Les restes d’un prêtre soupçonné d’avoir agressé des enfants à Kahnawake sont exhumés

MONTRÉAL — Les restes d’un prêtre catholique soupçonné d’avoir agressé sexuellement des enfants ont été exhumés et retirés de Kahnawake, des mois après que les membres de cette communauté mohakw se soient prononcés lors d’un référendum.

Le Conseil mohawk de Kahnawake, au sud de Montréal, affirme que la dépouille du père Léon Lajoie, décédé en 1999, a été exhumée mercredi du terrain de la mission Saint-François-Xavier. Le père Lajoie, un jésuite, était arrivé à Kahnawake en 1961 et il a été curé de Saint-François-Xavier jusqu’en 1990.

«Il était important de nous rappeler, en tant que communauté, que cela a été une question difficile et émotive, a indiqué le conseil dans un communiqué. Il était important de procéder à la délocalisation d’une manière respectueuse et digne, comme l’exige une telle occasion solennelle. En tant que collectivité, nous devons continuer à trouver le chemin vers une véritable guérison.»

L’été dernier, plusieurs membres de cette communauté ont soutenu que le père Lajoie les avait agressés, et ils ont demandé que sa dépouille soit retirée de Kahnawake, afin d’amorcer un processus de guérison. Lors d’un référendum, en mars, les citoyens de Kahnawake ont voté, à 233 voix contre 195 (54 %), en faveur de l’exhumation et de la translation des restes du curé.

Melissa Montour-Lazare, porte-parole du groupe qui a réclamé l’exhumation, soutient que l’enlèvement des restes a été libérateur pour ceux qui disent avoir été agressés par le père Lajoie.

«C’est leur façon de tourner la page, a-t-elle déclaré jeudi. Je pense qu’ils peuvent maintenant commencer leur processus de guérison, sachant qu’il est parti et qu’ils ne verront plus des gens déposer des fleurs sur sa tombe et parler de lui comme quelqu’un de formidable.»

Selon Mme Montour-Lazare, le référendum de mars dernier a été un processus difficile pour les victimes, qui se sont senties humiliées. «Quand ces personnes ont eu assez de courage pour sortir de l’ombre et dénoncer publiquement, elles ont été soumises à un référendum pour déterminer, au fond, si on les croyait — Oui ou Non», a-t-elle déclaré.

L’exhumation s’est d’ailleurs heurtée à la résistance du conseil de bande et des fidèles de la paroisse, a déclaré Mme Montour-Lazare.

«Les gestes parlent plus que les mots»

Mais pour elle, cette exhumation fait partie du processus de réconciliation. «Si vous voulez commencer à poser des gestes ici, c’est ce que cela implique: des gestes concrets, pas des promesses vides, comme nous l’entendons depuis le début.»

Mme Montour-Lazare estime que le processus plus large de réconciliation comprend aussi la reconnaissance par le pape François, le mois dernier, qu’un génocide a eu lieu dans les pensionnats fédéraux pour Autochtones.

«La délocalisation (des restes) de ce prêtre, ça faisait partie de cette réconciliation. Les gestes parlent plus que les mots et, dans ce cas, l’argent n’arrange rien: on ne peut pas défaire ce qui a été fait», a déclaré Mme Montour-Lazare.

Les jésuites du Canada avaient indiqué mercredi dans un communiqué qu’ils accueilleraient les restes du père Lajoie «dans son lieu de repos prévu». Après le référendum de mars, les jésuites avaient déjà indiqué qu’«ils s’occuperaient de la réinhumation du père Lajoie» à leur cimetière de Saint-Jérôme et qu’ils couvriraient les frais.

Les jésuites indiquent mercredi que le rapatriement de la dépouille du père Lajoie a été planifié en consultation avec le Conseil mohawk de Kahnawake, la communauté et le conseil paroissial de Saint-François-Xavier.

Une enquête commandée par les jésuites n’a trouvé aucune preuve d’agressions qui auraient été commises par le père Lajoie. Cependant, la firme d’enquête privée mandatée par les jésuites a conclu qu’une «agression sexuelle grave» avait été commise entre 1976 et 1979 à la mission Saint-François-Xavier.

En mars dernier, les jésuites ont déclaré que le rapport n’avait pas «clarifié toutes les allégations» contre le père Lajoie et qu’une enquête plus approfondie serait menée.