Les anciens travailleurs d’Aveos remportent leur bataille contre Air Canada

OTTAWA — Air Canada a violé la loi fédérale en ne maintenant pas en opération ses centres d’entretien de Montréal, Winnipeg et Mississauga lors de la déconfiture d’Aveos, il y a une décennie, tranche la Cour supérieure du Québec dans un jugement lapidaire rendu jeudi en faveur de milliers d’anciens travailleurs.

«Air Canada n’a effectué aucune démarche raisonnablement sérieuse pour se conformer à la loi à la suite de la fermeture d’Aveos», écrit la juge Marie-Christine Hivon qui conclut à une «violation continue» de la loi entre mars 2012 et juin 2016.

Ce sont près de 2200 anciens travailleurs qui sont touchés par le dénouement de ce procès lié à une action collective. La vaste majorité d’entre eux étaient basés à Montréal.

Dans un message vidéo publié sur sa page Facebook peu après que le jugement eut été rendu, le représentant du syndicat lors de la fermeture de la compagnie Aveos, Jean Poirier, s’est dit «très, très ému».

«On a gagné! On a gagné contre Air Canada. On a gagné sur toute la cause. David a gagné contre Goliath. Une bataille de 14 ans, les amis.»

Il demande aux actionnaires d’Air Canada – qui pourrait porter le jugement en appel – de partir «sur de nouvelles bases» et de régler le dossier.

Dans sa décision de 154 pages, la juge Marie-Christine Hivon condamne le transporteur aérien à leur payer une indemnité pour perte de revenus et d’emploi, de même que pour la perte d’avantages sociaux.

Air Canada devra également les indemniser pour «le stress, la remise en question, la diminution de l’estime de soi, l’insécurité, le sentiment d’injustice et la perte de jouissance de la vie». Il devra également payer les réclamations individuelles de ceux qui ont subi des dommages moraux supplémentaires comme les problèmes psychologiques et l’insomnie, les problèmes familiaux, les divorces et les suicides.

La juge Hivon estime cependant que les anciens employés d’Aveos n’ont pas démontré que la déconfiture d’Aveos a été causée par la mauvaise foi ou la faute intentionnelle d’Air Canada. Elle rejette ainsi la réclamation de dommages punitifs de 110 millions $.

Dans une déclaration écrite transmise à La Presse Canadienne, Air Canada affirme avoir «toujours agi de bonne foi dans ce dossier» en notant que le tribunal a conclu que la compagnie n’avait pas provoqué la faillite d’Aveos et rejeté les dommages punitifs.

Quant à la possibilité d’en appeler du jugement, le transporteur affirme qu’il l’examinera avant de décider des prochaines étapes.

En vertu de la Loi sur la participation au capital public d’Air Canada, la compagnie avait l’obligation de maintenir ses centres de Montréal, Winnipeg et Mississauga, une tâche qu’elle avait sous-traitée à Aveos, qui a fait faillite en mars 2012. Le gouvernement fédéral a modifié la loi en juin 2016 afin d’alléger cette obligation.

Pour le tribunal, il est clair que le recours à la sous-traitance ne déchargeait pas Air Canada de se conformer à son obligation légale lorsque le sous-traitant cesse ses activités. De même, l’amendement à la loi n’était pas rétroactif et n’avait pas pour effet de préciser le sens qu’a toujours eu la loi, contrairement à ce que plaidait la compagnie.