Rivière Etchemin à Saint-Henri: quand la nature reprend ses droits

ENVIRONNEMENT. Des producteurs agricoles du chemin Boisclair, à Saint-Henri, s’interrogent depuis que le comportement de la rivière Etchemin semble vouloir changer dans le secteur, surtout lors des fontes de neige printanières et la montée des eaux qui s’ensuit.

ENVIRONNEMENT. Selon l’un des producteurs touchés, la rivière semble vouloir retrouver son lit d’origine. Or, le lit actuel du cours d’eau se trouve davantage vers le nord, longeant ainsi la route du Président-Kennedy et le secteur industriel de la localité. L’eau emprunte désormais un autre tracé davantage vers le sud.

Wilfrid Fortier raconte que les glaces ont bloqué la rivière pendant plusieurs jours en mars dernier, au plus fort de la fonte des neiges. « Ça a bloqué les glaces pendant 11 jours et tout passait ici. Il arrivait que l’eau montait légèrement et on le remarquait en raison des saletés qui s’y déposaient, mais jamais autant que cette année. »

Les bordures du parcours actuel de la rivière ont fait l’objet d’une plantation d’arbres, par le gouvernement, il y plusieurs années, pour empêcher l’érosion et protéger la rivière. Si le phénomène devait se poursuivre, les arbres ne pourront plus être le point de repère des résidents.

M. Fortier craint donc que le cours d’eau ne veuille tout simplement retrouver son tracé d’origine, qui n’est pas celui qu’il parcourt actuellement. « Il y a 100 ans, c’était l’endroit où elle passait. Ça s’est bouché par la nature et on l’a aidé un peu en corrigeant certaines choses. Je ne l’ai pas vu moi-même et j’ai 75 ans, mais mon père l’a vu et me l’a raconté quand j’étais plus jeune. Un inspecteur du ministère de l’Environnement est venu et l’a lui-même constaté, c’est un lit de rivière. »

Il anticipe que la rivière s’élargisse au cours des prochaines années. « On ne peut rien faire contre la nature. La rivière va finir par reprendre sa place d’origine. Elle a de l’emprise maintenant, alors c’est inévitable. Lorsque le coup d’eau va arriver l’an prochain, elle va même élargir. »

Wilfrid Fortier convient que le phénomène risque de provoquer une dévaluation de sa propriété, en raison de l’empiètement fait par la rivière au printemps, mais ce n’est pas sa préoccupation première. « C’est un beau morceau de terre, c’est de la terre à jardin. Moi, ma carrière de producteur à la ferme achève, mais ce n’est pas le cas de tous mes voisins. »

Faire ou ne pas faire

Les lois en matière environnementale devenant de plus en plus contraignantes, les résidents du secteur souhaitent tout simplement connaitre la légitimité de certains gestes qu’ils souhaiteraient poser, explique-t-il. « Je ne suis pas là pour réclamer autre chose que de savoir comment on doit agir. On veut surtout savoir ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. Est-ce qu’on pourra cultiver ? Traverser ? Est-ce qu’on pourrait mettre de la pierre à certains endroits ? On veut simplement l’heure juste et savoir ce que l’on peut faire et quoi ne pas faire. »

À la direction régionale du ministère de l’Environnement, on confirme avoir observé l’inondation d’une partie des terres concernées et rencontré les producteurs dans un contexte d’accompagnement réglementaire pour connaître les possibilités d’accéder aux terres, tout en réalisant des travaux mineurs de remblayage pour uniformiser et sécuriser les activités culturales.

« À la fonte printanière, un ravinement important s’est formé sur une partie des terres se trouvant en zone inondable. Dans le cas présent, il serait possible d’aménager une traverse à gué à même l’espace raviné. Ces travaux sont exemptés de l’obtention d’une autorisation ministérielle », indique Frédéric Fournier, porte-parole de la direction régionale.

Il ajoute que les travaux mineurs de remblayage sont toutefois interdits, sans autorisation ministérielle, en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). « L’obtention de l’autorisation n’est pas assurée et nécessite des justifications appropriées. La réalisation des travaux de remblayage pourrait également nécessiter une compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques. De telles situations sont complexes et doivent faire l’objet d’une évaluation au cas par cas », rappelle-t-il en terminant.