Un projet-pilote pour les camionneurs atteints du syndrome post-traumatique
TRANSPORTS. Le gouvernement du Québec soutiendra le projet de l’ancien camionneur Patrick Forgues de Saint-Anselme et de sa conjointe, Kareen Lapointe, qui souhaitent venir en aide aux camionneurs victimes d’un syndrome de stress post-traumatique après un accident de la route.
La députée-ministre Dominique Vien a profité d’une conférence de presse, le jeudi 24 mai à Saint-Lazare, pour annoncer que son gouvernement verserait une contribution de 157 000 $ à l’organisme «Syndrome de stress post-traumatique chez les camionneurs», fondé par le couple bellechassois.
Le montant servira au lancement d’un projet-pilote, avec le ministère des Transports, sur la prévention du syndrome qui permettra, espère Mme Lapointe, d’apporter un soutien rapide aux chauffeurs victimes d’accidents ou d’événements traumatisants.
Le projet-pilote permettra la création de deux groupes-témoin de 40 camionneurs venant de partout au Québec. Des démarches en ce sens seront menées en collaboration avec les entreprises de camionnage qui accepteront d’y prendre part.
Un premier groupe suivra la filière normale et devra attendre un mois avant que leur dossier ne soit pris en charge par la CNESST.
Pour le second, une intervention rapide sera menée par l’association qui assurera une prise en charge dans les 24 à 48 heures suivant l’accident. Un suivi de cinq à six rencontres avec des intervenants spécialisés et psychoéducateurs, avant leur prise en charge par la CNESST, sera réalisé. Les participants auront aussi la possibilité de rencontrer des chercheurs de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) à deux reprises.
Durant cette période de deux ans, les camionneurs seront informés sur les effets possibles des accidents graves et les ressources disponibles. Les données recueillies auprès de divers spécialistes serviront à la mise sur pied d’un véritable programme d’intervention, validé scientifiquement, qui permettra de soutenir les camionneurs et l’ensemble de l’industrie du camionnage.
Répondre à un besoin
Il y a deux ans, Kareen Lapointe et Patrick Forgues ont lancé une page Facebook afin d’informer les camionneurs sur ce qu’ils avaient vécu et les informer sur le syndrome post-traumatique après un accident ou un événement traumatisant. «On voyait rapidement que le besoin était là et c’était surtout criant chez les camionneurs qui n’ont jamais reçu d’aide. On a décidé de démarrer un organisme à but non lucratif afin de structurer celle-ci», précise Kareen Lapointe.
«On a au moins deux cas qui, chaque semaine, sont référés aux psychoéducateurs. Il y a un vide d’au moins deux semaines entre le moment de l’accident et celui où la CNESST entre en jeu et c’est à ce moment qu’il faut agir, poursuit-elle. Si l’intervention avait été plus rapide avec Patrick, peut-être que la situation aurait été différent aujourd’hui, mais on ne le saura jamais. Cela aurait aidé et il serait peut-être encore derrière un volant aujourd’hui.»
Enveloppe régionale
Soulignons que l’aide financière s’inscrit dans une enveloppe de 853 000 $ accordée à différents organismes et municipalités de Chaudière-Appalaches pour la réalisation de 14 projets de sécurité routière. Ces sommes proviennent du Fonds de la sécurité routière, dans lequel sont versées les amendes perçues lors d’infractions décelées par les radars photo.
Dans la MRC de Bellechasse, deux autres projets sont aussi soutenus par ce fonds. Il s’agit de la sécurisation de la zone scolaire sur la route Saint-Gérard à Saint-Damien, pour laquelle une somme de 6 968 $ est versée, ainsi que l’achat d’un afficheur de vitesse avec panneau d’arrêt lumineux pour la municipalité de Saint-Nérée, au coût de 5 750 $.
Parmi les autres organismes soutenus, soulignons que la Fédération motocycliste du Québec recevra plus de 327 000 $ pour la réalisation de trois projets en matière de sécurité, ainsi que la mise en place d’un portail internet.
Le cauchemar des camionneurs
Le 18 février 2013 vers 16 h 30, alors qu’il revenait de Montréal sur l’autoroute 40 au volant d’un camion lourd de l’entreprise Véolia, la vie de Patrick Forgues a changé du tout au tout… signifiant dès lors la fin de carrière de routier. Alors qu’il était dépassé par une série de véhicules, un automobiliste est sorti de sa voiture, garée sur l’accotement, avant de se lancer devant le fardier conduit par le résident de Saint-Anselme.
Le choc était inévitable et M. Forgues n’a pu que sortir de son camion pour constater les faits et ramasser les débris du corps de l’homme qui a été démembré sous le choc.
«Ça nous trotte toujours dans la tête, c’est notre cauchemar. On s’en parle entre camionneurs et on pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres. Sur le coup, je suis devenu de glace, sachant bien ce qui s’était passé», indique M. Forgues qui est rapidement entré en urgence psychiatrique, après les événements.
Un mois s’est déroulé entre l’incident et une véritable intervention de la CNESST qui a finalement établi un diagnostic de syndrome post-traumatique. «Dans cette période, tu as le temps de cristalliser le problème et penser que ça va mieux. Je suis retourné derrière le volant pendant à peu après deux mois, mais ça s’est mal terminé. J’ai passé 19 jours en psychiatrie. Je me souvenais plus des deux dernières semaines que j’ai travaillées et j’ai perdu une quarantaine de livres. Mon corps fonctionnait, mais il était vide.»
La carrière de M. Forgues, en tant que camionneur, est terminée depuis ce temps. «J’essaie de vivre avec les symptômes, ce qui n’est pas toujours évident autant pour moi que ma famille», ajoute-t-il.