Le lien de confiance avec la Chine était différent lors du don à la Fondation Trudeau

OTTAWA — Le niveau de prudence que les institutions canadiennes doivent maintenant adopter lorsqu’elles traitent avec la Chine n’était pas une priorité lorsque la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau a accepté une promesse de don d’un milliardaire chinois, a déclaré l’ancien chef de l’organisme de bienfaisance.

Morris Rosenberg a été président et chef de la direction de la Fondation de 2014 à 2018, une période au cours de laquelle l’organisme de bienfaisance a reçu 200 000 $ de Zhang Bin, un conseiller politique du gouvernement chinois, et de Niu Gensheng, un homme d’affaires et philanthrope chinois.

L’organisme de bienfaisance mis en place pour honorer l’héritage de l’ancien premier ministre a annoncé mercredi qu’il remboursait le don après que le «Globe and Mail» a allégué qu’il était lié à un complot du gouvernement chinois visant à influencer Justin Trudeau après qu’il est devenu chef libéral.

«À titre d’organisme de bienfaisance indépendant et sans affiliation politique, l’éthique et l’intégrité font partie de nos valeurs fondamentales et nous ne pouvons garder un quelconque don qui pourrait avoir été commandité par un gouvernement étranger à notre insu», a déclaré, mercredi, dans un communiqué, l’actuelle présidente et cheffe de la direction de la Fondation, Pascale Fournier.

Citant une source de sécurité nationale anonyme, le journal a écrit que M. Zhang avait été chargé par Pékin de faire un don de 1 million $ en l’honneur de Pierre Elliott Trudeau en 2014, deux ans avant que le don de 200 000 $ à la Fondation ne soit fait.

La Presse Canadienne n’a pas pu joindre M. Zhang dans l’immédiat concernant les allégations du «Globe and Mail», qui a indiqué mardi qu’il n’avait pas immédiatement répondu à une demande pour commenter la situation. M. Niu n’a pas non plus pu être joint dans l’immédiat pour commenter.

Justin Trudeau a déclaré qu’il n’avait eu aucune association formelle ou informelle avec la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau depuis peu de temps après son élection. Il est devenu député de Papineau en 2008.

M. Rosenberg, qui a affirmé que des pourparlers sur le don étaient déjà en cours lorsqu’il a pris ses fonctions, a souligné qu’à l’époque, le Canada entretenait une relation plus positive, pleine d’espoir et de confiance avec la Chine.

Il a dit que la situation a changé depuis lors et que les institutions canadiennes doivent remettre en question les motivations de la Chine à nouer de telles relations.

«C’est un environnement différent aujourd’hui», a déclaré M. Rosenberg dans une entrevue. 

«Je pense que toutes les institutions canadiennes font preuve de plus de prudence, a-t-il indiqué. Mais ce n’était pas la situation en 2016.»

L’ancien haut fonctionnaire a été chargé de rédiger un rapport indépendant récemment publié sur la façon dont un comité fédéral a surveillé les menaces d’ingérence étrangère lors des élections de 2021.

Le rapport soutient que le protocole conçu pour informer les Canadiens en cas de menaces à l’élection fédérale fonctionnait bien dans l’ensemble, et que les tentatives d’ingérence étrangère n’avaient pas atteint le seuil requis pour en informer les Canadiens, que ce soit en 2019 ou en 2021.

Mais il fait plusieurs recommandations pour mieux informer les Canadiens sur ce que le groupe considérerait comme une source de préoccupation et demande une étude plus approfondie sur l’opportunité d’abaisser le seuil requis pour informer le public des menaces.

Les conservateurs ont évoqué le rôle antérieur de M. Rosenberg à la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau en plaidant pour une enquête publique, affirmant que le don de 200 000 $ soulève de «sérieuses questions» sur le fait qu’il a été «sélectionné» par le gouvernement libéral pour rédiger le rapport.

En réponse, M. Rosenberg a souligné sa longue carrière en tant que fonctionnaire pour les gouvernements conservateur et libéral, qui comprenait un passage de trois ans en tant que sous-ministre des Affaires étrangères sous l’ancien premier ministre Stephen Harper.

Le don de 200 000 $, qui faisait partie d’une promesse de don de 1 million $ qui comprenait également de l’argent pour l’Université de Montréal, a fait l’objet d’un examen minutieux peu de temps après avoir été fait en 2016.

Cela s’explique notamment par le fait que des semaines avant que le don ne devienne public, M. Zhang avait assisté à un événement de collecte de fonds dans une résidence privée à Toronto. La controverse politique sur les événements payants donnant un accès privilégié aux élus a finalement conduit le Parti libéral à introduire de nouvelles règles de transparence pour les collectes de fonds.

M. Rosenberg a déclaré dans l’entrevue qu’il ne savait pas que M. Trudeau participerait à la collecte de fonds de 2016 avec M. Zhang.

«Il n’y a pas eu de coordination. C’était une coïncidence», a-t-il déclaré.

M. Rosenberg a également affirmé qu’il n’avait pas de relation personnelle avec M. Zhang ou M. Niu et a dit les avoir rencontrés «une fois, brièvement» lors d’une cérémonie à l’Université de Montréal.