Éric Duhaime courtise les anglophones et présente sa candidate dans D’Arcy-McGee

MONTRÉAL — Le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), Éric Duhaime, était de passage dans un quartier cossu d’Hampstead jeudi, pour présenter sa nouvelle candidate, une ancienne militante libérale qui croit que le PCQ est le mieux placé pour défendre les intérêts de la communauté anglophone.

Bonnie Feigenbaum est une fervente opposante à la loi 96, pour qui le financement de l’agrandissement du Collège Dawson est une priorité.

Elle sera la candidate dans la circonscription de D’Arcy-McGee en vue des élections du 3 octobre.

Ce fief libéral, majoritairement anglophone, comprend une partie d’Outremont, Westmount, Côte-Saint-Luc et Hampstead, une ville enclavée dans la ville de Montréal.

La femme de 53 ans, qui enseigne le marketing à l’Université McGill et à l’Université Concordia a été conseillère municipale de 2005 à 2015 et était, jusqu’à tout récemment, membre de l’Association libérale de D’Arcy McGee.

«La première chose que nous devons faire, c’est de faire tout en notre pouvoir pour abroger la loi 96», a déclaré en point de presse celle qui a quitté ses fonctions dans l’association libérale de D’Arcy-McGee en raison, entre autres, de la «terrible performance de la cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ) Dominique Anglade» pour défendre la communauté anglophone dans le dossier de la loi 96.

Cette loi prévoit notamment la francisation de toutes les entreprises comptant au moins 25 employés.

«Le soutien initial des libéraux de Dominique Anglade pour le projet de loi 96 fut pour moi la goutte qui a fait déborder le vase», a indiqué Bonnie Feigenbaum.

Son chef, Éric Duhaime, s’oppose à la loi 96, mais questionné à savoir s’il ferait de l’abrogation de cette loi, une priorité, comme l’a mentionné sa candidate, il a offert une réponse nuancée.

«Quand j’ai lu le projet 96 et j’ai lu qu’il y avait 38 articles de la charte des droits et libertés qui étaient soustraits du projet de loi, pour moi, la lecture du projet de loi s’arrêtait là», a indiqué le chef du PCQ.

Jack Jedwab, directeur général de l’Association d’études canadiennes, a indiqué à La Presse Canadienne qu’une partie de la communauté anglophone est en colère contre le Parti libéral, «parce qu’ils considèrent qu’il ne s’est pas suffisamment battu contre le projet de loi 96», mais il doute que cet enjeu soit vraiment important pour le PCQ. 

«Est-ce que Bonnie Feigenbaum a choisi une route qui va faire avancer ses objectifs concernant la loi 96? Je suis loin d’être sûr de ça parce que monsieur Duhaime a un agenda plus large et ce n’est pas une priorité pour monsieur Duhaime, ce n’est pas la raison d’être de monsieur Duhaime, c’est un parti qui porte plutôt sur la pandémie et les mesures sanitaires qui étaient contre les droits et libertés de la personne selon lui».

Il a ajouté que «monsieur Duhaime donne l’impression qu’ il veut donner une libre voix, un vote libre à ses candidats, mais je ne sais pas comment on peut gouverner de cette manière».

Le Collège Dawson : une priorité pour les anglophones

Le gouvernement Legault a récemment choisi de privilégier une expansion des cégeps francophones plutôt que de consacrer une enveloppe d’environ 200 millions $ à l’agrandissement du Collège Dawson à Montréal, un établissement scolaire important pour la communauté anglophone.

Pour la nouvelle candidate du PCQ, le financement de l’agrandissement du Collège Dawson est également «une priorité».

Questionné à savoir si un gouvernement conservateur financerait l’expansion du Collège Dawson, Éric Duhaime a évité de prendre une position ferme.

«Le financement d’établissements d’enseignement ne devrait pas être en fonction de critères linguistiques», a répondu en substance le chef du PCQ en ajoutant que «la polarisation de cet enjeu est très malsaine pour le Québec».

Un vote divisé

L’ancienne militante libérale Bonnie Feigenbaum compte convaincre les partisans libéraux de sa circonscription que le PCQ est la meilleure option pour les anglophones.

«Bourassa nous a laissé tomber, Charest nous a laissé tomber, Anglade nous a laissé tomber, nous ne pouvons pas faire confiance aux libéraux, ils nous promettent une chose, mais lorsqu’ils sont au pouvoir, ils nous disent, désolé, nous devons nous occuper des autres personnes», a -t-elle indiqué en anglais.

En entrevue avec La Presse Canadienne, le politologue et directeur de l’institut d’études canadiennes de l’Université McGill Daniel Béland a rappelé qu’un récent sondage Léger montre que les appuis des non-francophones au PLQ ont chuté sous la barre des 50% et que le Parti conservateur du Québec en a profité pour grimper à 22% d’intention auprès de cet électorat.

Le désenchantement de certains anglophones vis-à-vis le PLQ, «Éric Duhaime l’a compris», a souligné Daniel Béland.

«La question, c’est de savoir, est-ce qu’il va être capable de recruter d’autres candidats de qualité? Parce que oui, la candidate dans D’arcy-Mcgee, c’est quelqu’un quand même qui a de l’expérience politique et qui est connu dans sa communauté. En plus, le fait qu’elle était membre du Parti libéral dans le comté, ça lance un message fort. Est-ce qu’il peut faire ça, dans d’autres circonscriptions anglophones? On va voir…»

Le directeur de l’institut d’études canadiennes de l’Université McGill a souligné que les anglophones qui sont «désenchantés envers les libéraux», pourraient aussi trouver refuge au Bloc Montréal, un parti fondé par Baralama Holness et auprès du Parti canadien du Québec, deux formations en faveur d’un Québec bilingue et qui s’opposent vertement à la loi 96.