Marie-Josephte Corrivaux, dite LA CORRIVEAU, a-t-elle été victime de son époque ?

En 1763, âgée de 30 ans et mère de trois enfants d’un premier mariage, Marie-Josephte Corrivaux de Saint-Vallier est reconnue coupable du meurtre de son deuxième mari, Louis-Étienne (Hélène) Dodier. Elle est pendue sur les Buttes-à-Nepveu des Plaines d’Abraham et sa dépouille suspendue dans une cage de fer à Lévis durant près d’un mois. Une histoire tragique certes, mais qui est à l’origine d’une des plus populaires légendes québécoises, La Corriveau.

Les 24 et 25 août prochains à Saint-Vallier se tiendra la 11e édition de l’événement Sur les traces de la Corrivaux, avec la reconstitution du procès de la célèbre et légendaire Marie-Josephte Corrivaux, dite, La Corriveau. Un spectacle théâtral qui a déjà accueilli des milliers e spectateurs. Si vous désirez connaître la véritable histoire de cette femme qui a marqué de nombreuses légendes, c’est un événement à ne pas manquer. Pour consulter la programmation : www.lacorrivaux.net.

Une légende qui a attisé mes peurs d’enfant

C’est vers l’âge de 7 ans que La Corriveau est entrée douloureusement dans ma vie. Un jour en revenant de l’école, des garçons me traitent de sorcière. De retour à la maison en larmes, ma mère me demande : « Pourquoi tu pleures Sylvie ? Je lui raconte qu’on m’avait traitée de sorcière. Je ne comprenais pas pourquoi ». C’est alors qu’elle se met à me raconter en histoire les légendes de La Corriveau, une femme effrayante qui avait tué ses sept maris, qui était une sorcière, une empoisonneuse et qui faisait la chasse-galerie entre Saint-Vallier et l’Île d’Orléans… Ainsi, mon nom, Corriveau, était marqué au fer rouge comme jadis la peau des sorcières. Mais je ne voulais pas finir brulée sur un bucher…

À la fois hantée par la peur et le désir d’en savoir plus sur cette femme : avait-elle vraiment existé, ou n’était-elle qu’une légende ? Un jour j’ai mis la main sur : Josephte Corriveau-Dodier, La Corriveau 1733-1763, Une énigme non résolue de L. P. Bonneau, ENFIN j’allais découvrir la véritable et terrible histoire de cette femme et dépasser les légendes que la tradition orale et les historiens avaient perpétuées sur elle pour en faire une légende. Désormais, je voulais réhabiliter La Corriveau, pas celle de la légende dont le nom se termine en eau, mais la véritable Corrivaux, sans E et avec un X.

Marie-Josephte Corrivaux a-t-elle été victime de son époque ? OUI ! 

Jugée par une cour martiale devant un président et douze juges, des officiers britanniques anglophones qui ne comprennent pas un mot de français, vingt-quatre témoins seront entendus en français ; aucun témoin n’était présent lors du meurtre. Le premier procès condamne à mort Joseph, son père, et Marie-Josephte à recevoir soixante coups de fouet et à être marquée au fer rouge. Suite à une rencontre avec le père Jésuite Augustin-Louis de Glapion avant son exécution, Joseph avoue en confession qu’il n’a pas tué Dodier. Au deuxième procès, Marie-Josephte s’accuse du meurtre de son mari et son père est gracié. Bien que la description qu’ait faite Marie-Josephte de la manière dont elle a tué son époux et l’examen du cadavre fait par Georges Fraser, chirurgien du 78e régiment, soient bien différents, l’avocat de la défense, Me Saillant, ne fera aucun plaidoyer pour souligner cette discordance. Verdict : le président ordonne que Marie-Josephte Corrivaux soit pendue et que son corps soit suspendu et enchainé, en conformité avec la loi anglaise, à l’endroit que le gouverneur Murray estimera le plus approprié. Une sentence effroyable pour ce cruel dénouement.  

Et pourtant… En 1990, soit 227 ans plus tard, Marie-Josephte Corrivaux est déclarée NON COUPABLE suite à la reconstitution de son procès par le Jeune Barreau de Montréal à partir des documents d’archives authentiques retrouvés dans les années 40 par Joseph-Eugène Corriveau. Suite à de nombreuses recherches, le Commandeur Corriveau retrouve à Londres les documents relatant la transcription des deux procès qui ont condamné la Valliéroise. 

Que s’est-il passé lors de la confession de Joseph Corrivaux avec le père Augustin-Louis de Glapion ?

Emprisonné à La Redoute Royale avant que la première sentence soit exécutée, Joseph Corrivaux reçoit le père Glapion pour une dernière confession. On ne se sait pas ce qu’a dit le père Glapion à Corrivaux, mais le père Jésuite connaît la loi militaire britannique, il sait que si le Joseph Corrivaux est pendu et que sa fille est fouettée et marquée au fer rouge, l’avenir de ses trois petits enfants est en danger. On peut donc présumer que le père Glapion puisse lui avoir dit : « Si c’est ta fille qui s’accuse du meurtre de son mari, elle va être pendue, mais tu pourras t’occuper de ses enfants. Ça serait bien mieux comme ça ». Le père Glapion sait également que sous la loi britannique, si une personne reconnaît être coupable et qu’elle est exécutée, ses biens sont vendus à l’encan et l’argent va à sa famille. Par contre, si elle ne reconnaît pas sa culpabilité ses biens sont vendus et l’argent est versé dans les coffres de l’état. Joseph Corrivaux accepte donc de laisser porter l’accusation sur sa fille pour sauver ses petits enfants de la misère. 

Mais qui a tué Louis-Étienne Dodier ?

Est-ce finalement le père de Marie-Josephte, qui lors du premier procès avait été reconnu coupable ? Est-ce l’homme engagé de Dodier, Louis Brousseau, qui mécontent de son salaire avait dit à Dodier qu’il paierait pour ça et que le diable l’emporterait ? Est-ce l’un des trois hommes, dont l’un aux habits couverts de sang que le Curé Parent de Beaumont a vu passer le jour du meurtre ? Ni l’avocat des Corrivaux, Jean-Antoine Saillant, ni le procureur de la couronne, Hector Théphilius Cramahé, ne feront témoigner Louis Brousseau et l’homme à l’habit couvert de sang. Étrange…

Bien que le Jeune Barreau de Montréal ait acquitté Marie-Josephte Corrivaux et que je crois sans nul doute que la légendaire Corriveau n’était pas coupable, l’énigme demeure toujours sur l’auteur du meurtre de Dodier. Louis Brousseau a-t-il mis ses menaces à exécution ? Est-il cet homme à l’habit couvert de sang que le Curé de Beaumont a vu au petit matin de la tragédie ? C’est une piste qui n’a jamais encore été explorée. Si vous êtes de la famille des Brousseau, qu’un de vos ancêtres se prénomme Louis et qu’il vivait dans Bellechasse, contactez-moi ! Qui sait, vous serez peut-être à l’origine du dénouement de ce meurtre mystérieux non résolu.

Texte : extrait de la revue Au fil des ans, août 2023, par Sylvie Corriveau. éditrice.