Trudeau reste sourd à l’appel de Legault qui lui demande de fermer le chemin Roxham

QUÉBEC — Le premier ministre Justin Trudeau est resté sourd mercredi à l’appel de François Legault, qui lui demande de fermer le chemin Roxham, en Montérégie, devant l’afflux massif d’immigrants irréguliers.

M. Legault a interpellé directement son homologue fédéral, car Ottawa a rouvert ce passage de fortune à la frontière entre le Canada et les États-Unis en novembre dernier, après la pandémie, et le délai de traitement des demandes devient trop long. 

Des élus conservateurs à Ottawa ont promptement appuyé la demande du Québec et le Bloc a réclamé de nouveau de suspendre l’entente avec les États-Unis à l’origine de cette immigration massive: l’entente sur les tiers pays sûrs.  

«Un système rigoureux»

«On a un système rigoureux, s’est contenté de répondre Justin Trudeau. Nous allons toujours continuer de respecter notre système d’immigration. On accueille l’immigration parce qu’on a un système rigoureux.»

Pas moins de 8000 demandes d’asile ont été acheminées depuis novembre, un record. Une centaine de personnes empruntent chaque jour ce chemin et c’est intenable, a plaidé M. Legault, mercredi en point de presse avant la période de questions. 

«Ça voudrait dire plus de 36 000 migrants par année, c’est inacceptable. Ça devient impossible à gérer. (…) On est la seule province qui a un chemin tout grand ouvert, qui s’appelle Roxham, et le gouvernement fédéral, qui est responsable de contrôler les frontières, ne fait pas sa job.»

Son ministre de l’Immigration, Jean Boulet, soutient que ces arrivées massives dépassent largement la capacité d’accueil du Québec. 

«Il faut véritablement arrêter ce flux quotidien qui finit par excéder nos ressources, a-t-il déclaré en mêlée de presse. C’est la pression sur les services publics d’emplois, sur le logement, sur les services de santé, les services sociaux, l’école.»

Le «vrai problème»

Le «vrai problème», dit M. Legault, est le retard du fédéral dans le traitement des demandes de ces nouveaux arrivants. Ottawa met 14 mois à déterminer qui peut obtenir un statut de réfugié et qui doit être renvoyé, a-t-il soutenu. Dans l’intervalle le Québec doit fournir tous les services requis. 

Si Ottawa départageait plus rapidement les vrais réfugiés des faux, «le problème serait pas mal moins grave, parce que la majorité ne sont pas des réfugiés», a-t-il estimé.

Pour sa part, l’opposition officielle libérale à l’Assemblée nationale estime que ce serait «inhumain» actuellement de fermer cette voie d’accès, puisque les migrants trouveront alors d’autres façons de traverser la frontière qui pourraient être plus risquées.

«Nonchalance» 

Le Bloc québécois (BQ) a fait écho à la demande du gouvernement caquiste et demande de suspendre l’entente avec les États-Unis, puisque le texte le permet.

Selon Yves-François Blanchet, le mot circule que le chemin Roxham est une passoire et le fédéral «regarde les bras croisés».  

Peu de ces nouveaux arrivants vont se franciser et ils contribueront ainsi à l’anglicisation, a-t-il dénoncé.

«C’est d’une nonchalance qui pourrait procéder de l’intention», a lancé le chef bloquiste. 

Le député conservateur Pierre Paul-Hus a réclamé des modifications à l’entente entre le Canada et les États-Unis, «c’est la seule chose à faire».

«Le chemin Roxham aurait dû être fermé depuis longtemps, il y a des façons plus stables d’entrer au Canada», a renchéri son collègue, le député Bernard Généreux.

En vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs, entrée en vigueur en 2004, le Canada et les États-Unis se reconnaissent mutuellement comme des «lieux sûrs» où chercher refuge et protection. Cela signifie en pratique que le Canada peut refouler un réfugié potentiel qui arrive aux points d’entrée terrestres le long de la frontière canado-américaine, parce que ce réfugié doit poursuivre sa demande d’asile aux États-Unis, là où il est d’abord arrivé.

C’est cette entente qui avait poussé les demandeurs d’asile à emprunter le chemin Roxham, en Montérégie, parce que ce passage n’est pas un «point d’entrée officiel»; le Canada doit donc traiter leur demande d’asile.