Industrie porcine : un modèle à revoir ?

AGROALIMENTAIRE. L’industrie porcine au Québec connait des difficultés, ce n’est plus un secret avec les récentes annonces de l’entreprise Olymel de fermer deux usines de transformation et d’une réduction prochaine des abattages.

L’entreprise abat 80 % des porcs au Québec et doit composer avec des pertes monétaires importantes depuis un certain temps. La crise date d’il y a quelques mois alors que les éleveurs ont dû accepter une importante baisse du prix du porc pour venir en aide aux abattoirs.

Le président de L’UPA en Chaudière-Appalaches, James Allen, a récemment envoyé quelques flèches en direction d’Olymel jugeant que les façons de faire de l’entreprise sont beaucoup trop dépendantes du programme de l’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) de la Financière agricole du Québec qui assure un certain revenu aux agriculteurs.

Premier vice-président chez Olymel, Paul Beauchamps précise que le secteur du porc frais est celui qui affecte davantage l’entreprise. « Ce ne sont pas seulement les acquisitions du passé qui nous font mal. Ce secteur a été durement frappé par la pandémie. Il y a aussi la situation en Ukraine, la hausse des prix du grain, un effondrement des marchés et globalement un contexte qui a frappé ce secteur plus durement que le reste. »

Récemment nommé à la présidence du Conseil canadien du porc, René Roy, producteur de Saint-Jules, observe lui aussi que la résilience des producteurs est mise à rude épreuve. « Lorsqu’on entend nos transformateurs dire que ça va mal, nous sommes inquiets, nous sommes liés. Si nous n’avons plus d’abattoirs, nous avons un problème. La situation actuelle a un impact sur nos revenus, mais chaque fois qu’un maillon de la chaîne est affaibli, c’est tout le monde qui paye. L’objectif est d’avoir un partenariat d’affaires solide et résilient, capable de passer à travers diverses épreuves. »

Le problème de toute une filière

Paul Beauchamps ajoute qu’à l’image des autres secteurs de l’activité agricole au Québec, aucun morceau de la filière porcine n’est intéressé à garantir le revenu de l’autre, sans garantir le sien. Il ajoute qu’il est certain que les entreprises de transformation bénéficient de l’effort des producteurs à l’heure actuelle. « Au cours des dernières années, on a vu une plus grande intégration des modèles. Certains sont partiellement intégrés, comme nous. Quant à l’assurance stabilisation, elle a été dessinée pour garantir un revenu aux producteurs et il faut que ça demeure ainsi. Pendant que nous avons accumulé des pertes, d’autres en ont bénéficié. Ce n’est pas toujours à sens unique. »

Quant au modèle de la filière au Québec, versus l’assurance stabilisation, M. Beauchamps estime que la filière essaie d’y réfléchir depuis longtemps. « On parle d’une compétitivité à l’échelle mondiale, contrairement à certaines productions contingentées. Quand on veut vendre sur le marché international, il faut que tous les maillons le soient pour en tirer un juste revenu. Olymel est le plus important producteur de porc au Québec et ce soutien de l’état, consenti aux éleveurs, sert aussi à supporter l’ensemble de l’industrie. »

Il ajoute que l’industrie est cyclique. « La question qu’on doit se poser ensemble est que si on produit davantage, on doit exporter davantage. Quand les choses allaient bien, les gens étaient contents de bénéficier de cet avantage. Quand ça va mal, on oublie ces moments-là. »

Quant au discours qui prônait d’abord l’autosuffisance au cours et suivant la pandémie, M. Beauchamps n’est pas certain que l’équation se situe nécessairement à ce niveau. « Si nous allons à la limite de l’autosuffisance, nous allons couper la production porcine au Québec de 60 %. Ça peut être une avenue, sauf qu’au-delà du principe de l’assurance stabilisation, il y a des producteurs dans le champ qui vont cesser de produire, des meuneries, des vendeurs d’équipements ou des vétérinaires qui verront leur business disparaitre et pour le 40 % qui va rester, ce ne seront possiblement pas des producteurs autonomes. »

Il n’écarte toutefois pas la pertinence de la question et estime qu’elle pourrait être réfléchie en filière, avec certaines mises en garde si le modèle devait être revu. « Si on choisit cette avenue, il ne faudra pas nous accuser de déstructurer la filière. Si on veut exporter pour maintenir une infrastructure agricole régionale, il y a un prix à payer et ce n’est pas à Olymel de le faire nécessairement. »