme le pâté chinois, le pâté à la viande et au saumon, ou même de la pizza, plus récemment. « C’est notre dernière réalisation en chaud, mais on a aussi développé le pain doré et on a commencé à réfléchir sur le développement de la crêpe. Cela pourrait ensuite être le bœuf bourguignon, un sauté de poulet ou de porc. Il n’y a pas de limites. »
Tout comme les mets texturés par le passé, la production de ces mets hybrides est centralisée à Lac-Etchemin, cela dans le but d’offrir une qualité et une uniformité de la nourriture pour l’ensemble des sites.
« On va regarder avec nos équipes jusqu’où on peut aller dans le développement. Tout se fait à Lac-Etchemin et Beauceville, mais on souhaite aussi implanter des -projets-pilotes qui permettront ensuite ces aliments partout sur le territoire », soutient Mme Perron qui ajoute que le but ultime est que ces mets dans cette -forme-là dans tous les CHSLD du territoire.
Projet-pilote
D’ici l’atteinte d’un tel objectif, un projet-pilote devrait être lancé à l’automne, question de procéder à différents tests de performance, que ce soit au niveau du transport et autres. « On aura aussi de la formation sur le terrain, de l’accompagnement pour parler de la philosophie du manger-main, car les gens pensent que manger avec les doigts c’est sale, que ce n’est pas approprié ou autres. Il y a plein de choses que l’on voit actuellement sur les réseaux sociaux », indique Julie Perron en mentionnant que si ce projet avance bien, le CISSS se donne le temps pour peaufiner le tout.
« On devra aussi mettre en place des outils de satisfaction, ainsi que des études de vieillissement. Nos équipes feront aussi des tests de maintien en milieu réfrigéré ou congelé afin de voir si une fois dégelé, on perd le goût ou la texture, par exemple. On reste dans le domaine de l’alimentation, alors c’est important de faire tous ces tests », insiste M. Kapy.
Les deux intervenants rappellent enfin qu’en parallèle avec le développement du manger-main, des efforts seront consentis pour améliorer à la fois les repas réguliers et surtout les repas texturés, leurs équipes ayant le souhait d’amener un côté plus esthétique à ces derniers qui n’ont pas toujours bonne presse, reconnaissent-ils.