Des intervenants de la DPJ et des centres jeunesses lancent un cri du coeur

MONTRÉAL — Un an et demi après le dépôt du rapport de la Commission Laurent, les intervenants des centres jeunesse et de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) sont encore confrontés à une charge de travail «écrasante», dénonce leur syndicat, qui demande au gouvernement Legault des solutions concrètes. 

Des listes d’attente qui s’allongent depuis le début de la pandémie, des délais interminables et des conditions «excessivement difficiles» dans les milieux de travail, décrie l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS). Les améliorations de la part de Québec se font toujours attendre, bien que des efforts aient été consentis. 

«Ce n’est pas normal qu’encore en 2022, nos intervenants rentrent chez eux le soir en se demandant quel enfant ils vont prioriser dans leur charge de travail le lendemain. Tous nos enfants méritent d’avoir une réponse à leurs besoins», a déploré le représentant national de l’APTS dans Lanaudière, Steve Garceau, en point de presse. 

L’APTS a réalisé un sondage auquel ont répondu plus de 400 personnes oeuvrant en centre jeunesse au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Le syndicat rapporte que 78 % des répondants sont incapables de prendre les pauses auxquelles ils ont droit, et que 61 % doivent travailler sur leur temps personnel pour répondre aux besoins des jeunes sous leur protection. Également, il révèle que la moitié disent mal dormir, pleurer et même avoir mal au cœur avant de venir travailler.

Pour se faire entendre auprès des décideurs, plusieurs membres de l’APTS à Montréal ont mené, comme ailleurs au Québec, une action symbolique, jeudi matin. Ils ont déposé un immense toutou personnifiant le poids sur les épaules des travailleurs au Centre de réadaptation pour les jeunes en difficulté d’adaptation Dominique-Savio. 

Les intervenants réclament l’application de recommandations édictées dans le rapport de la Commission spéciale sur les droits de l’enfant menée par l’ex-syndicaliste Régine Laurent. À commencer par la mise en place d’indicateurs afin d’avoir une charge de travail répartie sur 35 heures par semaine et qu’elle soit centrée sur les besoins des jeunes. 

Le fardeau des professionnels ne doit pas être considéré en fonction d’un nombre de dossiers, mais d’un ensemble de facteurs, dont la complexité des cas et de la vulnérabilité de l’enfant, soutient le président de l’APTS, Robert Comeau.

«C’est aussi en regard de l’organisation du travail en tant que tel; le temps de déplacement. Est-ce que le dossier est judiciarisé ou non? Est-ce que la famille qu’on suit est nucléaire, c’est-à-dire le père, la mère et les enfants (au même) domicile? Ou on a deux enfants qui sont hébergés dans deux familles d’accueil différentes, les parents qui habitent d’un bout à l’autre du territoire? Ce n’est pas la même réalité», a-t-il expliqué aux journalistes. 

La charge de travail doit être établie selon le jugement clinique de l’intervenant qui déterminera avec son gestionnaire du temps dont il aura besoin, a ajouté M. Comeau. 

L’APTS souhaite également une bonification des services en prévention et en première ligne afin de décoder en amont les besoins des familles aux prises avec certaines problématiques. «Ce n’est pas normal que la protection de la jeunesse soit la porte d’entrée des services à l’enfance», a affirmé Steve Garceau. 

Tout en reconnaissant le travail qui reste à faire pour le recrutement et le rehaussement des services de première ligne, le cabinet du ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, assure avoir pris certaines actions. 

«On a réussi à donner des primes spécifiques lors de la dernière négociation. Entre février 2020 et octobre 2022, on a réussi à ajouter plus de 1500 travailleurs à la DPJ», soutient-il dans une déclaration transmise à La Presse Canadienne. 

Le privé, pas une solution 

Touché par une pénurie de main-d’œuvre, le réseau des centres jeunesse à Montréal a de plus recours aux agences privées de placement de personnel, comme dans d’autres régions. 

Mais pour Caroline Letarte-Simoneau, représentante nationale de l’APTS pour le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, le privé est loin d’être la solution pour alléger la tâche des intervenants. 

«Ça ne règle pas le problème. Ce sont des ressources qui vont et qui viennent. Donc, on a des enjeux de stabilité. On a des enjeux de travail au quotidien au sein des équipes parce que les ressources ne connaissent pas nécessairement toute la subtilité de l’intervention et des dynamiques dans les unités», a exposé Mme Letarte-Simoneau, qui en appelle d’abord à des investissements dans les services publics. 

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.