Le Canada envisage de contrôler les exportations de minéraux critiques

OTTAWA — Le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, a déclaré que la nouvelle Stratégie canadienne sur les minéraux critiques publiée vendredi n’empêche pas spécifiquement les mines canadiennes d’exporter des minéraux et des métaux critiques vers des pays comme la Chine.

Cela n’empêchera pas non plus les entreprises de profiter des 3,8 milliards $ d’investissements promis si elles ont l’intention d’expédier les métaux produits vers des pays non démocratiques.

Mais M. Wilkinson a indiqué que le gouvernement fédéral examine si de nouvelles politiques sont nécessaires pour limiter les endroits où les minéraux critiques canadiens peuvent être exportés.

«C’est quelque chose dont nous sommes évidemment attentifs et dont nous discutons en interne», a-t-il déclaré.

La stratégie de 58 pages est l’aboutissement de plusieurs années de consultations et vise à aider le Canada à profiter de ce que le ministre Wilkinson appelle à plusieurs reprises une «opportunité générationnelle».

En 2020, la Banque mondiale a prédit que la demande de minéraux critiques – des dizaines de métaux et de minéraux comme le lithium et le cuivre qui sont utilisés dans les batteries et la production d’énergie propre – augmentera de 500 % d’ici 2050.

Actuellement, la Chine est le pays le plus performant dans le domaine en tant que premier producteur d’un certain nombre d’éléments et est leader en matière de raffinage et de traitement de la plupart d’entre eux pour une utilisation dans la production de batteries et d’autres technologies de fabrication.

La nécessité de solidifier les approvisionnements de ces minéraux parmi les alliés du Canada est devenue une nouvelle urgence cette année après l’invasion russe en Ukraine et la crise énergétique qui a suivi en Europe, qui dépendait fortement de la Russie pour le gaz naturel et le pétrole.

M. Wilkinson a déclaré qu’il s’agissait d’une erreur stratégique qui ne devrait pas être répétée avec des minéraux critiques.

«Les pays occidentaux craignent de plus en plus d’être dépendants d’un petit nombre de juridictions non démocratiques pour l’approvisionnement et le traitement des minéraux critiques», a-t-il déclaré.

Plus tôt cet automne, le ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne, a annoncé une politique visant à revoir et à limiter les investissements des entreprises d’État dans les projets canadiens de minéraux critiques. Jusqu’à présent, trois entreprises chinoises ont reçu l’ordre de se départir de leurs avoirs canadiens, et au moins une de ces ventes a maintenant eu lieu.

Le 2 décembre, la société australienne Winsome Resources a signé un accord de 2 millions $ pour racheter la participation de la société chinoise Sinomine Rare Metals Resources détenue dans la société Power Metals, basée à Vancouver. Cela comprend les droits d’exportation de lithium, de césium et de tantale au projet Case Lake en Ontario.

Ce projet est toujours en développement, mais la société chinoise Sinomine est également propriétaire de la mine Tanco au Manitoba, qui a recommencé il y a un an à produire du lithium. Tout cela est expédié en Chine pour y être traité.

Nouveaux clients, pas un énorme défi

Le président de l’Association minière du Canada, Pierre Gratton, a laissé savoir que les contrôles à l’exportation seraient «un bâton très lourd», mais étant donné l’énorme demande partout dans le monde, il ne s’attend pas à ce que ce soit un problème majeur pour trouver d’autres clients.

«Aucun d’entre nous dans notre industrie n’est aveugle au fait que le monde change», a déclaré M. Gratton.

«Je pense avoir entendu la vice-première ministre (Chrystia) Freeland dire que nous rentrons dans une sorte de nouvelle guerre froide. Et cela va certainement changer les flux d’investissement et de commerce ; c’est déjà le cas. Et nous devrons simplement voir comment cela évolue».

M. Gratton a fait l’éloge de la nouvelle stratégie vendredi, la qualifiant de feuille de route détaillée et articulée qui aidera à stimuler les investissements dans l’industrie minière canadienne.

«C’est une période assez excitante pour l’industrie, a-t-il admis. Il est difficile de ne pas être assez optimiste à ce sujet.»

La stratégie a cinq grands objectifs : appuyer la croissance économique, promouvoir l’action climatique, faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones, favoriser des milieux de travail diversifiés et inclusifs et renforcer la sécurité mondiale.

Le Canada possède des gisements de la plupart des 31 minéraux critiques figurant sur sa liste, mais choisit dans sa stratégie de se concentrer initialement sur les six présentant le plus grand potentiel de croissance.

Ceux-ci comprennent le lithium, le graphite, le nickel, le cobalt, le cuivre et le groupe de 17 métaux et minéraux appelés éléments de terres rares.

Il existe déjà d’importantes exploitations minières de nickel, de cuivre et de cobalt, ainsi que de plus petites exploitations de graphite.

Le Canada n’est pas un producteur commercial d’éléments de terres rares, bien qu’il possède certains des plus grands gisements connus. La mine Tanco au Manitoba est la seule mine de lithium en activité actuellement, mais au moins une autre est sur le point de rouvrir au Québec l’année prochaine.

Partenariat avec les Premières Nations

La stratégie et les investissements de 3,8 milliards $ dans le budget fédéral de 2022 sont conçus pour encourager de nouvelles activités d’exploration, accélérer les examens réglementaires et environnementaux, construire des infrastructures là où elles sont nécessaires pour soutenir la découverte de nouveaux gisements et établir des partenariats d’équité avec les peuples autochtones.

Sharleen Gale, cheffe de la première nation Fort Nelson et présidente de la First Nations Major Projects Coalition, a déclaré que chaque mine et installation de traitement de minerai de batterie doit inclure un partenariat «significatif» avec les Premières Nations concernées.

Elle a dit que la coalition apprécie la stratégie, mais encourage le gouvernement à aller encore plus loin.

«Cela comprend la prise de mesures pour s’assurer que les promoteurs d’infrastructures de minéraux de batteries approchent les nations autochtones dès les premières étapes de ces projets, et qu’une option d’équité fait toujours partie des projets de minéraux de batteries critiques proposés sur les terres autochtones», a-t-elle souligné.

Clean Energy Canada affirme que les opportunités de la chaîne d’approvisionnement des batteries pourraient contribuer jusqu’à 48 milliards $ par an à l’économie canadienne d’ici 2030 et soutenir jusqu’à 250 000 emplois.