Le ministre ontarien Stephen Lecce, qui est candidat, a dû s’excuser auprès des Noirs

TORONTO — Le ministre ontarien Stephen Lecce, candidat pour sa réélection en juin, s’est excusé, mercredi, à la suite d’un article sur une soi-disant «vente aux enchères d’esclaves» à l’époque où il dirigeait une fraternité étudiante à l’université.

«PressProgress», un média fondé et financé par l’Institut Broadbent, a publié mardi soir un article alléguant que M. Lecce, à l’époque où il était étudiant à l’Université Western, avait participé, en 2006, à une «vente aux enchères d’esclaves», un  événement de sa confrérie «Sigma Chi».

L’Université Western, de London, ne reconnaît pas officiellement ces fraternités étudiantes et n’a aucune affiliation formelle avec elles.

M. Lecce s’est excusé mercredi matin, dans un communiqué. «L’événement de 2006 était inapproprié et ne reflète en aucun cas qui je suis en tant que personne, c’est pourquoi je m’excuse sans réserve, a-t-il écrit. Je continuerai à défendre avec passion les intérêts de tous les Ontariens, sans distinction de religion, d’origine, d’orientation ou de race.»

Trois candidats néo-démocrates qui sont membres du «caucus noir» du parti ont déclaré dans une déclaration commune que l’esclavage n’était pas une blague.

«La traite transatlantique des esclaves est l’un des chapitres les plus horribles de l’histoire humaine, ont écrit Jill Andrew, Faisal Hassan et Laura Mae Lindo. L’héritage de l’esclavage, du colonialisme et de la suprématie blanche perdure dans nos institutions et dans le traumatisme générationnel auquel les personnes d’ascendance africaine continuent de faire face chaque jour.»

Les trois députés et candidats néo-démocrates ont appelé M. Lecce à retirer sa candidature, à présenter ses excuses et à tenter de faire amende honorable auprès des communautés noires. Ils ont également exhorté le chef progressiste-conservateur, Doug Ford, à lui retirer sa candidature si M. Lecce ne le fait pas lui-même et à condamner publiquement ses actions passées.

Une porte-parole de M. Ford a indiqué mercredi que le chef conservateur n’avait rien à ajouter à la déclaration de M. Lecce.

La Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario a estimé mercredi que les gestes posés par M. Lecce soulevaient de sérieuses inquiétudes quant à sa compréhension du racisme dont sont victimes les Noirs et à sa capacité à servir les élèves, les familles et le personnel qui sont noirs.

«Le ministre Lecce a volontairement participé à un événement qui a minimisé l’esclavage et banalisé sa brutalité et ses effets néfastes», a écrit le syndicat dans un communiqué.

«Décloisonnement» au secondaire 

Le mot «racisme» n’apparaît nulle part dans le récent budget déposé le 28 avril par les progressistes-conservateurs, qui n’a pas été adopté en Chambre et qui leur sert de plate-forme électorale. Le gouvernement conservateur a aussi «décloisonné» le cours de mathématiques en 9e année — les élèves n’ont plus à choisir entre «cours appliqués» et «cours théoriques». 

Les responsables avaient expliqué à l’époque que les élèves à faible revenu et les élèves noirs, autochtones ou racisés étaient plus susceptibles d’être placés dans le volet «maths appliquées», ce qui limitait leurs options d’études par la suite. Les conservateurs ont également annoncé qu’à compter de septembre prochain, toutes les matières de 9e année seraient ainsi «décloisonnées».

Les libéraux ont promis d’étendre le décloisonnement à la 10e année, mais aussi de mieux financer les programmes de lutte contre le racisme, de rafraîchir la stratégie ontarienne de lutte contre le racisme que subissent les Noirs, de fournir 5 millions $ aux sites historiques et aux centres communautaires noirs, et d’offrir 10 millions $ en subventions aux entrepreneurs noirs et à leurs PME. Les libéraux, comme les néo-démocrates d’ailleurs, promettent également de nommer un ministre responsable de la lutte contre le racisme.

Les néo-démocrates s’engagent eux aussi à soutenir le décloisonnement. Ils promettent également de modifier la Loi sur l’éducation pour lutter contre le racisme et la discrimination, de mettre en œuvre une stratégie provinciale de lutte contre le racisme, ainsi qu’une stratégie d’antiracisme dans les écoles, d’introduire une formation obligatoire contre l’oppression et les préjugés pour tous les fonctionnaires et les élus, et de créer un conseil consultatif et de défense contre le racisme.

Le chef libéral, Steven Del Duca, a déclaré que l’affaire Lecce était profondément troublante, mais il a soutenu que ce n’était pas à lui, en tant que personne qui n’a jamais connu le racisme, de dire si les excuses suffisent. «Je pense que c’est moins important pour moi que pour les gens des communautés auprès desquels il s’excuse: je pense qu’il est préférable qu’elles puissent vous dire publiquement ce qu’elles pensent des excuses», a déclaré M. Del Duca mercredi.

Le chef du Parti vert, Mike Schreiner, s’est dit «dégoûté» par ces révélations. «C’est manifestement raciste et mal, a-t-il écrit dans un communiqué. M. Lecce doit des excuses sincères à la communauté noire de l’Ontario. On ne peut pas se moquer de l’esclavage, ou en rire.»