Les Autochtones dénoncent le projet de loi 96 sur la langue française

QUÉBEC — Des Autochtones demandent de stopper la réforme de la Charte de la langue française qui devrait être adoptée d’ici à la fin de la session parlementaire.

Ils ont reçu l’appui de Québec solidaire (QS) et du Parti libéral (PLQ) pour porter leurs revendications à l’Assemblée nationale mardi, mais le gouvernement pour sa part refuse de reculer. 

Des représentants autochtones avaient déjà affirmé que ce projet de loi était l’équivalent d’un génocide culturel, ce que Manon Massé, de QS, a écarté. 

Selon des leaders autochtones, le projet de loi 96 est un texte «destructeur» et paternaliste qui perpétue une hégémonie coloniale et qui compromet la survie de leurs propres langues. Une leader mohawk a même laissé planer la menace d’actions plus violentes. 

En conférence de presse mardi à l’Assemblée nationale, ils ont réclamé une rencontre avec le ministre Simon Jolin-Barrette, qui est responsable du projet de loi 96, c’est-à-dire la réforme de la loi 101. 

Ils refusent qu’on impose trois cours de français ou en français aux étudiants autochtones qui vont dans le collégial anglophone, comme le prévoit le projet de loi.

En mêlée de presse, le ministre a laissé entendre qu’il écartait les demandes des Autochtones.

Les leaders autochtones soutiennent que les étudiants qui ont déjà du mal à obtenir leurs diplômes en étudiant dans leur langue, l’anglais, vont échouer ces cours de français.   

Si le projet de loi est adopté comme prévu avant la fin de cette session parlementaire, il «va forcer l’exode de nos étudiants vers d’autres écoles à l’extérieur du Québec», a prédit le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard.

«C’est d’une ironie renversante, que les premiers occupants du territoire au Québec soient forcés d’aller étudier à l’extérieur de leur territoire, c’est quelque chose que nous jugeons inacceptable.»

Selon lui, le projet de loi, s’il est adopté avant la fin de la session comme prévu, va forcer les étudiants autochtones à s’exiler hors du Québec. 

Si le Québec soutient qu’il est distinct, les nations autochtones le sont aussi, a-t-il plaidé, en rappelant qu’une exception avait été déjà accordée en 1985 et qu’elle devait être reconduite.

La grande cheffe du Conseil mohawk de Kahnawake, Kahsennenhawe Sky-Deer, a dit que le projet de loi allait avoir des conséquences dans chaque aspect de la vie des membres de sa communauté et qu’il va à l’encontre de la relation d’égal à égal entre Québec et les Premières Nations. Elle a laissé entendre que son peuple allait poser des gestes. 

«On dirait que nous devons poser des gestes pour attirer l’attention. Nous ne voulons pas poser ce genre de geste, mais c’est ainsi que nous nous sentons quand nous sommes acculés au mur.»  

«Le gouvernement a ignoré tout ce que nous avons proposé», a dit John Martin, de la nation Mi,gmaq Gesgapegiag. 

«C’est un projet de loi destructeur, une continuation de ce genre de colonialisme, de paternalisme d’activités d’extinction que les gouvernements ont successivement menées depuis leur établissement sur ces territoires.»  

Manon Massé, de Québec solidaire, a rappelé que son parti allait néanmoins voter en faveur du projet de loi. Selon elle, ce projet de loi ne constitue pas un génocide culturel.

«Non, non, pas du tout. Pour moi, d’avoir laissé cet espace aux Premières Nations, c’est aussi vous laisser l’espace de les questionner sur comment ils vivent ça.» 

«C’est important pour le ministre de prendre le temps de rencontrer les gens et les autres communautés si c’est nécessaire pour les rassurer sur le fait que ce n’est pas un génocide culturel, que ce n’est pas qu’est-ce que ça arrive», a pour sa part plaidé le député libéral Geoffrey Kelley. 

Le projet de loi en est à ses dernières étapes avant son adoption finale, puisque son étude article par article est terminée, mais l’élu libéral soutient que le ministre a «toujours des outils» pour amender son projet de loi.

En effet, des amendements peuvent encore être déposés s’ils respectent l’esprit du projet de loi. Le ministre pourrait en effet en déposer d’autres dans les prochains jours.