La Commission sur l’état d’urgence assigne à comparaître Doug Ford et Sylvia Jones

OTTAWA — Après avoir refusé de comparaître volontairement à la Commission sur l’état d’urgence, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et l’ex-solliciteuse générale Sylvia Jones ont reçu une assignation en bonne et due forme, mais ils la contesteront devant les tribunaux. 

Dans une lettre envoyée lundi, les procureurs principaux de la commission, Shantona Chaudhury et Jeffrey Leon, expliquent qu’«étant donné que les invitations répétées ont toutes été refusées, la commission a délivré aujourd’hui une assignation au premier ministre Ford et à la ministre Jones». 

Les procureurs soulignent aussi que le premier ministre Ford et l’ex-solliciteuse générale Jones, qui est aujourd’hui ministre de la Santé, ont également «refusé» à plusieurs reprises d’être interrogés en privé par les avocats de la commission avant le début des audiences publiques.

La lettre a été rédigée en réponse à une demande pour que M. Ford comparaisse, faite la semaine dernière par trois avocats de parties impliquées dans l’enquête, dont l’Association canadienne des libertés civiles et un regroupement de résidants d’Ottawa touchés par les manifestations de février.

La Commission sur l’état d’urgence enquête sur le recours à la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement libéral fédéral pour déloger les manifestants du «convoi de la liberté».

M. Ford a déclaré aux journalistes la semaine dernière qu’il ne comparaîtrait pas à l’enquête parce qu’on ne le lui «avait pas demandé». Il estimait par ailleurs que la Police provinciale avait fait un «travail incroyable» à Ottawa, qu’il avait toujours été «aux côtés» du premier ministre Justin Trudeau pendant les manifestations et qu’il avait appuyé la décision fédérale d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence.

Andrew Kennedy, un porte-parole du procureur général de l’Ontario, a aussitôt indiqué lundi qu’il allait contester devant les tribunaux l’assignation à comparaître. La commission d’enquête publique du juge Paul Rouleau a le pouvoir d’assigner des témoins, mais selon M. Kennedy, cette assignation «est incompatible avec le privilège parlementaire des députés».

«Nous croyons que les questions sur la réponse institutionnelle de l’Ontario seront suffisamment abordées par le témoignage des deux hauts fonctionnaires déjà sélectionnés par la commission», écrit aussi M. Kennedy.

Le sous-ministre ontarien des Transports Ian Freeman et le sous-solliciteur général Mario Di Tommaso ont déjà été interrogés par la commission et ils devraient témoigner publiquement, indiquent lundi les procureurs dans leur lettre. Mais ils ajoutent que les informations recueillies par la commission les avaient amenés à croire que M. Ford et Mme Jones disposaient d’informations pertinentes pour le mandat de l’enquête.

L’ex-chef adjoint de la police témoigne

La Commission sur l’état d’urgence entendait lundi le chef de la police par intérim d’Ottawa, Steve Bell. Il a été promu chef par intérim du service à la mi-février, après la démission de Peter Sloly.

M. Bell était chef adjoint de la police d’Ottawa, et responsable du renseignement, lorsque le convoi est arrivé à Ottawa l’hiver dernier. Il a soutenu lundi que juste avant le début des manifestations, la police municipale n’avait pas de renseignement suggérant que le «convoi de la liberté» utiliserait les résidants comme un «levier».

Le procureur de la commission Frank Au a passé la matinée à interroger M. Bell sur les éléments de renseignement dont disposait la police municipale avant la manifestation, y compris une évaluation de la menace que la police avait préparée avant l’arrivée prévue du convoi à Ottawa le 29 janvier.

La commission a appris la semaine dernière qu’une association d’hôteliers de la région de la capitale avait prévenu l’administration municipale et la police d’Ottawa, avant l’arrivée des manifestants, que des participants réservaient des chambres pour 30 jours.

Le rapport d’évaluation de la menace du 29 janvier indiquait que les manifestants venaient en grand nombre et qu’ils disposaient de fonds pour payer la nourriture et l’hébergement. Le rapport indiquait aussi que les conditions étaient réunies pour que les émotions soient vives dans la capitale.

Mais M. Bell a témoigné lundi que le renseignement disponible avant l’arrivée des manifestants montrait que l’événement durerait essentiellement trois jours, sauf pour un petit nombre de gens qui pourraient rester plus d’une fin de semaine.

Le chef Bell a également déclaré à la commission que selon les services de renseignement, il y avait beaucoup de gens impliqués dans le convoi, mais qu’ils avaient été «extrêmement respectueux des lois» lorsqu’ils convergeaient vers Ottawa.

«Il y avait des gens qui se déplaçaient à travers tout le pays, déterminés à être entendus, mais ils étaient pacifiques, a déclaré M. Bell lundi. Ils ont indiqué que leur intention était d’être pacifiques lorsqu’ils sont arrivés ici.» M. Bell a admis que ce n’était pas ce qui s’est finalement passé.

Au cours de son témoignage, il a déclaré à plusieurs reprises que la manifestation de trois semaines avait infligé aux résidants d’Ottawa «violence», «blessures» et «traumatismes». Il a soutenu que rien dans le renseignement n’indiquait que les manifestants finiraient par utiliser les résidants d’Ottawa «comme levier pour faire entendre leur voix».

M. Bell a par ailleurs déclaré que sur la base des renseignements recueillis avant l’arrivée des manifestants, la police ne croyait pas qu’elle avait le droit de leur refuser l’accès au centre-ville.

M. Bell a aussi souligné que la police avait tiré des leçons de sa gestion de février. Il a rappelé à la commission que la manifestation «Rolling Thunder», que les manifestants ont organisée plusieurs mois plus tard, n’a pas donné lieu à des blocages prolongés à Ottawa.