Les journalistes ne seront pas dans l’autobus de campagne de Pierre Poilievre
OTTAWA — Le Parti conservateur du Canada rompt avec la tradition et n’autorisera pas les médias à bord des avions et des autobus pour la campagne électorale de Pierre Poilievre.
Dans un courriel envoyé mardi, la directrice nationale de campagne, Jenni Byrne, a indiqué que les coûts de déplacement ont «considérablement augmenté», tout comme les coûts concernant l’accès numérique et à distance pour les événements publics.
Mme Byrne a également affirmé que, ces dernières années, des médias ont choisi de confier la couverture des événements au personnel des bureaux locaux plutôt que de faire voyager les journalistes d’Ottawa à travers le pays pendant toute la durée de la campagne.
Mme Byrne a dit que son équipe tient à souligner que la campagne garantira «un accès médiatique juste et équitable».
Traditionnellement, les campagnes électorales fédérales des principaux partis politiques prévoient des places pour des journalistes sur les tournées des chefs de parti. Les organisations médiatiques paient le voyage et les autres frais au parti, afin que les journalistes puissent accéder aux événements, poser des questions pour demander des comptes aux dirigeants et observer de près les campagnes.
«Cette campagne sera l’une des plus accessibles et transparentes de l’histoire récente», a déclaré la directrice nationale de campagne.
Mme Byrne a indiqué que des mesures ont été prises pour garantir que les médias canadiens «puissent partager tous les événements publics, puissent participer aux événements sur le terrain et puissent poser des questions à distance et en personne».
Elle a expliqué que ces mesures comprennent le fait de communiquer aux bureaux avec un préavis de deux à trois jours concernant les emplacements des événements, la mise à disposition de services de conférence complets pour les médias et la mise à disposition d’une ressource dédiée basée au bureau de campagne d’Ottawa pour aider à coordonner les déplacements et la logistique technologique.
Mme Byrne a indiqué qu’un accès médiatique «équitable» sera assuré lors de toutes les conférences de presse entre les médias locaux et nationaux.
Outre une diffusion publique en direct, Mme Byrne a assuré que les événements offriront également une diffusion de qualité professionnelle.
Christopher Waddell, professeur émérite à l’école de journalisme de l’Université Carleton, a affirmé qu’il n’était «pas totalement surprenant» qu’un parti ait choisi de ne pas laisser les médias monter à bord de son avion.
Il a expliqué que cette mesure «était en cours depuis un certain temps», car l’entourage médiatique qui suit le chef se rétrécit.
M. Waddell a ajouté que cette situation crée une «opportunité intéressante» pour les médias de passer moins de temps à suivre les chefs et plus de temps à discuter avec les électeurs. Il a ajouté que les journalistes peuvent arriver tôt à un événement et rester plus tard pour recueillir les réactions du public.
«Cela ouvre la voie à différents types de journalisme, susceptibles d’intéresser davantage le public», a soutenu M. Waddell.
Il a toutefois ajouté que cette décision pourrait entraîner des coûts plus élevés pour les médias et donner aux conservateurs davantage de contrôle sur la couverture médiatique. Il a précisé que le parti pourrait choisir de ne pas fournir aux médias un programme détaillé et de choisir les médias autorisés à poser des questions.
M. Waddell a ajouté que, bien que les conservateurs affirment qu’ils donneront aux médias un préavis de deux à trois jours sur les lieux des événements, ce délai pourrait changer en fonction de l’évolution de la campagne.
Jeffrey Dvorkin, chercheur principal au Collège Massey de l’Université de Toronto, affirme que la décision des conservateurs va à l’encontre de la tradition selon laquelle les partis politiques permettent aux médias d’être disponibles quotidiennement pour commenter.
«Cela montre que les conservateurs ne souhaitent tout simplement pas ce type de surveillance, ce type de présence journalistique, a déclaré M. Dvorkin, ajoutant qu’il est important que les journalistes puissent poser des questions en personne. Je pense qu’il s’agit d’un véritable pas en arrière dans la façon dont le journalisme et la politique sont menés dans ce pays.»
Il a ajouté que cette décision compliquerait l’accès des médias traditionnels. Selon lui, l’idée que la presse parlementaire ait le même accès aux politiciens que les blogueurs est «un mauvais service rendu à la politique électorale» et à la démocratie.
«C’est un très mauvais signe pour la politique électorale canadienne», a-t-il ajouté.