Saint-Gervais: la retraite pour le notaire Goulet

CARRIÈRE. Travailler pendant une cinquantaine d’années n’a rien de banal. Le notaire Raynald Goulet de Saint-Gervais fait partie d’un groupe particulier, celui d’avoir passé 51 années à effectuer le même travail, dans la même localité.

Âgé de 76, Me Goulet dit avoir terminé le 15 décembre dernier, mais a finalement laissé la barque à ses successeurs il y a quelques jours à peine, ayant pris le temps de fermer ses dossiers avant tout. Natif de Saint-Nérée, il avait été assermenté le 24 mai 1966, quelques jours avant son mariage le 18 juin suivant.

Après un parcours scolaire normal au primaire, il a passé les huit années suivantes au collège pour ensuite se diriger vers l’université pour quatre autres années. «À 25 ans, j’étais prêt à commencer et cela faisait un bout de temps que j’avais hâte», raconte-t-il sans hésiter.

Il dit avoir travaillé sur 35 455 contrats notariés au cours de sa carrière. «Je le sais, parce que lorsqu’est venu le temps de transférer aux confrères, on a dû les vérifier un par un. Ça a pris des semaines. J’ai réalisé qu’il y avait eu beaucoup de travail de fait. Je n’étais pas vite, mais j’étais tout le temps là», se souvient M. Goulet qui indique avoir consacré de 10 à 12 heures par jour à son travail.

Le notaire Raynald Goulet, entouré de ses collègues Me Roch Godbout et Me Myriam Couillard à qui il a cédé les rennes de son bureau il y a peu de temps.

Il répète constamment, au cours de l’entretien, qu’un bon notaire doit toujours avoir en tête les besoins du client et que celui-ci attend que tu termines ton travail pour réaliser son projet.  «Il y a des dossiers que l’on aime moins, mais les gens ont des besoins. Commencer le matin avec ce que tu détestes le plus dans un dossier est un bon moyen pour avancer.»

Dire qu’une chose était illogique ou impossible lui est arrivé régulièrement. «Je disais souvent aux gens de faire un exercice. Prendre une feuille et écrire les points positifs d’un côté et les négatifs de l’autre. Ça a guidé plusieurs personnes avec le temps. Les gens se font souvent des plans avant d’entreprendre leurs démarches et oublient des choses, d’où l’importance de réfléchir avant toute chose.»

Notaire plutôt que prêtre

Fils d’agriculteur, Me Goulet indique n’avoir jamais vraiment songé à ce qu’il aurait fait d’autre s’il n’avait pas été notaire. «Au début, c’était difficile, car il y avait déjà deux notaires qui étaient en pratique à Saint-Gervais. Le notaire Pouliot et le notaire Moreau étaient là et donnaient un bon service aux gens. J’ai essayé de ramasser ma part de marché dans tout ça. En y réfléchissant un peu, je serais possiblement allé dans la vente, peut-être dans l’assurance, un domaine où on peut regarder des choses avec un client avant, pour évaluer ses besoins. J’avais aussi travaillé au Crédit Agricole où j’aurais pu retourner.»

M. Goulet précise qu’il était toutefois destiné à la prêtrise au début, sauf qu’un intervenant au collège lui a suggéré un autre cheminement. «J’ai été mal guidé à mon avis jusqu’au test d’orientation à la dernière année au collège. L’abbé Maranda, qui était notre orienteur, m’a fait comprendre que je ne devais pas aller au Grand Séminaire, car je n’y resterais pas. Je n’avais pas pensé à d’autres alternatives, sauf que mon test lui démontrait que la comptabilité ou le notariat m’intéressaient beaucoup plus. Je n’aimais pas les chiffres et j’aimais le contact avec le public.»

La possibilité de rencontrer des gens œuvrant à différents niveaux est, justement, ce qui lui a permis d’apprécier son rôle. «Que ce soit un ministre ou un assisté social, j’avais autant de plaisir à rencontrer l’un ou l’autre et essayer de les comprendre. On rencontre des gens intéressants. Tu as le client avec toi, tu connais ses projets, tu connais sa famille, tu sais comment ça va peut-être mieux que n’importe qui.»

Une profession qui évolue

Cela dit, Me Goulet convient que son métier a beaucoup évolué avec les années. C’est l’une des choses qui lui a permis de lâcher-prise par rapport à son travail. «Avant, la vente d’un garage ou d’un commerce était simple. Aujourd’hui, l’environnement nous cause beaucoup de problèmes. As-tu fait ci ou ça ? Est-ce qu’il y aura des complications ? À la fin, je passais beaucoup de temps à dire aux gens qu’ils n’avaient pas le droit de faire telle ou telle chose. La vente d’une terre prenait trois heures dans le temps, aujourd’hui c’est un an.»

Le contact avec ses clients a aussi changé avec le temps. «Avec les gens plus jeunes, ce n’est pas les mêmes mentalités non plus. La pratique est différente et le sentiment d’appartenance n’est plus aussi présent. La vie est plus vite et les problèmes différents. Je commençais à trouver ça un peu plus difficile aussi. Ça se compliquait à cause des lois fiscales. Par exemple, lorsqu’est arrivé le zonage agricole, c’est devenu complexe. C’est encore difficile aujourd’hui.»

Il aimait encore son travail malgré tout et aurait peut-être continué sa pratique, malgré son âge, sauf qu’une relève s’est pointée et il a choisi de profiter de l’occasion. Il part avec le sentiment que son bureau est entre bonnes mains. «Tant que le notaire Godbout sera là et que Myriam (Couillard) voudra continuer, ils ont du travail pour s’amuser. Je n’ai jamais eu d’inquiétudes pour ça.»

Relativement en forme, M. Goulet a toutefois perdu son épouse il y a quatre ans. Profiter de la vie n’a plus la même signification pour lui. «Je vais voyager un peu, c’est certain, mais ce n’est pas la même vision. Je ne fais que me promener entre chez moi et une propriété avec une érablière. J’aide mon voisin dans ses travaux. Je veux faire quelque chose, mais pas n’importe quoi. Je veux m’intéresser à quelque chose qui rendra service à quelqu’un», confie-t-il ne fermant pas la porte à une ou quelques implications bénévoles.