Les familles de la tuerie en Nouvelle-Écosse souhaitent un suivi des recommandations

HALIFAX — Le frère d’un homme tué lors de la tuerie en Nouvelle-Écosse il y a près de trois ans a bien l’intention de s’assurer que les recommandations de la commission d’enquête publique seront mises en œuvre.

«C’est formidable que les choses avancent», a déclaré Scott McLeod lors d’une conférence de presse à Truro, une communauté située à environ 30 minutes de route à l’est de l’endroit où le carnage avait commencé, à Portapique, le soir du 18 avril 2020. «Il reste encore beaucoup de choses à faire avec les recommandations (…) Mais ça va permettre de tourner une page.»

Son frère Sean faisait partie des 22 personnes tuées par balles lors de cette tuerie dans le nord et le centre de la Nouvelle-Écosse. Le tueur, un denturologiste de 51 ans, a été abattu par deux policiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) le matin du 19 avril 2020 dans une station-service à une centaine de kilomètres au sud de Portapique. 

La commission d’enquête fédérale-provinciale a publié jeudi son rapport final, qui comprend 130 recommandations pour rendre les villes canadiennes plus sûres. Les commissaires recommandent notamment la mise sur pied d’un comité de suivi pour s’assurer que les 129 autres recommandations soient mises en œuvre. M. McLeod, qui travaille dans le système correctionnel fédéral, comme son défunt frère, aimerait bien en faire partie.

«Avoir maintenant ce rapport et savoir que les familles et le public ont été entendus, c’est fantastique, a-t-il déclaré. Je vois beaucoup de points positifs qui en ressortent.»

Sandra McCulloch, une avocate qui représente les proches de 14 des victimes, a déclaré que ses clients avaient ressenti un certain soulagement lorsque le rapport en sept volumes a été publié. «Ils ont mis tellement d’énergie et d’émotion dans ce processus, alors ils peuvent commencer à passer à autre chose», a-t-elle déclaré.

«Il y a beaucoup de choses (dans le rapport) qui correspondent aux préoccupations qu’ils avaient exprimées, principalement au sujet de la réponse de la GRC à la tuerie et la façon dont ils ont été traités.»

Pourtant, Me McCulloch soutient que la réaction généralement positive de ses clients au rapport n’avait pas effacé les rancunes qui ont fait surface au début du processus. La commission a en effet été accusée par certaines familles de ne pas avoir posé de questions difficiles en raison de son approche bienveillante auprès des témoins, pour «tenir compte des traumatismes» subis par les intervenants.

«Il y a des réponses que la commission a laissées derrière (…) Il y a des fils qui ne sont toujours pas attachés, selon eux», a déclaré l’avocate.

Au cours des audiences publiques de la commission, certains ont déploré que des témoins, dont des officiers supérieurs de la GRC, n’aient pas été obligés de subir un contre-interrogatoire en personne par des avocats représentant les familles des victimes.

Le président de la commission, l’ancien juge en chef de la Nouvelle-Écosse Michael MacDonald, a contesté jeudi ce point de vue, affirmant que la commission avait obtenu les réponses qu’elle recherchait.

Il a souligné son expérience de près de 45 ans en tant qu’avocat et juge. «Je sais une chose ou deux sur l’obtention de preuves par des témoins, a-t-il déclaré en entrevue. C’est tout simplement faux, d’après mon expérience, de prétendre que la seule façon d’obtenir la vérité (…) c’est par le biais d’un contre-interrogatoire.»

Malgré cette rancune persistante, d’autres membres des familles de victimes étaient d’accord avec l’évaluation plutôt positive du rapport par les clients de Me McCulloch.

Harry Bond, fils des victimes Joy et Peter Bond, a déclaré que lui aussi se concentrerait maintenant sur la mise en œuvre des recommandations de la commission. 

«Nous devons maintenir la pression pour nous assurer que des changements sont apportés, a-t-il déclaré dans une entrevue après la publication du rapport. Nous ne sommes pas sûrs à 100 pour cent que ça se produira, mais avec notre pression et la pression de toutes les familles, je me sens plus persuadé que le changement se produira.»

M. Bond s’est dit par ailleurs impressionné, voire surpris, de lire les critiques acerbes de la commission sur la façon dont la GRC avait réagi lors de cette tragédie. 

Bonnie Oliver, la mère de la victime Jolene Oliver et grand-mère de la victime Emily Tuck, a déclaré de son côté que le rapport marquait un nouveau départ pour elle. «Au moins, ce rapport nous donne une page de départ pour pouvoir créer l’héritage de nos familles, car c’est de cela qu’il s’agit, a déclaré Mme Oliver jeudi. Les familles maintiendront la pression pour (…) qu’il y ait une sorte de sens derrière leur mort.»

Lors d’une conférence de presse vendredi à Moncton, au Nouveau-Brunswick, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré aux journalistes qu’il était bien conscient que les Canadiens «ressentaient une réelle urgence» à ce que les gouvernements donnent suite aux recommandations du rapport. Mais il a ajouté qu’il fallait d’abord procéder à un examen minutieux des conclusions de la commission.

«Il s’agissait de recommandations très fortes et claires (…) Il va falloir du temps pour les assimiler et élaborer des plans d’action afin que nous puissions les respecter, a-t-il déclaré. J’ai hâte de le faire avec la GRC et d’autres corps policiers à travers le pays.»

Quant à la GRC, le commissaire par intérim Mike Duheme a déclaré que lorsqu’il avait rencontré certaines des familles jeudi, il s’était engagé à examiner attentivement les recommandations de la commission. 

«Si nous n’arrivons pas à apporter des changements au sein de l’organisation, cet incident tragique et horrible (…) se sera produit pour rien, a-t-il déclaré en entrevue. Nous devons en tirer des leçons et nous améliorer.»