Deux policiers du SPVM ont présenté «une déclaration qu’il savait fausse ou inexacte»

MONTRÉAL — Le Comité de déontologie policière du Québec conclut que deux policiers montréalais ont présenté «une déclaration qu’ils savaient fausse ou inexacte» aux enquêteurs du BEI à la suite du décès en détention d’un homme de 23 ans, en 2017.

Le juge administratif Benoit Mc Mahon estime que les agents Mathieu Paré et Dominic Gagné savaient que les informations qu’ils avaient inscrites sur un formulaire d’admission concernant l’état de santé du prévenu étaient inexactes et qu’ils avaient fait de fausses déclarations au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), responsable du dossier à la suite du décès en détention de David Tshiteya Kalubi.

En répondant aux questions des enquêteurs du BEI, les deux policiers ont «tenté d’expliquer l’inexplicable, mais ont négligé de considérer qu’ils étaient filmés lors de la procédure d’écrou, avec le résultat que l’on connaît», écrit le juge Mc Mahon, dans une décision publiée la semaine dernière.

Le juge estime aussi que les deux agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM)ont été «négligents ou insouciants à l’égard de la santé ou de la sécurité» du prévenu, en inscrivant sur un formulaire d’admission qu’il ne souffrait d’aucune condition médicale ni ne prenait de médicaments.

David Tshiteya Kalubi est mort le 8 novembre 2017 dans une cellule de détention à la Cour municipale de Montréal. Il attendait de comparaître devant le tribunal après avoir été arrêté la nuit précédente en vertu de deux mandats.

Quelques heures plus tôt, lors des procédures d’admission dans un poste de police, après l’arrestation, l’agent Gagné, qui a depuis été promu sergent-détective, a demandé à M. Kalubi s’il souffrait de conditions médicales. Le prévenu a répondu au policier qu’il souffrait d’anémie et qu’il prenait des médicaments pour cette maladie. Cette conversation a été enregistrée par une caméra de surveillance.

Pourtant, l’agent Paré a écrit sur le formulaire d’admission, qui a ensuite été envoyé aux responsables de la détention au palais de justice, que M. Kalubi n’avait pas de problème de santé et ne prenait aucun médicament.

Dans sa déclaration écrite soumise au BEI, l’agent Paré n’a pas mentionné qu’il avait demandé à M. Kalubi s’il avait des problèmes de santé ou s’il prenait des médicaments.

Lors d’un entretien ultérieur, un enquêteur a demandé au policier Paré s’il avait pu écrire que M. Kalubi n’avait aucune condition médicale par réflexe ou par habitude. L’agent Paré a insisté sur le fait que s’il avait écrit «non», c’était ce que M. Kalubi lui avait dit. Lorsque les enquêteurs du BEI lui font visionner la vidéo, qui contredisait son récit, l’agent Paré met fin à l’entrevue.

Dans sa déclaration écrite, l’agent Gagné soutient que M. Kalubi lui avait dit qu’il n’avait aucune condition médicale.

«La différence entre ce qui s’est réellement dit à la procédure d’écrou et ce qu’il rapporte au BEI est frappante, estime le juge. Invité à expliquer ces contradictions majeures, le policier se lance dans une gymnastique justificative décousue et invraisemblable. Son témoignage n’est pas crédible.»

Le juge Mc Mahon écrit que l’agent Gagné a avancé l’hypothèse, sans preuve, qu’il avait peut-être été distrait par la radio de la police dans son oreillette lorsque M. Kalubi répondait à ses questions sur les médicaments. Le policier suggère aussi que lorsqu’il a entendu M. Kalubi dire qu’il prenait de l’acide folique pour son anémie, en plus des médicaments sur ordonnance, il n’a pas considéré qu’il s’agissait là d’un plan de traitement — plusieurs femmes enceintes prennent de l’acide folique et elles ne sont pas malades, a-t-il dit.

«Ces explications, cousues de fil blanc, sont incroyables, écrit le juge. Le Comité les rejette.»

Le juge Mc Mahon conclut que les deux policiers ont violé deux articles du code de déontologie policière en faisant de fausses déclarations ainsi qu’«en faisant preuve de négligence ou d’insouciance à l’égard de la santé ou de la sécurité» de M. Kalubi.

En 2019, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avait décidé, après avoir analysé le rapport du BEI, que les gestes des deux policiers ne constituaient pas un cas de négligence criminelle. Le DPCP concluait que la maladie cardiaque qui avait tué M. Kalubi, selon l’autopsie, n’était pas liée à son incapacité à accéder à ses médicaments contre l’anémie.

Les sanctions à l’encontre des deux policiers du SPVM seront décidées ultérieurement par le Comité de déontologie policière du Québec.

L’avocat qui a représenté les deux policiers devant le Comité de déontologie n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires mardi.