Barrage détruit en Ukraine: l’eau continue à monter

KYIV, Ukraine — Les eaux de crue d’un barrage effondré continuaient à monter dans le sud de l’Ukraine mercredi, forçant des centaines de personnes à fuir leurs maisons dans le cadre d’une opération d’urgence majeure qui a donné une nouvelle dimension dramatique à la guerre avec la Russie, qui en est à son seizième mois d’existence.

Au cours de cette opération d’urgence, des tirs d’artillerie ont retenti alors que les gens se précipitaient pour quitter la zone dangereuse, grimpant sur des camions militaires ou des radeaux.

Un jour après l’effondrement du barrage, on ne sait toujours pas ce qui l’a provoqué. L’Ukraine a accusé la Russie d’avoir fait exploser le mur du barrage, tandis que la Russie a accusé les tirs d’artillerie ukrainiens d’être à l’origine de la rupture. Certains experts ont estimé que l’effondrement pouvait être un accident causé par les dommages de la guerre et par la négligence, tandis que d’autres ont dit que cela était peu probable et que la Russie aurait pu avoir des raisons militaires tactiques de détruire le barrage.

L’ampleur de l’inondation devrait diminuer au fil de la journée, ont indiqué les autorités mercredi, mais le niveau de l’eau devrait augmenter d’un mètre supplémentaire au cours des 20 prochaines heures et engloutir davantage de zones en aval, le long des rives du Dniepr.

Le barrage hydroélectrique et le réservoir de Kakhovka, l’un des plus grands au monde, est essentiel pour l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation d’une vaste zone du sud de l’Ukraine. Ils se trouvent dans une partie de la région de Kherson occupée par les forces du Kremlin depuis l’année dernière. Le fleuve Dniepr y sépare les deux parties en conflit.

Mercredi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé Moscou de «destruction délibérée» du barrage.

«Des centaines de milliers de personnes ont été privées d’un accès normal à l’eau potable», a-t-il dénoncé dans un message sur Telegram.

Certains habitants ont passé la nuit sur les toits. D’autres, cherchant à fuir la montée des eaux, ont été évacués par autocar et par train avec les biens qu’ils pouvaient transporter.

«L’intensité des inondations diminue légèrement, a révélé Oleksandr Prokudin, le chef de l’administration militaire régionale de Kherson, dans une vidéo. Cependant, en raison de la destruction importante du barrage, l’eau va continuer à arriver.»

Il a précisé que plus de 1800 maisons avaient été inondées le long du Dniepr et que près de 1500 personnes avaient été évacuées.

Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent des scènes où l’on voit des secouristes transporter des personnes en sécurité et ce qui ressemble au toit triangulaire d’un bâtiment entier qui a été déraciné et qui dérive vers l’aval. Des images aériennes montrent les eaux remplissant les rues de la ville de Nova Kakhovska, sous contrôle russe, sur la rive orientale du fleuve.

Le maire de Nova Kakhovska nommé par la Russie, Vladimir Leontyev, a déclaré que sept personnes étaient portées disparues, mais que les premiers signes indiquaient qu’elles pourraient être en vie. Les autorités des parties de la région de Kherson contrôlées par la Russie ont annoncé que 900 habitants de Nova Kalhovka ont été évacués, dont 17 ont été sauvés du haut de bâtiments inondés.

En ce qui concerne les responsabilités, l’Institut pour l’étude de la guerre, un groupe de réflexion basé à Washington, a rappelé son évaluation antérieure selon laquelle «les Russes ont un intérêt plus grand et plus clair à inonder le cours inférieur du Dniepr malgré les dommages causés à leurs propres positions défensives préparées».

Alors que les spéculations vont bon train sur le fait que l’Ukraine pourrait avoir secrètement commencé sa contre-offensive prévue de longue date, l’Institut a déclaré que les forces russes pourraient supposer que la rupture du barrage pourrait couvrir une éventuelle retraite et retarder la poussée de l’Ukraine.

Les experts ont noté que le barrage, situé à environ 70 kilomètres à l’est de la ville de Kherson, était considéré comme en mauvais état et vulnérable à l’effondrement, car l’eau débordait déjà lorsque le mur a cédé. Il ne produisait plus d’électricité depuis le mois de novembre, selon les autorités.

Le ministère britannique de la Défense, qui publie régulièrement des mises à jour sur la guerre, a dit que le réservoir de Kakhovka avait atteint un niveau d’eau «record» avant la rupture. Bien que le barrage n’ait pas été entièrement emporté, le ministère a averti que sa structure «risque de se détériorer davantage au cours des prochains jours, ce qui entraînera de nouvelles inondations».

Le barrage contribue à l’irrigation et à l’approvisionnement en eau potable d’une grande partie du sud de l’Ukraine, y compris la péninsule de Crimée, qui a été illégalement annexée par la Russie en 2014.

Soulignant les répercussions mondiales de la guerre, les prix du blé ont bondi de 3 % après l’effondrement. L’Ukraine et la Russie sont des fournisseurs clés de blé, d’orge, d’huile de tournesol et d’autres denrées alimentaires pour l’Afrique, le Moyen-Orient et certaines parties de l’Asie.

Des représentants de la Russie et de l’Ukraine, ainsi que des Nations unies, ont prévenu qu’il faudrait des jours pour évaluer les dégâts.