René Gallant: la crise d’Octobre en héritage

LIVRE. Les événements survenus en octobre 1970 au Québec ont frappé l’imaginaire et font partie de l’histoire de la province. Si la très grande majorité les a observés, René Gallant de Saint-Anselme les a vus et vécus comme simple soldat.

M. Gallant était militaire depuis un peu plus d’un an au moment des événements et a été appelé à servir lorsque le premier ministre canadien de l’époque, Pierre-Eliott Trudeau, a déclaré la Loi sur les mesures de guerre le 16 octobre cette année-là.

Il caressait depuis plusieurs années l’idée d’en faire un livre. C’est maintenant chose faite. «Ma décision est prise depuis 40 ans, mais j’étais en affaires une bonne partie de ma vie et j’ai pris ma retraite il y a une dizaine d’années. C’est à ce moment que je l’ai présenté à une maison d’édition de Québec qui aimait mon idée, mais avec beaucoup de modifications à faire. J’ai mis ça de côté pour un certain temps», raconte le sympathique personnage qui dit avoir cédé aux pressions de sa fille, d’une part, mais aussi pour laisser son récit en héritage à sa famille.

S’il a mis beaucoup de temps à compléter son ouvrage, il précise ne pas avoir eu de difficultés à récupérer ses souvenirs de l’épisode. «J’écrivais ça de nuit, cela m’a pris environ trois semaines à tout mettre sur papier. C’était simple, c’est ma vie. C’est facile d’être inspiré quand tu te rencontres, même quelques années plus tard. J’avais déjà des notes de prises depuis 40 ans. J’avais deux cahiers écrits à la main. Il fallait retravailler ça tout simplement».

Des souvenirs ancrés

L’aventure que M. Gallant raconte est encore fraîche à sa mémoire, même si celle-ci est survenue il y a 46 ans. «Je m’en souviens comme si c’était hier parce que cela m’a marqué. Lorsque les événements se sont produits, nous avons été isolés et préparés à partir. La plupart de mon histoire se passe à Montréal parce que c’est là que j’ai été dépêché comme membre de l’armée canadienne. J’y ai finalement passé trois mois soit du début octobre jusqu’au janvier suivant où on m’a dit de remettre mes armes», raconte M. Gallant.

Son récit est d’ailleurs passionnant à écouter. «D’octobre à décembre, nous étions en devoir 7 jours par semaine et 24 heures sur 24. Mon rôle au départ était de faire de la garde autant des postes de police que des parcs et même certaines personnalités. Ensuite j’ai fait de la livraison à nos satellites qui étaient répartis un peu partout sur le territoire de la Ville de Montréal. Je suis revenu à Valcartier où j’ai joué un peu le même rôle, mais finalement pu terminer mon engagement.»

Celui qui réside dans Bellechasse depuis 1975 sait que la crise d’Octobre frappe l’imaginaire. «C’est la pire histoire à survenir au Québec depuis pratiquement l’époque des Patriotes. L’enlèvement d’un dignitaire et le meurtre d’un ministre, c’est quelque chose. Il y a eu plus de 500 arrestations injustifiées, quelques 7 000 fouilles et perquisitions, je me croyais vraiment en guerre. Est-ce que cela a été amplifié politiquement? Ce n’est pas à moi de juger», laisse-t-il entendre n’ayant pas véritablement d’opinion sur le sujet.

Il se rappelle toutefois que la tension qui existait à ce moment était palpable. Non seulement dans les grands centres, mais aussi en région. «Je suis natif de la Gaspésie et nous avions reçu des menaces de mort même là-bas. J’étais un étudiant de 14 ou 15 ans et un après-midi, nous n’avions pas eu d’école en raison de menaces. Il fallait prendre des moyens et réagir à certains événements c’est évident. Mais c’est difficile de juger si la manière était la bonne.»

René Gallant avait 19 ans lorsqu’il s’est enrôlé au sein de l’armée canadienne. «Je m’étais engagé pour cinq ans sauf que je me suis marié entretemps. J’y ai fait près de quatre ans finalement.»

Sa perception des événements a toutefois changé avec le temps, mais il évite aussi de juger les leaders des deux clans de l’époque. «J’avais 20 ans. Était-ce nécessaire tout ça? Je ne sais pas. Il y a trop de zones grises. Il y avait tout de même eu une vingtaine de morts dans les années précédant la crise. Pourquoi utiliser l’armée? Parce que c’était moins cher que la police possiblement.»