Profilage racial par la police: un procès commence à Montréal

MONTRÉAL — Joseph-Christopher Luamba a déclaré lundi devant un tribunal de Montréal que, lorsqu’il aperçoit une voiture de police en conduisant, il commence à se préparer à s’arrêter.

Au cours des dix-huit mois qui ont suivi l’obtention de son permis de conduire en mars 2018, M. Luamba a rapporté avoir été arrêté par la police environ 10 fois sans raison particulière. Il a dit qu’il conduisait une voiture pendant environ la moitié des contrôles et qu’il était passager dans la voiture d’une autre personne pendant les autres contrôles de police.

Ces contrôles routiers sont au cœur d’une poursuite qu’il a intentée contre les gouvernements canadien et québécois et qui a débuté lundi dans une salle d’audience de Montréal.

M. Luamba, qui est noir, a dit qu’il croyait avoir été victime de profilage racial lors des contrôles routiers — dont aucun n’a abouti à une contravention — et qu’il cherche à avoir une règle de common law qui permette de déclarer inconstitutionnel le fait que la police canadienne arrête les conducteurs sans raison.

Il dit être frustré et ne pas comprendre pourquoi il a été arrêté, alors qu’il a suivi les règles et n’a commis aucune infraction. L’homme de 22 ans a ajouté qu’il était nerveux lors des interactions avec la police.

Les avocats de M. Luamba et de l’Association canadienne des libertés civiles, qui a le statut d’intervenant dans l’affaire, ont déclaré au juge de la Cour supérieure Michel Yergeau que le pouvoir de la police d’arrêter au hasard les conducteurs, en dehors des points de contrôle de l’alcool au volant, est inconstitutionnel et permet le profilage racial.

Mike Simeon, qui représente M. Luamba, a précisé lors de ses plaidoiries préliminaires que la situation avait changé depuis que la Cour suprême du Canada, dans une décision de 1990, avait confirmé le pouvoir de la police de procéder à des contrôles routiers aléatoires. Le profilage racial est désormais reconnu comme un problème grave, a-t-il dit.

Selon lui, les interpellations violent le droit de ne pas être détenu et le droit de savoir pourquoi on est détenu.

Lors de plusieurs incidents, a rapporté M. Luamba, la police ne lui a pas expliqué pourquoi ils l’avaient arrêté jusqu’à ce qu’ils soient prêts à le laisser partir.

Me Simeon a déclaré que les Noirs, en particulier les jeunes hommes noirs, sont plus susceptibles d’être ciblés par des arrestations aléatoires que les autres personnes. 

M. Luamba a témoigné que lorsqu’il parlait à ses amis des interactions avec la police, ses amis noirs lui ont dit qu’ils étaient habitués aux arrestations aléatoires, tandis que ses amis blancs étaient stupéfaits par la fréquence à laquelle il était arrêté.

Les avocats des gouvernements canadien et québécois ont fait valoir que la Cour suprême avait eu raison de maintenir la règle autorisant les interpellations aléatoires, qui, selon eux, est un outil important pour lutter contre l’alcool au volant.

Ian Demers, un avocat représentant le procureur général du Canada, a dit que le gouvernement fédéral est conscient que le profilage racial existe et que des moyens légaux existent pour le combattre. Le pouvoir de procéder à des interpellations aléatoires n’est pas destiné à permettre le profilage racial, selon lui. 

M. Luamba a témoigné qu’il avait été arrêté à la fois alors qu’il conduisait et alors qu’il était passager dans des véhicules conduits par des amis noirs. Quatre arrestations ont été incluses dans les premiers documents judiciaires de M. Luamba.

Lors d’un contre-interrogatoire par l’avocat du gouvernement du Québec Michel Déom, M. Luamba a rapporté qu’à chacune des fois où il a été arrêté au volant, il se trouvait dans un véhicule appartenant à quelqu’un d’autre ou dans une voiture de location. À chacune de ces occasions, la police a accepté son explication de la raison pour laquelle il conduisait la voiture de quelqu’un d’autre et l’a laissé partir après quelques minutes.

Me Déom a demandé à M. Luamba combien de fois il avait été arrêté alors qu’il conduisait une voiture qu’il possédait, et M. Luamba a dit qu’il avait été arrêté trois fois pour excès de vitesse. M. Luamba a possédé sa propre voiture entre août 2020 et août 2021.

Le procès, qui devrait durer un mois, se poursuit mardi.