Modernisation de la consigne: un lancement chancelant dans la région
COMMERCE. Le lancement de la phase 2 de la modernisation et de l’élargissement de la consigne au Québec laisse un goût amer chez certaines personnes dans la région, l’organisme Consignaction n’étant visiblement pas prêt pour sa mise en œuvre, le 1er mars dernier.
Avec cet élargissement, tous les contenants de boisson prêt-à-boire en plastique, de 100 ml à 2 litres, sont désormais consignés au montant de 10 cents. L’initiative devait être accompagnée de l’ouverture d’environ 200 points de retour, sauf que moins de 50 Consignaction+ ont pu ouvrir à temps à l’échelle de la province.
L’un des objectifs de la réforme était d’inclure les contenants en plastique, en verre, en carton ou multicouches dès mars 2025, sauf que la démarche a pris énormément de retard. À l’origine, Consignaction prévoyait ouvrir 200 points de retour au 1er mars, mais cette intention a été revue à la baisse il y a quelques mois, forçant le gouvernement du Québec à reporter de deux ans la consigne des contenants de verre et de carton, puis à déclencher une enquête administrative.
Dans la région, seulement trois locaux de Consignation+ sont accessibles, soit un dans le secteur de Saint-Romuald à Lévis, un à Montmagny et un autre à Saint-Georges. Seulement deux endroits du genre sont en opération à Québec.
Président de L’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ), Yves Servais avoue que Consignaction ne semblait pas prêt à opérer le 1er mars dernier. « Avec seulement deux endroits à Québec et un seul à Lévis, c’est nettement insuffisant. Ils en prévoient un autre à Saint-Georges, un à Sainte-Marie, puis un autre à Saint-Lambert-de-Lauzon. C’est peu pour une aussi grande population. »
Annie Jolicoeur, porte-parole de l’Association québécoise de récupération des contenants de boisson, créée dans le cadre de la modernisation de la consigne, avoue que certains objectifs n’ont pas été atteints, mais estime que l’éventail de possibilités devrait répondre au besoin. Elle ajoute que les gens devront toutefois modifier certaines de leurs habitudes.
« L’objectif dans le règlement était qu’il y ait 1 200 points de retour au 1er mars 2025, il y en a plus de 3 500. On espérait ouvrir 200 établissements Consignaction, mais c’est plus long », indique-t-elle. « Les grandes surfaces ont l’obligation de reprendre les contenants de boisson. Les plus petites surfaces peuvent le faire de façon volontaire. Certains détaillants n’ont toutefois pas encore répondu et certains sont peut-être en train d’évaluer la pertinence de le faire. »
Bonification constante
Yves Servais indique que de petites ou grandes surfaces en région auront la possibilité de devenir des centres de retour permanents. « Un propriétaire de petit dépanneur ou d’une petite épicerie ne pourra recevoir les contenants et aller les porter lui-même dans un centre de dépôt. La possibilité d’une petite surface en région de devenir un centre de dépôt de Consignaction existe, sauf que nous ne connaissons pas encore les critères de ce qu’est un commerce en région. »
Il fait valoir que plusieurs établissements ne pourront composer avec l’arrivée de nouveaux contenants consignés, ayant déjà des difficultés à l’heure actuelle en raison de contraintes d’espace. « En région, ça risque d’être problématique pour le consommateur et pour certains commerçants, mais quelques-uns semblent prêts à agir à titre de lieu de retour. Plusieurs sont intéressés et ont continué à récupérer, mais au fur et à mesure qu’un centre de dépôt va ouvrir, plusieurs devront cesser de le faire pour permettre de rentabiliser le centre de dépôt qui doit ouvrir. Leurs clients seront dirigés vers le centre de Consignaction. »
Annie Jolicoeur indique que l’objectif à moyen terme est de rediriger les gens vers des points de dépôt, de différents types, situés à proximité de leur lieu de résidence, que les gens récupèrent davantage et passent moins de temps devant une machine.
« Ce que l’Association essaie de faire, c’est de proposer à 90 % des Québécois un lieu de retour à moins de 15 minutes de déplacement. Il y a des critères à respecter au niveau de la densité de la population et du rayon règlementaire, alors à certains endroits, des démarches seront faites pour atteindre cet objectif, particulièrement en milieu rural où seront pris en compte les déplacements habituels de magasinage des gens. »
Des réalités différentes
À première vue, les commerces de la région composent avec différentes réalités. Le Marché Tradition de Saint-Raphaël sera l’un des commerces du territoire qui proposera une récupératrice automatisée qui sera située à l’extérieur du commerce. Celle-ci acceptera les bouteilles de plastique de différents formats et plus.
« Notre soumission a été acceptée, mais on pense qui ça ira à la fin-mars ou en avril. Il doit y avoir un toit de construit avant pour l’abriter, toutefois. Elle pourra recevoir autant les canettes que les cartons de lait et la plupart des bouteilles de plastique », explique France Lepage, employée du commerce.
Entre-temps, le personnel a disposé plusieurs boites, bien identifiées, pour recevoir les différents contenants. « Les petites bouteilles d’eau vides commencent à entrer et nous avons une boite pour ça, mais les gens sont surpris lorsqu’on charge la consigne de voir ce que ça représente comme coût. »
Au dépanneur Petro-Canada de Sainte-Claire, l’établissement accepte plusieurs contenants consignés jusqu’à nouvel ordre, ayant des espaces suffisants pour accommoder ses clients. Dans un contexte idéal, les clients sont invités à faire leur part. « Nous sommes limités toutefois dans ce que l’on accepte. Si les gens peuvent trier les sacs d’avance, ce sera plus simple. Le plastique de tel format dans un sac, un autre format dans un autre, les canettes dans un autre sac, etc. »
Daniel Fournier, du Marché L. Fournier de Sainte-Hénédine, indique que le temps nécessaire à la manipulation des retours n’était pas un enjeu puisque le commerce n’acceptait que les sacs déjà pleins. C’est davantage en raison d’un manque d’espace qu’il ne reçoit plus les contenants consignés.
« La machine aurait nécessité trois cases de stationnement, nous en avons six ici, alors c’était impensable. Nous n’avons pas suffisamment d’espace pour tout prendre également. Actuellement, nous sommes pleins et nous n’avons que les canettes vides. Il est sûr que plusieurs sont venus avant l’échéance, ce qui a augmenté la quantité. »
Il est de ceux qui craignent une baisse de clientèle, puisque les gens devront se rendre ailleurs pour rapporter leurs contenants vides. « Les gens qui rapportaient leurs canettes achetaient autre chose. Il y aura éventuellement une succursale Consignaction+ à Sainte-Marie, alors certains vont s’y rendre et assurément faire des emplettes en même temps. L’idéal aurait été que tout aille au recyclage ou d’avoir un bac uniquement pour les consignes », a-t-il suggéré.
À Saint-Malachie, Julie Côté du Dépanneur MJ indique avoir rempli la documentation nécessaire pour devenir un point de retour, sauf que son commerce ne faisait pas partie des priorités en raison de sa superficie. « Ils veulent centraliser, alors c’est normal qu’ils aient mis une norme. On a lu entre les lignes que nous n’étions pas visés dans cette démarche. »
Si elle avait été prête à servir de point de chute, elle voit tout de même quelques avantages à ne plus proposer le service. « J’aurais continué à l’offrir, mais c’est peut-être un mal pour un bien. Si on avait continué, il aurait fallu tout prendre ce qui est consigné. En dernier, nous n’acceptions généralement que les sacs pleins et avions installé un cabanon spécialement pour les consignes. On peut toutefois reprendre les bouteilles de bière, puisque ce sont les brasseurs qui les récupèrent », précise-t-elle en terminant.