René O’Farrell toujours actif à 89 ans

SAINTE-CLAIRE. À l’aube de ses 90 ans, René O’Farrell de Sainte-Claire demeure actif. Son passe-temps, travailler dans le commerce qu’il a fondé en 1958, qui porte toujours son nom et qu’il a depuis cédé à ses enfants.

M. O’Farrell l’avoue bien candidement, la mécanique est sa passion. « Je n’ai jamais connu autre chose. Je n’ai pas vraiment fait de sport non plus, alors mon passe-temps, c’était mon travail. On a fait quelques voyages en Floride pendant des vacances, mais rester assis sur une chaise, au soleil, ce n’était pas tellement pour moi. »

Son métier, il l’a appris sur le tas, à une époque où la débrouillardise devait être de mise, l’outillage étant à peu près inexistant. « Je taponnais sur de vieux tracteurs quand j’étais jeune, puis mes scies mécaniques quand j’ai commencé à aller dans le bois. À l’époque, il n’y avait pas d’outillage, tandis qu’aujourd’hui, tout est à l’air ou presque. La mécanique m’a toujours intéressé. Encore aujourd’hui, quand quelque chose de nouveau arrive, je suis curieux. »

Il fait d’ailleurs le même quart de travail que les autres. « Avant l’âge de 65 ans, je ne connaissais pas ça la fatigue. Aujourd’hui, lorsque c’est plus tranquille ou que je ressens une certaine fatigue, je peux m’occuper à autre chose. L’érablière, le chalet, j’ai toujours quelque chose à faire, mais je peux le faire à mon rythme. Arrêter, c’est pour les jeunes ça », dit-il avec conviction.

Il se dit toujours en mesure de réaliser les tâches qu’il souhaite accomplir, lui qui affiche une belle santé physique, malgré son âge. « Je n’ai plus la force que j’avais avant pour lever des choses, mais je m’organise. J’ai eu des problèmes d’estomac il y a quelques années, mais c’est passé. Je ne prends aucune pilule, rien. Même si le médecin m’en propose, au cas, je refuse de partir avec une prescription. »

Des débuts modestes

Marié en 1957, M. O’Farrell vit toujours dans sa maison en compagnie de son épouse Lilia, avec qui il a démarré son entreprise à partir de zéro, l’année suivante. Employé dans un garage à Sherbrooke, c’est ce qui l’a inspiré pour le type de commerce qu’il souhaitait démarrer. Une simple crevaison l’a amené à s’arrêter à Sainte-Claire.

« Quand on s’est marié, nous avions 800 $ à deux et souhaitions nous partir un commerce. Nous étions venus faire un tour dans le coin et après une randonnée à Québec, j’ai dû m’arrêter pour faire réparer une crevaison. Le propriétaire du garage à l’époque m’a finalement offert celui-ci », se souvient-il.

S’il n’a pas accepté sur le coup, la nuit a porté conseil, puisqu’il est retourné au garage le lendemain. « Je suis revenu le rencontrer et c’est finalement le commerce qu’on a acheté grâce au financement proposé par la pétrolière. Nous avons travaillé dur, de 7 h le matin à minuit le soir. Nous avons fait des erreurs, mais avons appris. »

M. O’Farrell raconte une anecdote savoureuse sur ses premiers jours comme propriétaire. « Le premier dimanche que nous avons opéré, j’ai remarqué que toutes les voitures qui venaient se stationnaient à reculon. On s’est rendu compte que le propriétaire précédent vendait de la bière aussi et les gens ne voulaient pas se faire prendre », explique-t-il en riant.

René O’Farrell souhaite demeurer actif, on le constate. S’il n’est pas au commerce pour s’occuper, c’est à l’érablière familiale au printemps. « Nous avions une entreprise de camionnage, alors il fallait que les véhicules soient prêts le matin, c’est donc le soir qu’on les préparait. J’ai eu des terres à Saint-Malachie et je travaillais dessus les fins de semaine, l’érablière est à mon garçon maintenant, mais je vais faire un tour souvent », résume-t-il.

Avec un vécu comme le sien, M. O’Farrell est une ressource incontournable dans le commerce qu’il a cédé à ses enfants. Son expérience l’amène à pouvoir conseiller les employés actuels. « Je travaille surtout sur de vieux modèles. Je vais aider aux autres, mais l’automobile a changé. Je vais surtout me consacrer aux transmissions, aux différentiels des voitures, mais pas les nouveaux. »

Réussite, mais sacrifices

Lorsqu’on l’interpelle sur ses souvenirs, M. O’Farrell revient rapidement sur un moment, dans les années 60, où il avoue avoir eu la peur de sa vie. Il avait alors subi des blessures très importantes au visage, à la suite d’une explosion. « J’étais sous un autobus scolaire et le feu avait pris dans le pit (fosse). Il y a eu alors une perte d’essence et le démarrage d’une pompe avait provoqué une étincelle. Un voisin est heureusement venu avec des extincteurs. »

Dans sa carrière, M. O’Farrell a également opéré un service de remorquage et a eu à intervenir sur des accidents mortels. « C’est arrivé plusieurs fois. Une fois aux Abénakis, j’ai dû sortir deux personnes de la voiture. À Saint-Anselme, une personne est morte pendant qu’elle me parlait. J’ai déjà dégagé un homme qui avait le cou bloqué par son volant. Nous n’étions pas organisés comme c’est le cas aujourd’hui. »

M. et Mme O’Farrell ont travaillé dur et fait beaucoup de sacrifices pour faire grandir leur commerce, en plus d’élever leur famille de sept enfants. Le couple devait se compléter pour parvenir à ses fins, raconte Mme O’Farrell. « J’avais des enfants tous les ans. Le plus vieux et le 5e ont 5 ans et demi de différence. J’étais pas mal occupé à les élever. Comme René ne venait pas tous les midis, souvent je lui amenais son dîner et je demeurais au garage pour servir l’essence, le temps qu’il mange. »

Son mari étant toujours occupé dans le garage, c’est Mme O’Farrell qui se chargeait de l’administration. « Lui, jamais qu’il ne touchait à ses affaires, même pas aller à la caisse. Nous avions engagé une personne à un moment donné, quand j’ai eu mon 5e enfant, mais les chiffres et les affaires, j’avais de la facilité à comprendre ça, même si je n’avais pas étudié là-dedans. »

Et si c’était à refaire ? Loin de minimiser le succès de l’entreprise, Mme O’Farrell avoue que la tâche a été ardue toutes ces années. « On a travaillé un peu trop et on ne s’est pas assez occupé de notre couple. On ne prenait pas le temps de vivre. Heureusement dans le temps, il y avait beaucoup de mariages, alors ça nous permettait de sortir un peu », résume-t-elle.

« Retomber jeunes, on aurait bien des idées. On n’a fait que travailler et être enfermés dans la maison ou au commerce. La vie est moins folle aujourd’hui. Les gens heureusement prennent le temps. Les jeunes ont des activités et prennent le temps de vivre avec leurs enfants. »