Pénurie de main-d’œuvre: un nouveau cri du coeur est lancé

EMPLOI. La sortie médiatique réalisée en novembre dernier par des gens d’affaires, des intervenants économiques et les élus municipaux de Chaudière-Appalaches (TREMCA), qui réclamaient des gouvernements l’adoption de mesures énergiques visant à contrer l’importante pénurie de main-d’œuvre au sein des entreprises manufacturières, ne semble pas avoir donné les résultats escomptés pour le moment.

C’est le constat émis par ces intervenants qui, profitant d’une série de tables rondes virtuelles tenues plus tôt cette semaine, ont fait part de leur déception et réclamé des réponses claires et rapides à leurs demandes.

Pour le secteur Bellechasse-Etchemins, le préfet de la MRC des Etchemins Camil Turmel, le directeur général de Développement économique Bellechasse Alain Vallières ainsi que Cathy Roberge, directrice des Ressources humaines chez Rotobec de Sainte-Justine, ont tour à tour pris la parole en soutien à Pierre Mailloux, directeur général de Chaudière-Appalaches Économique.

Ceux-ci ont rappelé les demandes déposées en novembre, puis réitérées le 28 mars dernier auprès du ministre responsable de la région Chaudière-Appalaches André Lamontagne, qui était alors accompagné de plusieurs membres de la députation régionale.

Pour contrer la pénurie de main-d’œuvre et améliorer la situation, ceux-ci avaient réclamé (et demandent toujours) quatre mesures bien précises, soit l’amélioration de la fiscalité pour les travailleurs de 60 ans et plus, la défiscalisation des heures supplémentaires, l’augmentation du bassin de main-d’œuvre ainsi que l’obtention plus rapide, pour les travailleurs issus de l’immigration, du statut de la résidence permanente.

Ils demandent également la mise en place de programmes de soutien permettant de faciliter la migration technologique des PME et de trouver des solutions au problème récurrent de logement.

« On a fait une étude l’automne dernier et des constats en sont ressortis. Les statistiques que nous avons montrées sont claires et après de nombreuses rencontres avec les gouvernements provincial et fédéral, il y a des choses qui tardent à se matérialiser », de mentionner Pierre Mailloux qui ajoute que l’urgence enregistrée lors de l’automne dernier est encore très présente et s’est même aggravée.

À cet effet, il souligne qu’entre 3 000 et 4 000 emplois restent toujours à pourvoir au sein des entreprises manufacturières de Chaudière-Appalaches « et que cette donnée ne tient même pas cas des secteurs du commerce, du tourisme et des services, qui sont d’autres pans de mur de notre économie. »

M. Mailloux a rappelé que le secteur manufacturier représentait, à lui seul, 28 % du PIB de Chaudière-Appalaches, territoire où l’on retrouve 1 200 entreprises manufacturières.

Il ajoute que depuis la rencontre du 28 mars dernier, la région était toujours en attente de suivis, de signes positifs démontrant que le gouvernement reconnaît le secteur manufacturier comme un vecteur important de développement économique en Chaudière-Appalaches.

Préfet de la MRC des Etchemins, Camil Turmel a rappelé qu’un sondage mené en 2021 auprès de 309 entreprises manufacturières de Chaudière-Appalaches avait démontré que 86 % d’entre elles sous-utilisaient leurs capacités de production en raison d’un manque de main-d’œuvre, que 76 % avaient dû refuser des contrats en raison d’un manque de main-d’œuvre.

La crainte de voir des entreprises quitter la région et s’installer là où le bassin de main-d’œuvre est plus important une autre menace qui plane sur l’économie de Chaudière-Appalaches, ajoute M. Turmel qui rappelle que plusieurs industries avaient développé, au cours des derniers mois et des dernières années, des sites de production aux États-Unis ou au Nouveau-Brunswick, par exemple.

La solution de l’immigration

À cet égard, M. Turmel et les autres intervenants appelés à prendre la parole ont insisté sur l’importance de l’immigration comme levier de développement de notre région. « Montréal représente 24 % du poids démographique du Québec et leur part à l’immigration est de 75 % alors qu’en Chaudière-Appalaches, notre poids démographique est de 5,1 % et notre poids de l’immigration n’est que de 0,05 %. On a donc beaucoup de rattrapage à faire et nos industriels lancent un cri du cœur encore aujourd’hui », a-t-il précisé.

Directrice des ressources humaines chez Rotobec de Sainte-Justine, entreprise qui a choisi cette voie depuis 2013, Cathy Roberge rappelle que cela fait des années qu’elle et ses collègues d’autres entreprises manufacturières demandent des changements à la loi de l’immigration, afin de raccourcir les délais de traitement des demandes.

« J’ai demandé souvent du soutien pour faciliter et simplifier la démarche, pour raccourcir les délais. On sait que la main-d’œuvre que nous allons chercher viendra combler nos besoins, ce qui n’est pas le cas pour l’immigration dans son ensemble. Je sais que les gouvernements veulent restreindre l’immigration, je comprends la situation, mais il faut vraiment que cela réponde aux besoins du manufacturier et cibler cette main-d’œuvre en fonction de nos besoins, même si on la limite », indique-t-elle en plaidant elle aussi pour une régionalisation de l’immigration, là où sont les besoins.

« Chez nous, l’immigration représente près de 50 % de notre main-d’œuvre en usinage, en soudage et en électromécanique. On est obligés de donner plein de travail en sous-traitance, faute de main-d’œuvre qualifiée. On a créé des commerces aux alentours qui vivent un peu grâce à cela, car ils savent que l’on a de la difficulté à remplir nos équipes de soirs et de fins de semaines. »

Si la robotisation peut représenter une autre avenue de développement, cela n’est pas suffisant pour Mme Roberge qui plaide elle aussi pour que le gouvernement adopte aussi des mesures incitatives permettant aux travailleurs expérimentés de continuer à travailler à temps partiel lorsqu’ils arrivent à la retraite et ne souhaitent pas arrêter complètement.

Un profil à respecter

Directeur général de Développement économique Bellechasse, Alain Vallières s’est dit inquiet de la situation actuelle qui mène à une sous-utilisation de la capacité de production des entreprises. « Le gouvernement a les chiffres en main depuis novembre. Il nous parle beaucoup de la vitalité des régions, mais ils ont mis en parallèle certaine mesures qui ne répondent pas aux besoins des entreprises manufacturières de Chaudière-Appalaches qui est la troisième région manufacturière en importance au Québec. Ils doivent tenir compte de notre profil », mentionne M. Vallières qui prône lui aussi pour la régionalisation de l’immigration.

Tous les intervenants prenant part à la table ronde ont dit espérer que le gouvernement se prononce sur leurs demandes le plus rapidement possible et entendent en faire un sujet de discussions en vue de la campagne électorale qui aura lieu cet automne.