Né un 3 septembre – Ferdinand Porsche
Si vous ouvrez le grand livre de l’histoire automobile, vous verrez que la naissance de la compagnie Porsche remonte à 1948. Ce n’est que trois ans avant sa mort, au crépuscule de sa vie que Ferdinand Porsche fonde la compagnie qui porte son nom. Le professeur Porsche compte parmi les plus illustres et les plus féconds ingénieurs de l’automobile du XXe siècle. Dès 1900, il invente un moteur-roues électriques qui servira de base à la NASA pour le véhicule lunaire quelques 70 années plus tard. Il connut la notoriété chez Mercedes, puis la célébrité chez Auto Union où son nom est associé aux plus grandes victoires de la marque en Grand Prix. On lui doit aussi la conception de celle qui allait devenir la VW Coccinelle, qui l’a fait entrer dans l’histoire. Personnage complexe, plus grand que nature et controversé, Ferdinand Porsche a laissé à son fils Ferdinand Anton Ernst dit Ferry (qui fera l’objet d’une autre biographie) le soin de développer la légende Porsche .
L’histoire de Ferdinand Porsche commence le 3 septembre 1875 à Maffersdorf, dans le territoire de l’empire Austro-Hongrois, ville située aujourd’hui en Tchécoslovaquie dans la province de Bohème. Fils de ferblantier, Porsche démontre très jeune un intérêt certain pour l’électricité. À l’adolescense, il prend en charge de faire passer l’électricité partout dans la maison familiale. Son père réalise à ce moment que son fils a trop de potentiel pour reprendre la petite entreprise familial qui devait lui revenir suite à la mort prématuré de son frère aîné. Ferdinand Porsche décide de poursuivre ses études à Vienne, mais son inscription est refusée à l’université car ses résultats scolaires sont trop faibles. Porsche doit se contenter d’être auditeur libre. Ce statut ne l’autorise pas à passer les examens. Il commence sa carrière professionnelle à 16 ans, chez un constructeur viennois de matériel électrique qui porte le nom de Vereinigte Elekticität A.G. Il travaille à l’entretien des machines. Après quelques années, un fabricant de carrosses allemand Jakob Lohner sera le premier à recourir aux talents de Ferdinand Porsche. Il engage ce dernier pour mettre sur pied un véhicule électrique pour vendre au grand public. Porsche ne rate pas sa première chance de se faire remarquer. Il développe à la fin du XIX siècle un moteur roue électrique. Il loge quatre petits moteurs dans le moyeu des roues, économisant ainsi une lourde transmission. Il fait une démonstration de la Lohner-Porsche lors de l’Exposition universelle de Paris, en 1900, où la voiture était exposée, et obtient un premier prix qui le rend célèbre. Dès son retour à l’atelier, Porsche améliore encore sa voiture et la dote d’un moteur alimentant un générateur qui fournit le courant aux quatre moteurs des roues, rendant sa création autonome. Malheureusement Jakob Lohner est largement satisfait par le succès commercial de sa nouvelle voiture et n’a plus besoin des services de Ferdinand qui quitte l’entreprise en 1906.
Peu de temps après, Porsche entre au service D’Austro-Daimler, la branche autrichienne du constructeur allemand Daimler, à titre de directeur technique. Le premier travail de Ferdinand fut d’améliorer la Maja, le modèle phare de la marque. Il en fait un succès commercial et dès 1908, il crée la 27/80, sa première voiture de compétition. Elle remporte la coupe du Prince Heinrich en 1910. Pendant son service militaire, Porsche servira de chauffeur à l’archiduc Ferdinand, celui-là même dont l’assassinat à Sarajevo allait déclenché la première guerre mondiale en 1914.
Lors de la Première Guerre mondiale, afin de pouvoir déplacer d’énorme obusier SKODA de 305 mm, l’armée Autrichienne lui demande de concevoir un tracteur d’artillerie. Porsche fabriqua un tracteur de 80 ch, qui passa ensuite à 100 ch, avec des roues en fer de 1.50 m de diamètre, celui-ci avait une capacité de traction d’environ 24 tonnes. En pleine période de guerre Porsche commence à concevoir en 1915, un petit tracteur léger, ayant la capacité de tirer aussi bien un petit canon qu’un fourgon à munitions, ou encore une charrue à trois socs. Mais les essais ne furent pas nombreux, car en pleine période de guerre, Austro-Daimler ne désirait pas travailler sur une oeuvre de caractère aussi paisible. Mais l’idée fera son chemin. Même si on l’associe plus facilement aux voitures sports, ceci ne doit pas faire oublier que Porsche fut un acteur non négligeable dans le domaine du tracteur agricole. On lui décerne un titre de docteur honoris causa de l’Université de Vienne en 1917 et il prend la direction d’Austro-Daimler en 1918.
Au lendemain du premier conflit mondial, Porsche n’a qu’une seule idée en tête, une petite automobile populaire. Ce technicien ne voit de progrès que dans l’amélioration du rendement des moteurs et non pas dans l’escalade à la cylindrée à laquelle se livrent tous les constructeurs de l’époque. La petite voiture pour le plus grand nombre, n’est pas du goût de l’état-major d’Austro-Daimler attaché à sa clientèle aristocratique. Ferdinand parvient pourtant à trouver un financier en 1921: le comte Sascha Kolowrat, riche producteur de films qui lui commande une sportive d’1 litre de cylindrée. Porsche tentera de convaincre le conseil d’administration d’Austro-Daimler de fabriquer la petite Sascha en série mais en vain. Ferdinand Porsche claque la porte et part en Allemagne en 1923. Il entre au service de Daimler à Stuttgart. Après la fusion de Daimler avec Benz, il crée la Mercedes S en 1926. Cette voiture marquera le début d’une fantastique lignée de sportives dont la SSKL de 1931 sera l’apogée. Ferdinand est cependant toujours obsédé par une voiture populaire. Il en a assez d’élaborer des voitures destinées aux plus favorisés dans une Allemagne en pleine crise où seulement un allemand sur 200 possède une voiture, (contre un américain sur six). Devant l’incompréhension et la bêtise de sa direction, il démissionne (une fois de plus) bruyamment en 1929. Il retourne donc en Autriche, chez Steyr. A peine un an plus tard, le système bancaire autrichien s’effondre et Steyr se retrouve dans le giron d’Austro-Daimler (suite au krack boursier de 1929). Pour notre homme, il n’est pas question de retourner chez Austro-Daimler et le 16 mars 1931, il fonde son propre bureau d’études dont le nom complet est “Dr. Ing. hcF Porsche GmbH, Konstructionbüro für Motoren-Fahrzeug-Luftfahrzeug und Wasserfahrzeugbau”, il s’installera chez lui. En fait, il affiche ses ambitions: il est prêt à construire tout ce qui se meut sur terre, sur eau et dans les airs. Porsche s’entoura alors de techniciens de tout premier ordre, en premier lieu son fils Ferry et ceux parmi ses anciens collaborateurs de chez AustroDaimler, Steyr et Daimler-Benz qu’il appréciait davantage; ainsi, le petit bureau du centre-ville de Stuttgart fut bientôt célèbre pour la haute qualité des projets qu’il concevait., Un exemple parmi d’autres réalisée pour Auto-Union: la voiture de Grand Prix avec moteur central arrière à 16 cylindres suralimenté qui révolutionna le monde de la Formule Un. Sa célébrité avait atteint la Russie quand en 1932, l’URSS en la personne de Joseph Staline, lui propose le poste suprême de responsable de toute l’industrie soviétique avec un chèque en blanc pour ses recherches et le développement de sa voiture populaire. Mais après une tournée de visites des plus importants sites industriels soviétiques, il déclinera la proposition et retournera en Allemagne pour négocier avec… Adolf Hitler. Voici comment est né la Coccinelle selon un extrait du récit de Frédéric Clairmont, du monde diplomatique
Passionné de voiture, le chancelier – qui ne roulait qu’en Mercedes – voulait que chaque Allemand puisse s’offrir cette « petite voiture capable de transporter quatre personnes et quelques bagages ». Sans doute voulait-il aussi donner au monde l’image d’un pays où même l’ouvrier disposait d’un standing de vie lui permettant d’acheter une voiture. Le cahier des charges fixé par Hitler lui-même imposait un véhicule simple dans sa conception, consommant environ 7 litres aux 100 km, capable de rouler à une vitesse de 100 km/h et composé de pièces susceptibles d’être changées ou remplacées rapidement.
Ferdinand Porsche, lui, n’a rien à voir avec la politique qu’est en train de mettre en place Hitler. Ingénieur brillant, il a été présenté au Führer par un certain Jacob Werlin, concessionnaire Mercedes à Munich. Le seul désir de Porsche, sans même savoir comment il sera payé pour son travail, est de relever le double défi technologique et financier qui vient de lui être lancé. Car, en 1933, aucune voiture au monde n’est vendue moins de 1 000 marks. Le prix moyen d’une automobile familiale est d’environ 3 000 marks… En quelques jours, le docteur Porsche trace l’esquisse d’une voiture pouvant correspondre à ce qui lui a été demandé. Le 17 janvier 1934, l’ingénieur achève la version théorique de sa proposition, intitulée « Exposé concernant la construction d’une voiture populaire allemande ». Hitler mettra deux mois à répondre. Il le fait, officiellement, à l’occasion du discours inaugural du Salon de l’auto de Berlin, le 3 mars 1934, où il évoque la difficulté de l’ouvrier allemand, même s’il travaille dur, à s’offrir une voiture qui lui permette de profiter de ses moments de loisirs. La démagogie hitlérienne est reprise par la presse allemande, qui croit en ce projet d’une Volkswagen, cette « voiture du peuple » qu’attend désormais toute une nation. Hitler, lui, butte toujours sur le prix de 1 500 marks proposé par Ferdinand Porsche : la Volkswagen doit être vendue moins de 1 000 marks. Tel est le désir du Führer, dont les collaborateurs renvoient à Porsche un contre-projet dans lequel lui est demandé de fabriquer, dans les dix mois, un prototype roulant de cette voiture qui ne devra pas dépasser 990 marks pour une première mise en construction de 50 000 exemplaires. Porsche élude la question du prix de vente et s’engage à réaliser trois prototypes contre une somme de 200 000 marks, sans savoir si cette voiture sera fabriquée un jour, puisque le contrat n’en fait pas état.
Ferdinand Porsche s’isole du monde et travaille. En 1936, il est envoyé aux Etats-Unis pour s’inspirer des chaînes de montage des usines Ford et GM (General Motors). C’est là qu’il trouve la réponse à sa question. En arpentant les chaînes, l’ingénieur allemand réalise comment il peut minimiser les coûts de production d’au moins 20 % et proposer au Führer une Volkswagen à moins de 1 000 marks.
En 1938, il obtiendra un contrat d’Adolf Hitler pour construire la voiture du peuple, la coccinelle. Il se voit donc commander successivement deux voitures aussi extrêmes et aussi décisives pour l’industrie allemande l’une que l’autre, ses deux chefs-d’œuvre, la Volkswagen et l’Auto-Union P-Wagen de Grand Prix à moteur V16. C’est sur ces deux réussites que s’achève la carrière automobile de Ferdinand Porsche. L’Auto-Union va dominer de façon insolente le sport international à la fin des années trente, et la Volkswagen, devenue Coccinelle, va devenir la voiture la plus produite au monde après la seconde guerre et, accessoirement, va servir de base à la Porsche 356. Pendant la deuxième guerre, l’usine de Wolfsburg, construite en 1938 pour y fabriquer la Volkswagen est réquisitionnée pour les besoins militaires et fabriquera notamment des poêles pour le front de l’est. Ferdinand Porsche, lui aussi réquisitionné, crée le tank Tiger, le canon automobile Ferdinand et l’énorme Maus, véritable forteresse mobile exigée par Hitler qui s’enlisa sous son propre poids. Après le bombardement de Stuttgart, il se replie au sud de l’Autriche, à Gmünd. Il sera capturé par les alliés. Il n’avait semble-t-il, jamais eu de conscience politique et il s’avéra qu’il ne s’intéressait à rien d’autre qu’à la technique. Plus tard, il est convoqué au quartier général français, de nouveau arrêté avec son fils Ferry et son beau-frère Anton PIËCH. Ferry est presque aussitôt relâché alors que Ferdinand et Anton PIËCH sont eux emprisonnés en France (à Dijon plus exactemen). Pendant son séjour forcé en France, Ferdinand PORSCHE fut consulté au sujet de la 4 CV Renault dont le projet était bien avancé: il n’apporta rien. Il sera libéré avec Anton PIËCH après versement d’une caution d’un million de francs que Ferry Porsche a réunie en vendant les plans d’une voiture de Grand Prix à moteur central à l’Italien Piero Dusio qui venait de créer la marque Cisitalia. Ferdinand Porsche de retour à Gmünd a pu croiser les premières Coccinelles qui commencent à sillonner les routes allemandes. Il ne participera pratiquement pas à l’élaboration de la voiture qui porte son nom et que son fils Ferry vient de créer avec ses anciens collaborateurs: la Porsche 356. Il s’éteint le 30 janvier 1951. Ferdinand Porsche fut et restera certainement l’une des figures les plus importantes de l’industrie automobile Allemande et internationale.