La famille d’un homme mort pendant une opération policière boude l’enquête du coroner

MONTRÉAL — Une enquête du coroner sur la mort d’un homme pendant une intervention policière à Montréal il y a cinq ans s’est ouverte lundi sans que des membres de sa famille n’y participent.

Koray Kevin Celik, âgé de 28 ans, était en état d’ébriété et ses parents voulaient l’empêcher de prendre le volant lorsqu’ils ont appelé le 911 pour demander de l’aide, peu après 2 heures du matin le 6 mars 2017, dans l’arrondissement de l’Île-Bizard, dans l’ouest de Montréal.

Les policiers arrivés sur place ont tenté de maîtriser M. Celik, notamment avec un bâton télescopique. Mais selon ses parents, les policiers ont utilisé une force excessive, frappant à plusieurs reprises leur fils avec leurs pieds et leurs genoux, avant qu’il ne cesse de respirer.

Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le chien de garde de la police provinciale, s’est penché sur le dossier. À la suite de cette enquête, quatre policiers de Montréal ont été disculpés de toute faute dans la mort de M. Celik. 

Son père, Cesur Celik, a déclaré aux journalistes lundi, au palais de justice de Montréal, que la famille boycotterait l’enquête du coroner. Les parents disent avoir perdu confiance dans l’indépendance du système, mais aussi dans diverses institutions gouvernementales. La famille considère que le processus d’enquête du coroner est inéquitable.

Devant la salle d’audience où se déroule l’enquête, Cesur Celik, a déclaré qu’il ne participerait pas à un «numéro de cirque d’un gouvernement» qui, selon lui, essaie de tromper le public. 

Les parents de Koray Kevin Celik devaient être les premiers témoins aux audiences publiques de l’enquête du coroner, mais ils sont restés sur leur position lundi: ils ne témoigneront pas, malgré l’assignation à comparaître qu’ils ont reçue.

Cesur Celik a déclaré que l’enquête du coroner est en défaveur des membres de la famille puisque les policiers n’ont pas de plafond sur les frais juridiques pour se défendre, tandis que la famille est remboursée d’un maximum de 20 000 $.

Il a dit que les audiences publiques comme celle-ci doivent se tenir dans des conditions justes et égales pour que les résultats soient valides et pour que sa famille puisse avoir «confiance dans les organisations gouvernementales». 

Le coroner Luc Malouin a déclaré à l’enquête que compte tenu de tout ce que les parents ont vécu depuis cinq ans, ils ne seront pas accusés d’outrage au tribunal. Mais le coroner a souligné que toutes leurs déclarations précédentes seraient versées au dossier.

Deux versions des événements différentes

L’un des quatre policiers qui sont intervenus la nuit du 6 mars 2017 a témoigné lundi. L’agent Alexandre Bélair a déclaré à l’enquête qu’il avait fallu du temps aux policiers pour trouver la maison après avoir reçu un appel pour quelqu’un qui était en état d’ébriété et agressif.

M. Bélair a raconté avoir parlé à l’extérieur de la maison avec Cesur Celik, qui a dit au policier que son fils était à l’intérieur, qu’il était défoncé et devait descendre. Le père a supplié les agents de ne pas entrer dans la maison.

M. Bélair a déclaré qu’au moment où il a reçu cette information, sa partenaire, l’agente Karine Bujold, était déjà entrée dans la maison, et il a entendu un grand cri.

Il a dit que Koray Celik résistait et qu’il a fallu aux policiers deux paires de menottes ensemble pour le maîtriser alors que ses parents criaient en arrière-plan. M. Bélair a affirmé qu’il avait cessé de respirer peu de temps après et qu’ils avaient retiré les menottes et commencé des manœuvres de réanimation.

Les audiences de l’enquête ont également entendu lundi Luc Desroches, un enquêteur du BEI, qui a déclaré que son investigation n’avait commencé qu’un peu plus de sept heures après l’appel au 911.

Le père de M. Celik déclaré que la police de Montréal avait interrogé sa famille alors que cette tâche aurait dû incomber au BEI. M. Desroches a souligné que le bureau n’était pas opérationnel depuis très longtemps lorsque l’affaire Celik s’est produite.

En juin 2021, un tribunal du Québec a accordé à la famille 30 000 $ en dommages-intérêts après avoir poursuivi le chien de garde de la police. L’affaire civile contestait une déclaration d’août 2018 du BEI, qui n’a fourni que la version des policiers des événements, alléguant que M. Celik avait agi de manière agressive. Cette version contredit le récit de ses parents sur ce qui s’est passé.

Le tribunal s’est rangé du côté de la famille, jugeant que la déclaration du chien de garde n’était ni neutre ni impartiale. Le jugement a souligné que ce n’est pas le rôle du BEI de justifier les actions de la police, mais de mener une enquête indépendante.

La famille Celik poursuit séparément la Ville de Montréal et le service ambulancier Urgences-santé pour mort injustifiée. 

Les audiences de l’enquête du coroner doivent durer au total trois semaines, réparties sur les prochains mois. Le coroner Malouin a rappelé que son rôle n’était pas de déterminer s’il y a eu culpabilité dans cette affaire, mais plutôt d’établir des faits et de formuler des recommandations.