Julie Carrier lance un cri du cœur

SANTÉ. Résidente de Saint-Malachie depuis quatre ans, Julie Carrier dit en avoir assez de l’inaction de ses deux cardiologues et de son gastroentérologue qui, estime-t-elle, les laissent à elle-même depuis plusieurs mois en ne lui prodiguant pas des soins pour améliorer son état de santé qui ne cesse de péricliter depuis décembre 2023. À un point tel qu’elle entend prochainement réclamer l’aide médicale à mourir.

Native de l’Abitibi et mère de deux jeunes adultes, la dame de 47 ans est aux prises, depuis 2015, avec une maladie cardiaque congénitale, l’angine vasospastique. Cette maladie, qui est très peu connue du public, crée des séquences de crises d’angine de façon perpétuelle.

« Je souffrais de tachycardie depuis l’âge de 20 ans et c’est le 27 juillet 2018 que j’ai reçu le diagnostic d’angine vasospastique. On m’a alors appris que c’était une maladie génétique. J’avais des crises avant 2015, mais je mettais cela sur le compte de mon cœur qui battait trop vite, alors je me reposais et cela finissait par passer », précise-t-elle en mentionnant que certaines journées, elle peut avoir jusqu’à 80 crises contre 20 lors de ses « rares bonnes journées ».

Cette dernière prend actuellement près de 40 pilules par jour pour contrôler les douleurs intenses causées par sa maladie, en plus d’utiliser un neurostimulateur cardiaque connecté à même sa colonne vertébrale.

« Je suis tellement habituée que je vois mes crises arriver. Je prends alors la manette de mon neurostimulateur et j’augmente l’intensité pour stimuler ma poitrine. Cela m’a aidé à diminuer l’intensité et la fréquence de mes crises, les plus longues ayant passé d’une heure à 30 minutes. »

Après le cœur, l’estomac

Assistée de son époux Marc Bouchard, Mme Carrier affirme que la prise massive et régulière de médicaments, pour son problème cardiaque, a entraîné des problèmes collatéraux. En janvier 2024, un gastroentérologue de l’Hôtel-Dieu de Lévis lui a diagnostiqué une gastro-parésie, maladie qui a pour effet d’empêcher son estomac d’accomplir ses fonctions de digestion. Ce faisant, elle ne peut plus s’alimenter normalement, étant condamnée à une diète liquide (Ensure), seul aliment que son système peut accepter, mais pas toujours.

« J’ai perdu 50 livres depuis décembre 2023. Ma situation ne pourra que se détériorer, malheureusement, mon gastroentérologue m’ayant mentionné qu’il ne pouvait plus rien faire pour moi à ce niveau non plus », poursuit-elle en ajoutant qu’elle avait demandé à être gavée, ce qui lui a été refusé.

« Mon gastroentérologue m’a dit que le gavage était réservé uniquement à ceux dont l’œsophage est bloqué, brûlé ou ceux qui suivent des traitements de cancer. Il m’a aussi dit que le gavage donné aux patients qui le reçoivent, c’est la même chose que l’Ensure et que comme j’étais capable de l’avaler moi-même, j’étais capable de vivre sur cela », mentionne-t-elle avec tristesse.

Opération risquée posssible

Le problème cardiaque de Mme Carrier est rendu à un point tel que seule une opération pourrait, lui a-t-on dit, améliorer sa qualité de vie. À cet effet, elle mentionne qu’en août 2023, son cardiologue œuvrant maintenant au CHUM lui avait parlé d’une opération possible, avec une chance de réussite de 50 pour cent. Elle ajoute cependant que lors d’un autre rendez-vous en février 2024, ce même médecin aurait nié catégoriquement lui avoir proposé l’opération en question. Son deuxième cardiologue, œuvrant à Québec, lui aurait par ailleurs confirmé qu’une telle opération était possible, mais que pour y avoir droit, elle devrait faire une crise cardiaque.

« Comme mes troponines ne sont jamais élevées quand je vais à l’hôpital, je n’ai pas accès à l’opération, sauf si je fais une crise cardiaque. Le risque de mourir est là, que je fasse une crise de cœur ou que ce soit sur la table d’opération, mais ils sont en train de me tuer de toute façon », poursuit-elle en déplorant que cardiologues et gastroentérologue se relancent constamment la balle dans son dossier.

« Quand j’ai parlé à mon cardiologue au CHUM du diagnostic de gastro-parésie, en lui disant que c’était causé par la médication, il m’a répondu que ce n’était pas son problème, qu’il s’occupait de mon cœur, pas de mon estomac. Le gastroentérologue, pour sa part, me dit que c’est au cardiologue à ajuster ma médication. Enfin, mon médecin de famille me dit que c’est hors de sa compétence, qu’il ne peut rien faire, que c’est aux spécialistes à faire leur travail. Je ne sais plus vers qui me tourner. »

Des contrats à respecter

Spécialiste dans l’organisation de mariages depuis quelques années, Julie Carrier dit que malgré sa condition, elle réussit à honorer ses contrats, même si cela lui demande beaucoup d’énergie à chaque occasion. C’est sur l’adrénaline, avoue-t-elle, qu’elle fonctionne à ce moment-là.

« En temps normal, je n’ai pas d’énergie, je suis étourdie et fatiguée, car je n’ai rien dans le corps. Quand je m’occupe de mes mariages, je me force un peu l’estomac pour manger quelque chose, car je n’ai pas le choix de le faire. J’en paie cependant le prix du fait que je ne digère plus rien et que je vomis tout ce que je prends. Chaque fois, j’en ai pour un mois à me remettre », mentionne-t-elle en soulignant qu’elle avait eu un mariage récemment et qu’elle en aura deux d’ici la fin du mois d’août.

« Si elle n’avait pas cela, on ne serait pas là aujourd’hui à vous parler. C’est ce qui la tient debout et lui donne l’énergie pour continuer », soutient Marc Bouchard qui l’assiste dans la réalisation de ses contrats.

Aide médicale à mourir

Devant ce constat, Mme Carrier est d’avis que l’aide médicale à mourir est la seule option lui permettant de mettre fin à ses souffrances et à cet égard, elle entend déposer une demande en ce sens auprès de son médecin de famille lors de son prochain rendez-vous, sans savoir comment celui-ci réagira, convenait-elle lors de la rencontre avec le journal.

« Mon testament est fait, je suis en train de me départir de mes affaires et j’envoie plein de choses à mes enfants de 22 et 21 ans qui sont en Abitibi, près de la famille de leur père. Je souffre beaucoup avec mon problème cardiaque et mon estomac qui ne fonctionne plus en raison des médicaments que je prends depuis 2015. Je n’ai plus de qualité de vie. Il ne me reste que la mort pour ne plus souffrir », précise la dame en lançant un cri du cœur, elle qui souhaite continuer à vivre, malgré tout.

« Mes parents vont venir me visiter dans quelques jours et ils ont émis le souhait que je passe un dernier Noël avec eux, alors je vais essayer de m’y rendre dans le temps des Fêtes, même si ça sera difficile pour moi. »

Plaintes déposées

Julie Carrier et Marc Bouchard disent avoir tenté, mais en vain, de déposer auprès du Collège des médecins une plainte contre son cardiologue traitant du CHUM, ajoutant qu’on les avait encouragés à ne pas le faire du fait que Mme Carrier perdrait accès à tout service de sa part et ne pourrait plus jamais communiquer avec lui par la suite. Le couple s’est ensuite tourné vers le Commissaire aux plaintes et deux mois après le dépôt de celle-ci, ils disent n’avoir aucune nouvelle, hormis une confirmation par téléphone de la réception de celle-ci. Ils disent avoir tenté, mais en vain, d’informer les politiciens de la situation, ajoutant avoir perdu toute confiance envers ceux-ci également.

Deuil et frustration

Marc Bouchard souligne enfin qu’après le deuil causé par le décès de sa mère en septembre 2023, il doit maintenant accepter la décision de son épouse, tout en la supportant du mieux qu’il peut dans cette épreuve.

« Je trouve cela frustrant. Si elle part, ce sera un autre deuil et je vais être triste, mais surtout frustré en raison du système de santé qui semble ne pas vouloir la soigner. Je défends mon épouse, car je l’aime à la folie et je veux mettre toutes les chances de son côté. J’invite le ministre, s’il lui reste un peu d’humanisme, à intervenir et faire en sorte qu’elle reçoive les services médicaux auxquels elle a droit », mentionne-t-il en terminant.