Les producteurs de lait de chèvre inquiets

AGRICULTURE. Des producteurs de lait de chèvre de la région vivent des moments difficiles puisqu’ils perdront possiblement leurs principaux clients dans un avenir rapproché.

En résumé, la compagnie Liberté a annoncé qu’elle n’achèterait plus de lait de chèvre québécois à compter du 31 décembre prochain, préférant s’approvisionner en Ontario où les prix sont plus bas en raison d’un surplus de production.

De son côté, la coopérative Agropur cessera graduellement ses opérations en raison de l’impossibilité de s’entendre avec les employés de son usine. Pour conserver leur principal client, Saputo, les producteurs de lait de chèvre du Québec devront améliorer la qualité de leur lait tout en baissant leur prix de vente.

Le prix du lait de chèvre est l’une des raisons expliquant la décision des principaux transformateurs de s’approvisionner vers les producteurs ontariens à compter du 1er janvier.

«Les grosses multinationales nous lâchent», indique Louise Lambert de Saint-Anselme qui possède environ 150 chèvres en compagnie de son conjoint, Dominique Breton. Elle ajoute qu’il est toutefois possible qu’ils puissent éviter le pire à court terme, mais moyennant certaines concessions.

«Heureusement, Saputo semble pouvoir revenir sur sa décision, après nous avoir indiqué qu’il n’achèterait plus de lait à partir du 1er janvier prochain. La situation pourrait changer si nous faisons des concessions sur le prix et que nous réussissons à améliorer la qualité du lait ainsi que le bien-être animal, mais même là, nous ne connaissons pas le volume», fait-elle valoir.

Une production méconnue

À Saint-Gervais, Jean-Philippe Jolin est le principal producteur de lait de chèvre en Chaudière-Appalaches.

Il n’y a que quatre producteurs de lait de chèvre en Chaudière-Appalaches, soit à Saint-Anselme, Saint-Gervais, Sainte-Hénédine et Saint-Lambert. Jean-Philippe Jolin, producteur à la ferme Caprijol de Saint-Gervais, est le principal producteur de la région avec 750 chèvres et un volume de 700 000 litres de lait annuellement. Selon lui, ce n’est pas un manque de production qui est en cause. «Il y a eu une forte croissance de production en Ontario, tellement que plusieurs se sont lancés là-dedans. Les transformateurs n’ont pas suivi aussi rapidement et ils se retrouvent avec des surplus aujourd’hui. Ils ont donc commencé à vendre du lait à rabais et cela a des répercussions ici.»

Propriétaire de 90 chèvres à Sainte-Hénédine, Serge Boissonneault précise que son industrie n’est pas régie sous le même modèle que d’autres productions. «Nous n’avons pas de quotas, ce sont des contrats avec des acheteurs et renouvelables annuellement. Nous ne sommes pas régis par le système d’assurances agricoles non plus.»

Dominique Breton distingue toutefois une impasse dans la situation actuelle. «Nos acheteurs demandent une baisse de prix et une amélioration du bien-être animal, mais avec moins de revenus, je ne pourrai pas investir dans l’autre.»

Il est aussi d’avis qu’il en coûte plus cher de produire au Québec qu’ailleurs au Canada ou dans le monde. «Il faudrait que les normes deviennent les mêmes pour tout le monde et que les fromages en provenance d’Europe soient soumis aux mêmes standards qu’ici. Le fromage européen est subventionné par l’État et ils sont en mesure de le produire à moins cher que nous. Ce n’est pas fabriqué selon les normes que nous sommes obligés de suivre ici. Ce ne sont pas les mêmes dépenses», ajoute-t-il, tout en estimant que les produits d’ici sont de meilleure qualité.