Obstacles et irritants demeurent la norme
-SAINT-HENRI. Propriétaire d’une résidence pour aînés privée à Saint-Henri, Nicole Aubert aimerait davantage de reconnaissance et de soutien de la part des gouvernements pour des petites entreprises comme la sienne.
Sa propriété, la résidence Le Royal de Saint-Henri, compte 31 unités et abrite actuellement 29 résidentes et résidents. Elle emploie une douzaine de personnes, incluant des membres de sa famille. « Nous avons cinq préposées aux bénéficiaires, une infirmière, trois personnes à la cuisine et d’autres à l’entretien et l’administration. Cette dernière passe la moitié de son temps à remplir de la paperasserie gouvernementale et l’autre moitié pour nous. On dirait qu’ils pensent que nous sommes au service du gouvernement et non de la clientèle. Ça, ça m’horripile au plus haut point. »
Elle voit également dans la gestion gouvernementale une certaine concurrence déloyale. « On sent un mépris de la part du gouvernement. Le premier ministre Legault a déjà dit, en juin 2019, que les RPA ne sont pas une industrie significative pour l’économie du Québec. Il ne nous voit pas comme une industrie et ne nous considère pas indispensables », déplore-t-elle.
« Autre iniquité, le gouvernement exige que nos préposés aux bénéficiaires aient une formation supérieure à ce qu’il exige dans les CHSLD ou les centres hospitaliers. Nous sommes obligés de leur payer des formations régulièrement et ensuite, ce même gouvernement leur offre des montants alléchants pour les recruter », un autre exemple d’un manque de respect, selon elle.
Elle déplore en plus les nombreux manques de communication qui s’accentuent avec le temps. « Nous ne sommes jamais consultés. Les gicleurs ne sont qu’un exemple des exigences qui se sont ajoutées avec le temps. Lorsque l’obligation d’en installer est venue, les coûts d’installation ont augmenté instantanément. La Covid a amené d’autres difficultés, autant au niveau des coûts que des besoins d’une main-d’œuvre qualifiée. Nous sommes aussi obligés de supporter les augmentations consenties par le gouvernement pendant trois mois. »
Il y a deux types de clientèle chez les personnes âgées, illustre Mme Aubert : celles et ceux qui ont les moyens, puis celles et ceux qui en ont peu ou pas. « Beaucoup de nos résidents n’ont que la pension de vieillesse du fédéral et quelques crédits d’impôt du provincial. Ces gens-là ont des besoins autres que le loyer, alors on ne peut charger très cher, même si tout augmente et que le travail est de plus en plus exigent. »
Une autre façon de voir les choses
Mme Aubert en est à sa deuxième résidence, ayant été propriétaire de celle de -Saint-Anselme avant d’acquérir celle de Saint-Henri. « On s’est départi de tous nos actifs pour pouvoir construire la résidence. Même en 2003, ce n’était pas facile d’avoir du financement. Les institutions financières refusent de supporter des petites entreprises comme la nôtre (résidence pour personnes âgées privée). Habituellement, ce sont surtout des consortiums, souvent de l’extérieur, qui obtiennent de l’aide. C’est pire depuis que la SCHL n’endosse plus ce genre de financement là non plus », fait-elle valoir.
Les principales difficultés des opérateurs de résidences privées se situent au niveau du financement, selon ses observations. « Nous aurions besoin d’un guichet unique, autre que les banques et les caisses, pour avoir accès à du financement. On ne demande pas la charité, mais de l’aide, ce que nous n’avons pas des institutions traditionnelles. Aussi, si nous avons trois décès ou départs dans la même semaine, on ne remplace pas cette clientèle du jour au lendemain. Ça occasionne une perte de revenus inévitablement. »
Les compagnies d’assurances sont également dans la mire de Mme Aubert. « Les primes augmentent sans cesse et de façon éhontée. Chez nous, nous avons un bon partenariat avec la nôtre, sauf que dans l’ensemble, les primes ont augmenté de façon exponentielle », ajoute-t-elle, insistant que la situation est d’autant plus difficile pour les jeunes résidences, car les réparations sont coûteuses, si cela devient nécessaire.
Le maintien à domicile est une chose, mais la santé et la sécurité des gens en est une autre, soutient-elle. « Le gouvernement dit que les personnes âgées sont une priorité, sauf que le 2/3 de ma clientèle n’a pas de médecin de famille. S’il y avait davantage de suivi, il y aurait -peut-être moins de gens dans les hôpitaux. On a beau être vigilants, mais nous ne sommes pas des médecins. »
Selon elle, ce sont toutes les perceptions et les façons de voir les choses qui doivent changer, sinon l’avenir des petites résidences en ruralité sera en péril. « Les gouvernements incitent depuis longtemps les gens à s’en aller dans les grandes villes. Pourtant, plusieurs souhaitent demeurer dans leur communauté, à proximité des parents et des amis. Quand tu vieillis, certains problèmes cognitifs apparaissent. Même si les gens souhaitent demeurer le plus longtemps possible à la maison, ça devient difficile avec le temps surtout que pour certains, les obligations de la famille ne le permettent pas. »
N’ayant pas que la critique sur le bout des lèvres, Mme Aubert salue au passage l’excellente relation qu’elle entretient avec le CISSS Chaudière-Appalaches. « Quand nous avons une question, besoin d’aide, ils répondent rapidement. On commence par essayer par nous-même avant de lancer un SOS. Les gens du CLSC sont des soies. »