Fiasco SAAQclic: Denis Gallant présidera la commission d’enquête publique

QUÉBEC — Le gouvernement Legault a choisi l’ex-procureur de la commission Charbonneau Denis Gallant pour présider l’enquête publique sur le fiasco SAAQclic qui a engendré des dépassements de coûts de 500 millions $.

Toutefois, la nomination de M. Gallant, qui a également occupé le poste de directeur des poursuites criminelles et pénales à la Ville de Montréal et celui de PDG de l’Autorité des marchés publics (AMP), ne fait pas l’unanimité.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ) ont tous deux soulevé des doutes sur son impartialité, mardi, soulignant ses liens professionnels avec l’actuelle présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel.

Rappelons que M. Gallant et Mme LeBel ont travaillé en étroite collaboration à titre de procureurs au sein de la commission Charbonneau, de 2011 à 2014.

Or, M. Gallant pourrait se retrouver «dans la situation très problématique d’appeler Mme LeBel à témoigner devant lui, de la questionner, de juger de sa crédibilité», a réagi le chef intérimaire du PLQ, Marc Tanguay.

«Afin de préserver l’apparence de justice et garantir une enquête impartiale, le gouvernement doit remplacer M. Gallant, ou ce dernier doit se récuser», a-t-il écrit sur X.

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a également exprimé un «inconfort» mardi, tout en disant vouloir vérifier la nature et l’intensité des liens qui existent entre M. Gallant et Mme LeBel.

En impromptu de presse, Mme LeBel a assuré avoir vu M. Gallant peut-être «cinq fois» depuis la commission Charbonneau. «La réputation, la compétence, la rigueur (…) du juge Gallant n’est plus à faire», a-t-elle argué.

Dans le cadre de son mandat débutant le 24 mars, M. Gallant aura le pouvoir de contraindre des témoins à comparaître. Il devra remettre son rapport au plus tard le 30 septembre 2025.

Outrage au Parlement?

Le dossier SAAQclic a continué d’animer les débats tout au long de la journée, mardi, jour de rentrée après une relâche parlementaire de deux semaines.

En après-midi, le leader parlementaire du PLQ, Monsef Derraji, a plaidé pour la tenue d’une autre enquête concernant un possible deuxième outrage au Parlement.

Une enquête est déjà en cours à la Commission de l’Assemblée nationale visant Mme Guilbault, qui a omis de présenter un rapport annuel de la SAAQ dans les délais prescrits par la loi.

Les libéraux veulent que cette même commission enquête sur les agissements des dirigeants de la SAAQ qui auraient induit les parlementaires en erreur, selon la vérificatrice générale (VG).

Dans son rapport le mois dernier, la VG a trouvé que la SAAQ avait fourni des informations «incomplètes» aux membres de la Commission de l’administration publique (CAP) concernant son virage numérique.

«Il risque d’y avoir (…) deux enquêtes à la Commission de l’Assemblée nationale. C’est du jamais-vu dans l’histoire du Parlement», a souligné M. Derraji en entrevue à La Presse Canadienne.

«On veut faire toute la lumière sur ce fiasco qui nous a déjà coûté 1,1 milliard $», a-t-il ajouté.

Le déploiement raté de SAAQclic a provoqué en 2023 de longues files d’attente devant les succursales et coûté 500 millions $ de plus que prévu, pour un total qui dépassera le 1,1 milliard $ en 2025, a évalué la VG.

Le gouvernement caquiste, qui ne cesse de répéter qu’il a été «trompé», a depuis nommé des personnes qui étaient impliquées dans SAAQclic à d’autres postes importants dans l’appareil gouvernemental.

«Ça ne tient pas la route, lance M. Derraji. Il est où (l’ex-PDG de la SAAQ) Denis Marsolais? Il est PDG de l’Office de la protection des consommateurs. (…) Ceux qui les ont trompés, bien ils les ont nommés ailleurs.»

Le leader parlementaire libéral dit vouloir aller au fond des choses; il mène en parallèle un combat pour que soient décaviardés les procès-verbaux de la SAAQ.

Il accuse le c.a. d’avoir voulu protéger la Coalition avenir Québec en évitant de divulguer les dépassements de coûts du virage numérique, en pleine campagne électorale en 2022.

Mardi après-midi, Québec solidaire (QS) et le PQ ont appuyé la demande d’enquête du PLQ; la présidente de l’Assemblée nationale, Nathalie Roy, doit à présent juger si celle-ci est recevable.

Si oui, la Commission de l’Assemblée nationale pourrait être convoquée afin de déterminer s’il y a eu outrage au Parlement, dans tel cas M. Derraji dit s’attendre à ce que les «sanctions» pleuvent.

Il s’attend notamment à ce que des gens perdent leurs emplois.

«J’appuie évidemment (la demande) du leader de l’opposition officielle, a déclaré au Salon rouge le député Guillaume Cliche-Rivard, de QS. C’est une question d’une gravité exceptionnelle.»

Le PQ s’est également insurgé contre le fait que «la haute direction de la SAAQ et les responsables du programme SAAQclic ont transmis des informations fausses et trompeuses» à la CAP.

Ils ont laissé «faussement croire que le développement de SAAQclic se déroulait comme prévu, alors qu’à l’interne, les constats étaient tout autre», a dénoncé le député péquiste Pascal Bérubé.

De son côté, le leader du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, a invité Mme Roy à la prudence, disant vouloir éviter la «partie de pêche», où l’on se substituerait «à d’autres instances qui ont le mandat de faire enquête».

Les enquêtes se multiplient dans le dossier SAAQclic: en plus d’avoir déclenché une enquête publique, le gouvernement a saisi l’AMP, le ministère des Transports et l’Unité permanente anticorruption de la question.

L’«exécution» d’enquêtes par la Commission de l’Assemblée nationale est «rare», a confirmé à La Presse Canadienne la conseillère en communication de l’Assemblée, Béatrice Zacharie.

La dernière enquête de ce genre, concernant l’ex-député de Groulx Claude Surprenant, remonte à 2018. Avant cela, la commission avait enquêté, en 1987, sur l’ancien député de Portneuf Michel Pagé.

Le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, a dû démissionner de son poste le 27 février dernier dans la foulée du rapport dévastateur de la VG.