Roméo Dallaire à la recherche de jeunes leaders

ARMAGH. Après avoir longtemps fait de la prévention des génocides et de l’utilisation des enfants-soldats dans les conflits outremer son cheval de bataille, le lieutenant-général à la retraite, Roméo Dallaire, s’est donné une autre mission: la recherche des jeunes leaders de demain.

Si la plupart de ses combats idéologiques étaient inspirés des guerres se déroulant en Afrique et au Moyen-Orient, le sort des jeunes défavorisés au Québec retient maintenant son attention. Par la Fondation qui porte son nom, celui qui a aussi siégé au Sénat canadien de 2005 à 2014 et est grand-père de deux petits-enfants souhaite permettre à des jeunes, issus de milieux modestes, d’avoir leur chance. «On veut aller leur donner une opportunité de se développer dans un contexte différent, leur permettre de voir autre chose dans la vie, les faire sortir de la ville et leur montrer la campagne».

L’ex-militaire était en visite à Armagh, dans Bellechasse, le samedi 2 avril dernier. Il répondait ainsi positivement à l’invitation du Dr André Moisan, pour une troisième année de suite, malgré son agenda fort chargé. Propriétaire d’une cabane à sucre, M. Moisan est membre du conseil d’administration de la Fondation Roméo Dallaire. Cette visite maintenant annuelle fait partie du programme des jeunes leaders du Camp Kéno de Portneuf qui avait invité, pour l’occasion, une vingtaine de participants provenant de Lévis et Québec.

Les raisons qui poussent le lieutenant général Dallaire à s’impliquer aussi activement et à répéter son engagement sont nombreuses. «Parce que la bouffe est bonne», soutient-il d’abord en provoquant les rires de celles et ceux qui l’observaient sous un regard admiratif. «Pendant des années, nous avons supporté des projets dans les orphelinats du Rwanda et ailleurs pour les aider. On a choisi d’investir aussi chez nous. L’objectif est de réunir les jeunes quelques fois dans l’année. Plusieurs n’ont jamais vécu l’expérience d’une cabane à sucre et l’environnement que ça comporte».

Directeur général du Camp Kéno, François Vézina souligne que cette activité-récompense permet aux jeunes de rencontrer les gens qui amassent des fonds leur permettant de participer au camp et d’avoir une chance de progresser dans un environnement positif.

Critique du système scolaire actuel

L’ex-militaire et sénateur à la retraite juge inadéquate la façon de faire dans les écoles du Québec. Selon lui, des jeunes ont énormément de potentiel, mais n’ont pas accès à suffisamment de défis pour s’épanouir. «Tu ne crées pas une société en ralentissant les plus forts tout en espérant qu’avec ce concept, ils amèneront les autres à se dépasser. On doit les classifier, permettre aux plus forts d’avoir des défis qu’ils pourront surmonter et, surtout, ne pas les ralentir».

Pour illustrer son propos, il fait référence à une réforme instaurée dans les Forces armées au début des années 90. «Il a été décidé, entre autres, que jamais un soldat n’irait combattre dans la langue de l’officier. Celui-ci devra parler la langue du soldat. À partir de ce moment-là, non seulement nous encouragions les officiers à parler les deux langues officielles, mais celles et ceux qui maîtrisaient les deux langues devaient en apprendre une troisième. Tu continues à bâtir, pas à établir des standards minimums qui deviendront suffisants».

L’importance des enfants sera toujours au cœur des préoccupations de l’homme maintenant âgé de 69 ans. «J’étais dans les cadets, organisation qui m’a permis de développer mon potentiel et mon leadership. Ma réflexion s’est épanouie particulièrement à mon retour du Rwanda. Là-bas, 50 % de la population a moins de 15 ans. Les enfants vont souvent être soumis à des travaux forcés, être victimes de trafic humain et de pauvreté. Des jeunes de 11-12 ans ont été orientés vers des milices et ont servi d’armes de guerre. Plein de jeunes sortaient des camps de réfugiés. J’ai suivi ça un peu et j’ai remarqué que plusieurs avaient du potentiel.»

Lors d’un séjour en Sierra Leone, il a fait la rencontre d’un jeune homme de 11 ans qui avait une trentaine d’enfants sous ses ordres. «C’était un jeune génie. S’il avait été chez nous, on lui aurait donné des bourses ou autre tandis que chez lui, on lui a donné une carabine et a développé son potentiel pour une mauvaise chose».