L’entreprise révise sa déclaration sur la commercialisation de la cocaïne

VICTORIA — Une entreprise de la Colombie-Britannique qui a reçu l’approbation fédérale pour produire et vendre de la cocaïne a révisé sa déclaration initiale qui décrivait des plans de commercialisation de la substance contrôlée.

Adastra Labs a publié vendredi une clarification indiquant que la société de Langley, en Colombie-Britannique, «n’entreprend actuellement aucune activité avec de la cocaïne» et que sa licence modifiée de distributeur relative aux drogues et substances contrôlées ne permet pas à l’entreprise de vendre de la cocaïne au grand public.

Le chef de la direction d’Adastra Labs, Michael Forbes, affirmait dans la déclaration initiale du 22 février que la société «évaluerait comment la commercialisation de cette substance s’intègre» au modèle commercial de l’entreprise. Cette référence a été supprimée dans la dernière déclaration.

Santé Canada a approuvé la modification de la licence d’Adastra Labs pour permettre la production, la vente et la distribution de cocaïne le 17 février. En vertu de la licence, Adastra ne peut pas produire plus de 250 grammes de cocaïne en 2023.

La nouvelle a suscité des réactions à partir de jeudi lorsque le chef de l’opposition en Colombie-Britannique, Kevin Falcon, a évoqué la déclaration originale d’Adastra sur les plans de commercialisation pendant la période des questions à l’Assemblée législative provinciale.

Le premier ministre Justin Trudeau et le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, n’ont pas tardé à réagir.

Plus tôt vendredi, M. Trudeau avait déclaré qu’il était «aussi surpris» que M. Eby des plans d’Adastra. Il avait indiqué que le gouvernement fédéral travaillait sans attendre avec Adastra Labs «pour corriger le malentendu» causé par la déclaration de l’entreprise sur la commercialisation.

Interrogé là-dessus à Winnipeg, M. Trudeau a assuré qu’il n’était pas question de permettre à des compagnies de vendre ces drogues sur le marché. Il a déclaré qu’Adastra n’avait pas l’autorisation de vendre de la cocaïne sur le «marché libre», et Santé Canada a rappelé que cette entreprise ne pouvait vendre qu’à d’autres titulaires de licence.

Une autre entreprise de la Colombie-Britannique a aussi affirmé récemment qu’elle était désormais autorisée à produire, vendre et distribuer de la cocaïne et de l’ecstasy, bien que Santé Canada affirme qu’elle ne peut pas vendre ces drogues illégales au grand public.

Sunshine Earth Labs, de Victoria, une entreprise de biosciences qui «vise à apporter un approvisionnement plus sûr en drogues sur le marché mondial», soutient qu’elle a obtenu l’année dernière une modification à sa licence de distributeur relative aux «drogues et substances contrôlées» afin d’inclure l’ecstasy et la cocaïne.

L’entreprise a déclaré qu’elle avait reçu une modification à sa licence pour posséder, produire, vendre et distribuer de l’opium et de la morphine en janvier.

Dans une déclaration écrite, le ministère fédéral de la Santé précise qu’il «examine attentivement les demandes» pour s’assurer que les titulaires de licences respectent toutes les politiques existantes en matière de santé et de sécurité publiques.

Santé Canada affirme que la licence d’Adastra Labs a été délivrée «uniquement à des fins scientifiques et médicales», et que les titulaires de licence ne peuvent vendre ces substances qu’à des personnes autorisées à les posséder.

«Santé Canada a contacté l’entreprise pour réitérer les paramètres très étroits de sa licence, indique le ministère. Si les exigences strictes ne sont pas respectées, Santé Canada n’hésitera pas à prendre des mesures, qui peuvent inclure la révocation de la licence.»

Lorsqu’on a demandé à Santé Canada combien d’autres entreprises avaient reçu des modifications similaires de leur licence, le ministère a déclaré qu’il ne partageait ni ne publiait la liste des détentrices de licences, et qu’il ne discutait pas non plus de l’état des demandes de modifications, pour des raisons de sûreté, de sécurité et de confidentialité.

Pas de décriminalisation en vue

M. Trudeau a déclaré vendredi que la décriminalisation du commerce de la cocaïne au Canada n’était pas «quelque chose qu’on cautionne en tant que pays».

«C’est vrai que Santé Canada permet à certaines compagnies pharmaceutiques, pour des besoins de recherche et des besoins médicaux extrêmement limités, l’utilisation de ce produit-là, a indiqué M. Trudeau vendredi. Mais il n’y a aucune intention, il n’y a aucune permission de vendre ça sur le marché et de partager ça avec les Canadiens.

«Ça a été un manque de compréhension, je pense, dans le communiqué de presse [de la compagnie] et on est en train de rectifier le tir là-dessus.»

Le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, a déclaré jeudi qu’il était «stupéfait» par cette nouvelle. Il indiquait alors que son gouvernement n’avait pas été avisé ni consulté par Santé Canada.

M. Eby a assuré que cette licence «ne faisait pas partie de notre plan provincial», faisant référence aux efforts actuels du gouvernement pour endiguer le taux de mortalité par surdose — six personnes en moyenne en sont mortes chaque jour en Colombie-Britannique en 2022.

La politique de décriminalisation des drogues en Colombie-Britannique, entrée en vigueur fin janvier, permet aux adultes de 18 ans et plus de posséder jusqu’à 2,5 grammes d’opioïdes, de cocaïne, de méthamphétamine et d’ecstasy sans être poursuivis au criminel. Il s’agit d’un projet-pilote de trois ans.

M. Eby a indiqué vendredi qu’il avait parlé au gouvernement fédéral et qu’il était «encore plus troublé» d’apprendre de Santé Canada qu’Adastra avait peut-être «déformé de manière significative la nature de sa licence», d’une manière irresponsable.

«Je trouve plus qu’un peu frustrant que Santé Canada ne soit apparemment pas en accord avec nous en ce qui concerne la direction que nous prenons, a-t-il déclaré. Nous devons travailler ensemble sur la crise des drogues toxiques et notre réponse à celle-ci.»

Sunshine Labs a déclaré qu’elle «ne s’engageait pas dans la promotion ou le lancement d’initiatives d’approvisionnement plus sûres» de drogues, et laissait aux experts la mise en œuvre de toute politique sur la décriminalisation de la cocaïne, de l’opium et de l’ecstasy.

Mais la société souligne que le taux élevé de mortalité par surdose en Colombie-Britannique coïncide avec les rapports des responsables de la santé publique selon lesquels la majorité des surdoses mortelles touchent des utilisateurs occasionnels.

Cela signifie que la décriminalisation pourrait ne pas suffire, estime Sunshine Labs. L’entreprise souligne que pour prévenir des décès, des experts suggèrent de fournir aux utilisateurs «une opportunité d’acheter des drogues certifiées, avec des niveaux de pureté et des dosages connus».

«Bien que cette notion puisse être difficile à accepter pour certains, elle représente la prochaine étape rationnelle», indique le communiqué de Sunshine Labs.